De terre et de roche
L’habilité manuelle des potiers a participé à la santé économique des départements du Gard et de l’Hérault au cours des siècles. Dès la fin du Moyen Age, la cité de Montpellier a compté au rang de ses activités un important centre de potiers. Si l’époque glorieuse de la faïence montpelliéraine relève de l’histoire, il reste que ce sont ces céramistes qui ont fondé les centres de Ganges, Pézenas, Toulouse, Bordeaux, La Rochelle... Aujourd’hui, quelques potiers de l’Ecusson, le centre historique de la ville, veillent à la préservation de ces savoir-faire.
Au nord de Montpellier, dans la vallée de l’Hérault, on trouve la commune de Saint-Jean-de-Fos. Entre le XIVe et le XVIe siècle, elle était célébrée pour ses poteries brutes ou vernissées. Après des années de sommeil, la tradition a fait son retour en ville. Désormais, les productions de tuiles vernissées vont orner les constructions récentes de la banlieue montpelliéraine. Ici, plusieurs jeunes potiers ont décidé de se réunir pour former la « route des potiers » et faire vivre cet art.
Dans le Gard, du côté de Saint-Quentin-la‑Poterie, une dizaine de céramistes et potiers poursuivent le travail entrepris dans la région depuis le Néolithique. Ils ont choisi de relancer l’activité en 1983, après que les derniers fours se sont éteints en 1926. De nos jours, ils présentent une production de qualité, très diversifiée : terre vernissée, grès, porcelaine, raku, faïence...
A l’est, près d’Alès, ce sont les vases d’Anduze qui connaissent une renaissance. Appréciés des rois au XVIIIe siècle, ces grands vases vernissés de jardin ornaient l’Orangerie et les jardins de Versailles. Après un déclin au XXe siècle, la production perdure grâce aux neuf poteries de la « route du vase d’Anduze » qui fabriquent toujours ces vases colorés, à partir d’une argile fine, façonnée au tour à pied.
Plus loin, dans les Pyrénées-Orientales, un autre travail de précision est à célébrer : la taille et le montage du grenat catalan. Cette pierre symbolique du département, à la fois par son ancrage historique (depuis le XIXe siècle) et ses couleurs (rouge et or), a récemment obtenu le label Indication Géographique Protégée, faisant du grenat de Perpignan le premier bijou protégé par une IGP. De nos jours, une dizaine de bijoutiers façonnent cette pierre et perpétuent la tradition, la transformant en bagues, broches, pendentifs et croix.
L’artisanat du bois
Les artisans ont appris à dompter les essences de caractère, transformant le bois en objets d’utilité et de beauté. Vivante, cette matière est aujourd’hui utilisée dans trois secteurs spécifiques au Languedoc.
En Lozère déjà, on utilise le bois, et plus particulièrement le pin, pour créer les bouffadous. Ce drôle d’objet, qu’on trouve généralement adossé à la cheminée, est employé pour attiser les braises. Concrètement, il s’agit d’un long tube de bois sans écorce que l’on a creusé en son centre. Pour l’utiliser, il suffit de gonfler ses poumons et souffler au travers en direction du feu. Aujourd’hui, cet objet traditionnel est fabriqué chez un seul artisan : le tourneur sur bois Jean-Louis Sirvins, à Mende.
Dans le Gard et les Pyrénées-Orientales, c’est le micocoulier, un arbre symbolique de la région, qui a donné naissance à des productions originales qui ont su mettre à profit la souplesse et la malléabilité de son bois.
A Sauve (Gard), l’arbre est spécialement planté et taillé, avant qu’un œil d’expert détermine si ses pousses ramifiées peuvent servir à la fabrication de fourches. Ce savoir-faire local, entièrement manuel, a traversé les siècles et continue de rythmer la vie de ce petit village chétif de 2 000 habitants.
Sorède, dans le petit massif des Albères (Pyrénées-Orientales), est quant à elle la capitale des fouets et cravaches en bois. Si elle a connu son heure de gloire au XIXe siècle, lors de la popularisation des sports équestres, la fabrique est toujours relativement active.
Au fil de la création
L’art de créer et manier le tissu est employé dans le Languedoc de bien des façons. Dans les Cévennes, de la fin du XIIe siècle jusqu’à la fin du XIXe siècle, l’industrie de la soie était la plus importante du territoire. Après un déclin important, lié en partie aux importations, cette activité a débuté une renaissance il y a une quinzaine d’années. Elle a été motivée par une poignée de passionnés qui a remis en service une filière complète, de l’élevage des vers à la filature. Cette production est aujourd’hui destinée à la haute couture.
Dans la vallée de l’Aude, au cœur du vallon fertile du Razès, c’est la chapellerie qui a marqué l’histoire locale. Au début du siècle, les ateliers de fabrication de chapeaux de Couiza employaient plus de 3 000 ouvriers. Aujourd’hui, seule la chapellerie de Montazels est encore en activité. Ses produits coiffent les têtes de certains personnels de la Marine nationale ou des sapeurs-pompiers.
Enfin, on ne peut pas quitter ce secteur sans mentionner les tissages catalans et la production d’espadrilles. Emblématique de la région, ce tissu est encore produit dans deux ateliers : à Saint-Laurent-de-Cerdans et à Arles-sur-Tech. Issu d’une vieille tradition, il est caractérisé par des motifs géométriques ou à rayures, à dominante rouge. Résistant, il est généralement utilisé pour la confection de toile à transat et de linge de table. Il sert aussi à la fabrique des célèbres espadrilles, des sandales catalanes à la semelle de corde.
Le verre
Historiquement, la tradition verrière en Languedoc remonte à l’époque romaine, période durant laquelle l’usage de ce matériau était déjà répandu. A partir du XVe siècle, cette maîtrise est devenue une activité de prestige dont l’exercice est octroyé aux nobles désargentés. Ces « gentilshommes verriers », qui seuls avaient le privilège de souffler le verre, ont créé des verreries qui produisaient des bouteilles pour la production viticole, des flacons et fioles pour les pharmaciens et des récipients utilitaires pour la vie de tous les jours. On peut découvrir une partie de leur histoire sur le « chemin des Verriers » et dans La Halle au Verre de Claret. Quelques artisans mettent encore leur patience au service de ce savoir-faire devenu rare, on trouvera notamment Christian Fournié à Beaufort ou Marie-Hélène Gleizes à Montferrier-sur-Lez.