Au centre du pays, voilà une région grande comme trois fois la Suisse (129 480 km²), délimitée par l'Orange au sud, la N12 à l'ouest, la Vaal au nord et le front gréseux des Maluti à l'est. Près de quatre millions de personnes y vivent ; l'agriculture (céréales - bétail) est la principale richesse de cette région où l'on trouve 31 % du total des terres arables du pays. Le Free State fournit 5,7 % du PIB sud-africain grâce à ses mines de charbon, d'or et aux aux plantations de maïs qui fournissent du biocarburant. Au nord de la province, les Goldfields (rebaptisés Lejweleputswa, plus politiquement correct bien qu'imprononçable) autour de Welkom et Virginia, cachent des réserves estimées à 10 milliards de rands, fournissant dès aujourd'hui 30 % de la production nationale de métal jaune. Grâce au secteur agricole très actif, le taux de chômage est moins élevé que dans les régions industrielles à forte population, mais les Noirs sont ici très pauvres et l'espérance de vie des Blancs dépasse de dix ans celle des Noirs... On est souvent mal à l'aise en observant ces grandes concessions fermières riches et blanches et tous ces travailleurs noirs dans les champs et les mines qui ne gagnent pas de quoi vivre décemment...
Le Free State et sa capitale Bloemfontein sont connus pour être un repaire d'Afrikaners conservateurs, réacs, voire racistes, n'ayons pas peur des mots puisqu'ils assument pleinement leurs idées. Plus de vingt ans après la chute de l'apartheid, les mentalités n'ont toujours pas évolué dans ces patelins du Free State coupés du monde et des changements rapides qui se passent dans le pays... Les similitudes de grands espaces et de fermiers blancs à cheval, la culture anglo-saxonne et celle des armes à feu et de la chasse forcent la comparaison avec les cow-boys américains.
A l'est de la province, des relations étroites se sont développées avec le royaume indépendant du Lesotho, un Etat qui doit sa fondation aux missionnaires protestants français. D'ailleurs, en approchant de Maseru, tournez le bouton de votre autoradio et suivez les émissions... de Radio France Internationale.
Histoire. En 1840, Johannes Brits, fermier bougon et solitaire, s'installa au lieu-dit Bloemfontein (la fontaine aux fleurs), une source entourée de trèfles que les Africains préféraient appeler Mangaung, " l'endroit des léopards ". Dans cette immense plaine où le lent travail de l'érosion laisse subsister les fameux kopjes, ces petites collines de dolomie aux sommets aplatis, il ne passait à l'époque pas grand monde. En 1846, Johannes vit arriver un bel attelage, celui du major Henry Douglas Warden venu prendre son poste de british resident dans les plaines centrales d'Afrique du Sud. Warden, que la rumeur disait enfant naturel d'un Stuart (famille royale écossaise) et d'une reine de beauté d'Edimbourg, construisit Fort Drury. L'Orange River Sovereignty dura jusqu'en 1854. Après s'être bien amusés à chasser le lion dans les environs, les Britanniques durent rendre les clés aux fermiers boers qui créèrent l'Etat libre d'Orange. Bloemfontein devint alors la capitale d'un Etat souverain, un pays façonné par le quart de siècle de présidence de Johannes Brand. Le rêve prit fin avec la défaite des nationalistes au terme de la guerre anglo-boer en 1902. L'Etat libre fut remplacé par la Colonie de l'Orange, et l'on commença à cultiver l'anglophobie et le maïs.
Dès 1910, pourtant, Bloemfontein devait retrouver un statut à la mesure de ses ambitions : la ville fut choisie pour accueillir, en tant que capitale juridique de l'Union, le siège de la Appellate Division of the Supreme Court, la plus haute institution du pays. La " fontaine aux fleurs " voit également naître, en 1912, le SANNC (South African Natives National Congress), transformé en ANC (African National Congress) quelques années plus tard. Pixley Seme, président du Congrès, organise ici en 1935 l'All African Convention. C'est encore à Bloemfontein qu'à la fin de 1994 le premier président sud-africain issu de l'ANC, Nelson Mandela, s'adresse aux militants de son parti réunis en assemblée générale.