Plateaux et massifs
En Lozère plus que nulle part ailleurs, la terre et les hommes ont été influencés par la nature du sous-sol. Basalte, granit, calcaire, schiste : cette tétralogie explique à elle seule les caractères si imposants, parfois si mystérieux, des paysages lozériens.
Au nord-ouest, l’Aubrac est un épais entassement de nappes basaltiques recouvrant le socle cristallin, suite des grands ensembles volcaniques auvergnats. Des formes particulières marquent le paysage, pitons ou murs de basalte comme au roc de Peyre ou à la Fare de Chirac, étendues prismatiques comme au pont des Nègres... Ciselé par les glaciations du quaternaire qui y ont laissé des lacs scintillants et des tourbières grisâtres, animé par le murmure des ruisseaux, il s’étend paisiblement, couvert de landes et de prairies. Il culmine au Signal de Malhebiau à 1 471 m, son point le plus haut en Lozère. Au nord-est, le socle cristallin effleure sur l’ensemble de la Margeride, l’un des plus vastes massifs granitiques d’Europe. Hauts plateaux couverts de pâturages, mais où subsistent des lambeaux de forêts de pins sylvestres et de hêtres, ils dépassent 1 000 m en moyenne, mais sont entaillés sur leur pourtour de vallées profondes, aux versants arrondis. Au centre, ce n’est que moutonnement de croupes harmonieuses. Le Signal de Randon domine de peu l’ensemble de ses 1 565 m. La décomposition du granit a laissé de grands blocs qui parsèment les landes ou parfois s’amoncellent en chaos rocheux. Le sud de la Margeride est constitué par la montagne du Goulet, massif schisteux qui repose sur le socle cristallin. Il isole une petite région très insolite en ces lieux : la plaine de Montbel, petit causse d’altitude dont on se demande comment il a pu se retrouver là. Souvent, en Margeride, la terre est pauvre, le climat rude et le seigle est la seule céréale que les hommes aient pu cultiver sur ces contrées austères. La lande à genêts domine, se couvrant au printemps d’une infinité de taches d’un jaune éblouissant. Autrefois, plus de 300 000 moutons venaient passer là leurs vacances d’été.
Gorges et forêts
Les Cévennes au sud-est sont le domaine du schiste. Le cours supérieur du Tarn les sépare en deux grands massifs au sommet desquels le socle granitique affleure : le mont Lozère (1 699 m à Finiels) et le mont Aigoual (1 565 m) à l'extrême sud du département. Au centre, la montagne du Bougès est une zone de transition entre les Cévennes du nord, où dominent les landes, et les Cévennes du sud, couvertes de forêts. De part et d'autre, les « serres » marquent le paysage de leurs crêtes schisteuses comme taillées au couteau, séparées par des vallées profondes, aux versants raides et tourmentés qui portent d'épaisses forêts de résineux, de hêtres ou de châtaigniers. Les trois plus importantes sont la vallée Longue, la vallée Française et la vallée Borgne, chacune parcourue par son gardon. Durant des siècles, cette région était la plus riche de la Lozère. La place étant restreinte, les hommes ont construit des terrasses, remonté la terre, aménagé un réseau de canaux d'irrigation (les béals). Ils ont planté des vignes, des arbres fruitiers, des légumes et surtout « l'arbre de vie », le châtaignier. Le paysage cévenol garde profondément les traces de cette intense humanisation malgré la dépopulation qui le touche depuis un siècle.
Au sud-ouest, tout change. À l'ère secondaire, la mer s'est avancée sur le massif ancien et, pendant 60 millions d'années, calcaires et marnes se sont déposés en couches alternées sur des milliers de mètres de hauteur. C'est l'époque des dinosaures et vous pouvez voir les traces de certains de ces animaux près de Florac, à Saint-Laurent-de-Trêves. Les rivières, aux débits plus importants que de nos jours, ont creusé d'imposantes gorges dont la profondeur atteint parfois plus de 500 mètres et qui séparent des plateaux à présent dénudés et arides : les causses. L'activité humaine se concentre dans quelques hameaux ou dans des fermes isolées, toujours situées près de petites dépressions au fond argileux, seuls lieux permettant quelques cultures. Si l'aridité semble régner sur les causses, alors qu'il pleut en moyenne deux fois plus qu'à Paris, l'eau est là, sous la surface.
Que d’eau !
L’eau ruisselle, pénètre dans le sol par les fissures de la roche, dissout le calcaire pour le transporter en profondeur où elle le dépose sous forme de joyaux de calcite dans des cavités souterraines. Deux d’entre elles, explorées à la fin du siècle dernier, ont été aménagées et constituent un des points forts du tourisme lozérien : l’aven Armand, sur le causse Méjean, et la grotte de Dargilan sur le Causse Noir. Parfois en surface, dans les massifs de dolomie (roche proche du calcaire), naissent des formes étranges, animaux, piliers, arcs monumentaux, comme à Montpellier-le-Vieux, Nîmes-le-Vieux ou aux Arcs-de-Saint-Pierre.
Avec ses milliers de sources et de ruisseaux qui serpentent dans les prés, la Lozère est un peu le château d’eau de la France ; et elle le prouve en alimentant trois bassins : celui de la Loire par l’Allier, celui du Rhône par le Luech et les gardons, celui de la Garonne par la Truyère, le Lot et le Tarn. Parions qu’il y a bien quelque ruisselet, sur l’Aigoual, qui file directement vers l’Hérault et la Méditerranée. Mais on ne peut parler des rivières de Lozère sans s’étendre sur le Tarn et ses fameuses gorges, entièrement lozériennes, n’en déplaise à ceux qui, il y a quelques années, dans la région voisine, ont voulu se les approprier... D’Ispagnac au Rozier, sur 50 km, elles sont une des merveilles naturelles de France. La profondeur moyenne varie de 400 à 500 m, et au cirque des Baumes l’écartement entre les causses se réduit à 1 000 m. Grâce à un tracé sinueux, à la variété de leurs parois, tantôt rocheuses, tantôt couvertes de végétation, leur aspect change sans cesse, alternant couloirs sombres et amphithéâtres qui brillent de mille feux.