L’héritage des troubadours
Actifs au Moyen Age, entre 1000 et 1350, les troubadours étaient des poètes occitans qui ont développé l'art du chant courtois. A la fois compositeurs, poètes et musiciens, ils interprétaient ou faisaient interpréter par des jongleurs ou des ménestrels leurs œuvres poétiques. Ecrites dans une langue d'oc commune – qu'ils désignaient par les termes « provençal », « limosin » ou encore « langue romane » – leurs œuvres avaient deux thèmes principaux : l'amour et l'actualité/le débat. La première catégorie était la plus prestigieuse, car directement liée au « fin'amor » (l’amour courtois). L'actualité était surtout traitée dans des « sirventès », des chants contestataires, courts et sans détours, qui permettaient de parler de politique, d'attaquer un ennemi ou de pleurer une disparition.
Après un apogée au XIIIe siècle, la disparition de cet art commença dès le XIVe siècle. Son déclin démarra avec l’arrivée de la censure de certains thèmes, notamment les amours infidèles, due à l’hypocrisie religieuse. Cette chute fut aussi encouragée par les croisades qui mettent alors à mal la stabilité sociale favorable à la création : appauvrissement des cours, disparition des mécènes…
S’il reste peu de traces des textes des Xe et XIe siècles, des œuvres de l’Âge d'or des troubadours (XIIe et XIIIe siècles) ont pu être sauvegardées. Au total, 400 troubadours sont arrivés jusqu’à nous, avec eux, environ 2 500 textes. Parmi les plus connus, on peut mentionner Perdigon, Gavaudan le Vieux, Azalaïs de Porcairagues (« trobairitz », terme utilisé pour désigner une femme troubadour), Bernart Alanhan de Narbona, Bernart Sicart de Maruèjols, Guilhem de Balaun ou encore le biterrois Matfre Ermengau.
La littérature de langue occitane et catalane
Malgré le rattachement à la France, une littérature de langue occitane et catalane va perdurer jusqu’à nos jours et imprégner la culture au fer rouge. Au cours des XVIIe et XVIIIe siècles, des auteurs comme Jean Roig et Josep Jaume en Roussillon, Jean-Baptiste Favre et Antoine Fabre d’Olivet en Languedoc, maintiennent une tradition poétique et théâtrale en langue régionale.
Un nouveau souffle apparaît à la fin du XIXe siècle, sur les traces de Mistral et de la défense du provençal. Depuis cette époque, de nombreux écrivains ont choisi d’utiliser l’occitan dans leurs écrits. On pense notamment à Louis Roumieux à Nîmes (1829-1894) et à Prosper Estieu à Carcassonne (1860-1939). Plus récemment, la langue a connu parmi ses ambassadeurs Henri Chabrol, André Chamson, René Méjean, René Nelli, Léon Cordes, Robert Laffont, Max Rouquette...
Le catalan a lui aussi connu une importante renaissance. Celle-ci a d’abord été encouragée par des gens comme Pere Talrich (1810-1889) et Justi Pepratx (1822-1901). Ensuite, ce fut au tour d’auteurs comme Joan Amade (1878-1949), un des fondateurs de la Société d’Etudes Catalanes, et Josep Sebastia Pons (1886-1962) d’apporter leur pierre à l’édifice. Une troisième génération de protecteurs a veillé à la préservation de ces mots, elle avait pour représentants des artistes tels qu’Enric Guiter (1909-1994), Joan Mas i Bauzà (1928-1992) et Jordi Pere Cerda (1920-2011).
Les littératures francophones
Les auteurs du Languedoc-Roussillon ont grandement contribué au rayonnement de la littérature française. La majorité d’entre eux ont fait, dès le XVIIe siècle, le choix de la langue française. Une transition qui fut pleine de réussites. On constate d’ailleurs qu’en 1639, quatre ans seulement après la création de l’Académie française, dont la vocation est de favoriser la divulgation de la langue, le Biterrois Jacques Esprit fit son entrée dans l’institution, suivi par un autre natif de Béziers, Paul Pellisson, historiographe de Louis XIV, en 1653.
Le XIXe siècle est quant à lui davantage marqué par le déplacement et la renommée des auteurs languedociens hors des frontières de la région. À cette époque, le dramaturge Étienne Arago, né à Perpignan et frère du savant François Arago, bénéficie d’une excellente réputation à Paris, tout comme le romancier nîmois Alphonse Daudet et les philosophes montpelliérains Auguste Comte et Charles Renouvie. La fin du siècle et la première moitié du XXe sont marquées par les ouvrages classiques de Paul Vigné d’Octon et Ferdinand Fabre ; dans leurs pages, ils célèbrent les garrigues languedociennes. Dans le pays catalan, des artistes comme Ludovic Massé, Arthur Conte et Hélène Legrais font parler leurs plumes.
On note, tout au long du XXe siècle, une attirance pour de nouveaux modes d’expression, notamment chez le Sétois Paul Valéry qui ouvre la voie dans ce domaine. Jean Paulhan, lui, né à Nîmes, a influencé en tant que directeur de la Nouvelle Revue Française la vie littéraire du pays. Toujours dans le Gard, André Chamson et Jean-Pierre Chabrol furent les chantres des Cévennes, décrivant surtout la grandeur de ses habitants qu’ils fussent humbles paysans, rebelles ou insoumis. Et il ne faut pas bien sûr oublier Claude Simon (prix Nobel de littérature), mort en 2005, un des plus grands écrivains français du XXe siècle qui fut la figure emblématique du nouveau roman.
La poésie a eu aussi ses dignes représentants. On est obligé de s'arrêter sur le roi du mot et du verbe Georges Brassens, poète, compositeur, chanteur et musicien né à Sète en 1921 et décédé en 1981. Ses textes poétiques d'avant-garde, parfois aussi contestataires, chansons au sens politique caché, lui valurent quelques censures à son époque d'après-guerre. Quarante ans après avoir « cassé sa pipe », alors que la « camarde » ne le poursuit plus d'un zèle imbécile « d'avoir semé des fleurs dans les trous de son nez », la bouffarde et la guitare de ce grand auteur rayonnent encore à Sète, qui vit tout au long de l'année dans son univers : Georges Brassens dans l'Hérault et à Sète n'est pas qu'un artiste, il est un hymne national flottant dans l'atmosphère. Citons aussi Francis Ponge, poète de l’existentialisme et précurseur du nouveau roman, et Joe Bousquet, animateur avec la revue Chantiers d’un « surréalisme méditerranéen».
Nous ne ferons pas ici la mention ou l’éloge des auteurs de ce début du siècle, car s’ils sont nombreux et pleins de talents, il est encore difficile de mesurer l’importance de leurs travaux dans le domaine littéraire.