Voulez-vous cueillir quelques tiges au parfum de miel et d'oseille ? Savez-vous préparer la peau de porc-épic à la sauce aigre-douce et distinguer l'herbage d'un mouton à son goût ? Le Karoo est un monde traversé de chemins ivres qui semblent aller nulle part ; on vient s'y perdre sous un soleil acide, d'éolienne en éolienne, de village en village, pour retrouver avec la nuit la chaleur des dorpshuisies, ces belles maisons au sol de fumier et de noyaux de pêche.
Bien sûr, le Karoo se mérite. Il faut parcourir parfois plusieurs centaines de kilomètres pour trouver une ferme ou un hôtel, de l'autre côté de l'horizon. Les touristes ne se bousculent pas dans cette région isolée, apparemment vide. Un désert poussiéreux et venté, où des dizaines de milliers de moutons broutent l'herbe rase, quel intérêt ? Sous son aspect rude, le Karoo cache des trésors d'hospitalité et de simplicité, des fermiers au grand coeur et de nombreuses auberges de charme. Il y a deux cents millions d'années, c'était un lac, un grand lac bordé de cycas. Aujourd'hui, c'est un plateau nu qui possède la plus grande variété de plantes grasses du monde, une terre cuite comme la croûte du pain, un trop-plein de clarté qui brûle les yeux et ride la peau des hommes, une plaine d'herbe rouge (rooigras) ponctuée de kopjes. Le biome Succulent Karoo - une des vingt-cinq zones de biodiversité menacées de la planète - fait l'objet d'un investissement de 8 millions de dollars du Critical Ecosystem Partnership Fund. Si jamais vous apercevez deux grandes oreilles, ce sont peut-être celles du riverine rabbit (Bunolagus monticularis), une espèce de lapin menacée d'extinction. Il n'en resterait pas plus de 1 500 dans le Grand Karoo, leur seul habitat sur Terre...