Une architecture dans l’ère du temps
A l'est de l’ex-région, le savoir-faire des Romains est, deux mille ans après leur apogée, encore très visible, surtout dans le Gard et l'Hérault. La maison Carrée, les arènes de Nîmes et le Pont du Gard rappellent bien au passant qu'il fut un temps où l'on ne plaisantait pas avec l'architecture, qui se devait d'être majestueuse. La Tour Magne ou bien la Porte d'Auguste en disent long sur la manière dont les Romains sécurisaient les secteurs conquis ou annexés. A noter également, dans l'Aude, l'enceinte intérieure de la Cité de Carcassonne, du Bas-Empire, dont la mention écrite la plus ancienne remonte à l'an 333, ou encore Narbonne, et son riche patrimoine antique qui permet d'admirer la Via Domitia, les galeries souterraines de l'horreum et une collection archéologique unique en France. La ville s’est d’ailleurs dotée d'un grand musée de la Romanité, Narbo Via, en 2020. Là est exposée une partie des 2 000 éléments du mobilier lapidaire préservé qui fait de cette collection la plus riche après celle de Rome.
Le Languedoc-Roussillon, depuis toujours terre de contacts et d’échanges, pacifistes ou non, a été baigné de courants artistiques variés venus se mêler aux traditions autochtones. Après le premier art chrétien, la renaissance carolingienne que connaît le nord de l’Empire n’atteint pas vraiment la région. Le premier art roman méridional, venu de Lombardie, est un art sobre, tourné vers les problèmes d’architecture : la sculpture y est rare et la fantaisie réside dans un décor mural de bandes, arcades et frises en dents d’engrenage. Le deuxième art roman, lui, va s’exprimer principalement sur les grands édifices. C’est alors la floraison d’une sculpture parfaitement aboutie où s’ébattent les humains, la flore et un bestiaire fantastique, aux origines orientales. En Roussillon se crée ainsi un style très homogène et original qui trouvera son expression la plus achevée dans les chapiteaux des cloîtres des abbayes catalanes.
Après l’épisode cathare et suite à l’intégration du Languedoc au royaume de France, la région est soumise à l’influence artistique du nord du pays, particulièrement avec l’apparition du style gothique dans l’architecture aussi bien civile que religieuse. C’est l’époque de la construction des grandes cathédrales qui vont marquer l’empreinte du pouvoir religieux sur les villes de la région : Carcassonne, Narbonne, Béziers, Mende, Lodève, Clermont-l’Hérault, Nîmes...
Seul le Roussillon, royaume indépendant, conservera quelques originalités, le particularisme catalan. Nombre de monuments à Perpignan, tels le Palais des rois de Majorque, bâti au XIIIe siècle, le Castillet, ancienne porte principale de la ville, la Loge de Mer datant du XIVe siècle, l'hôtel de ville également de la période médiévale ou encore la Casa Xanxo du début du XVIe siècle, ont été érigés magnifiquement selon le style catalan. On note l'emploi régulier de la brique très présente dans l'architecture de certains monuments.
On retrouve également l'influence catalane dans l'architecture religieuse, comme à l'abbaye Saint-Michel de Cuxa ou au Prieuré de Serrabona, dont la tribune est un exemple remarquable de l'art roman catalan. Elle est particulièrement visible dans le mobilier et les retables. L’apogée de cet art est atteint en 1489 avec le « retable de la Trinité », œuvre majeure conservée au musée Rigaud à Perpignan. Il montre combien le Roussillon de l’époque était au confluent de toutes les influences européennes : Avignon, Bourgogne, Flandre, Allemagne, Nord de la France, Italie... Ainsi du XIVe au XVe siècle, la production picturale va se concentrer sur cette forme de peinture religieuse, commandée en général par des laïcs, et que l’on retrouve de nos jours à Palau-del-Vidre, Perpignan, Argelès, Rigarda, Iravals, Vinça...
Par la suite, la Renaissance marqua peu la région et il fallut attendre l’époque classique pour que l’architecture bouleverse les paysages urbains. Cette révolution on la doit à Auguste-Charles d’Aviler (1653-1701) qui, occupant la charge d’architecte de la province, mena à terme des projets prestigieux mais aussi participa à des ouvrages plus modestes. Tout autour des villes, bourgeois et notables se font construire des demeures d’été (comme les folies montpelliéraines), petits châteaux entourés de vignes qui préfigurent les châteaux « pinardiers » qui apparaîtront dans la plaine au XIXe siècle lors de « l’Eldorado du Vin ».
Les châteaux médiévaux
Procéder à l'énumération complète des châteaux médiévaux qui jalonnent le territoire de la région, mènerait à une lecture longue et fastidieuse. Sur les cinq départements en effet, il en est qui sont majestueux, imposants, larges, longs, petits, ruinés, ou bien conservés. Bien souvent, bastides et châteaux sont d'anciens lieux de résistance, des forteresses prêtes à répondre à n'importe quel assaillant venu d'ailleurs pour l'assiéger. Ainsi, ceux-ci furent érigés bien souvent en ligne de crête des montagnes et des collines, surplombant la nature pour mieux dominer l'ennemi.
Sur le territoire de l'Aude, ce sont les châteaux du Pays Cathare qui ont marqué le paysage aux reliefs tourmenté : les châteaux de Saissac, de Lastours, d'Aguilar, de Puilaurens, de Peyrepertuse, de Quéribus ou de Puivert, sans oublier bien sûr l'impressionnante cité de Carcassonne, quiconque aime la période médiévale sera conquis par ces fortifications à flanc de coteaux. On ne peut parler des châteaux de la région sans évoquer le splendide château royal de Collioure dans les Pyrénées-Orientales. A noter également, la forteresse de Salses, dans le même département, qui fut construite sur l'ordre du roi Ferdinand II d'Aragon, à la fin du XVe siècle, afin de contrôler le passage reliant alors la France à l'Espagne.
Dans le Gard, les tours et les remparts d'Aigues-Mortes érigés sous Louis IX, vous transportent à l'époque féodale, en pleine Camargue. Il est possible de les parcourir tout au long de l’année. Enfin, au cœur des Cévennes, l'imposant château de Portes, qui contrôlait la route des pèlerins de Saint-Gilles et des croisés partant pour la Terre sainte, offre aux visiteurs une vue imprenable sur la nature environnante.
Les habitats nés de la vigne
Apparues au moment de l’expansion viticole, les maisons vigneronnes ont participé à l'agrandissement des villages. Les villages s’étant développés de manière concentrique autour du castrum, ces demeures sont généralement situées dans le deuxième ou troisième cercle concentrique. Ces alignements de maisons sont particulièrement remarquables à Saint-Thibéry et à Montagnac dans l’Hérault. A l'époque, ces maisons servaient à la fois de lieu de travail et d’habitation. Elles possèdent des tailles et des décors variés qui dépendaient de la richesse de leur propriétaire. Généralement, la cave à vin se situait au rez-de-chaussée, on y accédait par un grand portail appelé "magasin". Le rez-de-chaussée pouvait faire office de chai, grange ou cellier. L'habitation prenait quant à elle vie à l'étage. Parfois, il y avait un deuxième étage appelé "le galetas" ou grenier, pour le foin. Dans ce cas, on remarque la présence d'une fenêtre avec une poulie extérieure sur la façade.
L’essor de la viticulture a également conduit à la fortune de riches négociants à la fin du XIXe siècle. Atteints d’une folle envie de bâtir, ils élèvent des châteaux au cœur de la plaine agricole, on les appelle les « châteaux pinardiers ». Symboles d’une économie triomphante, ils ne possèdent pas d’architecture ou de décor unique, ils sont le résultat d’un foisonnement architectural, mélange des caprices des propriétaires et des fantasmes des architectes. Les styles roman, gothique, classique, baroque, néo-Renaissance ou encore colonial se mélangent, les normes sont bousculées et ce sont des monuments à l’identité forte et unique qui apparaissent au détour des sentiers. Si la construction n’a pas changé, rares sont les ensembles décoratifs qui sont encore intacts. Quelques châteaux pinardiers : le château de Pinet-Gaujal de Saint-Bon, celui de Saint-Martin de Graves à Pézenas...
L’architecture moderne
Depuis une cinquantaine d’années, l’architecture urbaine languedocienne se montre novatrice. Le département de l’Hérault est une excellente illustration de ces évolutions modernes.
Déjà, dans les années 1970, avec le développement du nautisme dont la pratique se démocratise, les stations balnéaires se transforment. La Grande-Motte est le meilleur exemple de cette mutation puisqu’il s’agit du plus important port créé le long de la côte du Languedoc-Roussillon par la mission RACINE (mission interministérielle d'aménagement touristique du littoral du Languedoc-Roussillon). Ici, l’architecte Jean Balladur a rompu avec les traditions et construit des immeubles de type ziggourat rappelant les pyramides précolombiennes. Grâce à ces réalisations architecturales, la ville possède le label « Patrimoine du XXe siècle ».
Ce vent de modernité a aussi soufflé sur Montpellier. En 2011, les architectes Jean Nouvel et François Fontès ont été choisis pour concevoir le dernier hôtel de ville. Résultat : un parallélépipède haut de 40 mètres transparent. Très contemporain, ce bâtiment est également écologique, il accueille l’une des plus importantes centrales photovoltaïque de France. La structure est en acier et habillée de façades en aluminium et verre qui font entrer la ville dans une autre dimension.
Toujours dans la capitale languedocienne, on peut citer le travail de l’architecte Zaha Hadid, responsable de Pierresvives, un espace de 3 500 m2 dédié à la culture inauguré en 2012. Bâti en béton et en verre, cet édifice à la géométrie complexe se présente en trois dimensions. Zaha Hadid a créé des lignes fluides, des angles aigus et des jeux de transparence qui donnent une impression de mouvement. Son travail lui a permis de devenir la première femme récompensée du prix Pritzker, l’équivalent du prix Nobel en architecture.
Pour finir, évoquons l'« Arbre blanc », élu le plus bel immeuble du monde en 2020 par un site spécialisé en architecture. Cet immeuble contemporain, tout blanc et doté de balcons-terrasses suspendus donnant l'illusion de feuilles accrochées à un arbre, a vu le jour au printemps 2019 sur les bords du Lez. Pour ceux qui aiment prendre de la hauteur, au 17e étage, l'Arbre blanc offre désormais la plus belle vue sur Montpellier, la Méditerranée d'un côté et le pic Saint-Loup de l'autre.