Jean-Jacques Rousseau, promenade dans les Alpes
Le philosophe des Lumières, dont la lecture ne vous passionnait sans doute guère au lycée, a parcouru les Alpes pendant quelques années. L’auteur de La Nouvelle Héloïse, des Rêveries du promeneur solitaire et des Confessions a vécu à Chambéry de 1731 à 1742. Installé dans une modeste demeure avec sa protectrice madame de Warens, « avec peu d’air, peu de jour, peu d’espace » (Les Confessions, livre V), Jean-Jacques Rousseau préfère le calme et la verdure du vallon des Charmettes à Chambéry (maison devenue musée) où il connaîtra le bonheur. Le séjour chambérien est important dans la vie du philosophe car c’est là que madame de Warens entreprit l’éducation littéraire et philosophique du jeune Rousseau avant que celui-ci ne voyage dans les Alpes, préférant les lacs aux montagnes.
Les frères de Maistre, la plume militante et voyageuse
La statue de ces deux Savoyards se dresse depuis 1899 à l’entrée du château de Chambéry. L’aîné, Joseph (1753-1821), mit sa plume au service de la contre-révolution chrétienne et ultramontaine. L’annexion française de la Savoie l’amena à s’exiler pour Lausanne puis en Sardaigne où il rédigea ses Lettres d’un royaliste savoisien et Considérations sur la France. Envoyé en Russie en qualité de ministre plénipotentiaire du roi de Sardaigne auprès du tsar, il y écrivit les célèbres Soirées de Saint-Pétersbourg.
Xavier de Maistre (1763-1852), son frère, est davantage porté vers l’aventure. Il fut tour à tour inventeur, militaire au service du royaume sarde, peintre – certaines de ses œuvres sont exposées au musée des Beaux-Arts de Chambéry –, poète et écrivain. Il cultiva notamment l’art de la nouvelle dont les plus connues sont Voyage autour de ma chambre, Le Lépreux de la cité d’Aoste ou La Jeune Sibérienne.
Lamartine et le lac du Bourget, aux sources du romantisme
C’est en 1820 que Lamartine se retrouve seul au bord du lac du Bourget alors que son amie est malade à Paris et qu’il compose ces vers pour demander au lac majestueux de conserver dans son éternité la trace de ses amours éphémères. « [...] Un soir, t'en souvient-il ? nous voguions en silence ; On n’entendait au loin, sur l’onde et sous les cieux, Que le bruit des rameurs qui frappaient en cadence Tes flots harmonieux. Tout à coup des accents inconnus à la terre Du rivage charmé frappèrent les échos ; Le flot fut attentif, et la voix qui m’est chère Laissa tomber ces mots : « O temps, suspends ton vol ! et vous, heures propices ! Suspendez votre cours : Laissez-nous savourer les rapides délices Des plus beaux de nos jours ! [...] ». Les Alpes éternelles ont-elles ce pouvoir d’arrêter le temps ?
Cures littéraires, inspiration dans les stations thermales
La mise en service de la ligne de chemin de fer du Paris-Lyon-Méditerranée dans la seconde moitié du XIXe siècle donne aux personnes fragiles et rentières une nouvelle excuse pour quitter une capitale polluée. Aux voyageurs avides de pittoresque, on conseille les excursions et le dépaysement. Aux rentiers cherchant oisiveté et détente, on prescrit de longs séjours dans les stations mondaines, où les distractions sont considérées comme un élément essentiel de la cure. Cette justification de pratiques par le discours médical a fortement contribué au développement touristique et économique des stations thermales des Alpes. Des réputations se fondent durablement. Ainsi Colette, avant de fréquenter la Côte d’Azur, part en cure à Uriage, Verlaine est à Aix-les-Bains et Proust découvre d’autres figures de la bonne société à Evian où l’on peut transposer une partie de La Recherche du temps perdu.
Géo Charles, champion olympique de littérature !
C’est dans une discipline plutôt inattendue que Charles Guyot, connu sous le pseudonyme de Géo-Charles, a remporté une médaille d’or aux Jeux olympiques de Paris en 1924. Ce sportif accompli, amoureux des arts, aurait pu sans doute pu concourir dans des disciplines athlétiques, mais c’est bien dans le cadre des « Concours d’art et littérature », chers au fondateur des Jeux, Pierre de Coubertin, que Géo-Charles devint champion olympique ! Le musée Géo-Charles se trouve à Echirolles en Isère, abritant un patrimoine unique du XXe siècle concernant la littérature, mais aussi l’art et le sport.
Du roman de montagne au Premier de cordée
Le roman de montagne est un genre populaire qui apparaît au début du XXe siècle pour permettre au grand public de suivre la trace des alpinistes. Si les débuts du genre sont plutôt laborieux sous la plume d’alpinistes ne sachant pas trop comment partager leurs exploits, Frison-Roche se révèle être un auteur majeur. Alpiniste et grande figure des Alpes, reporter et écrivain, qui ne connaît pas Frison-Roche pour son best-seller Premier de cordée ? Une histoire où se mêlent la passion pour l’alpinisme d’un jeune garçon qui veut devenir guide à tout prix, le courage et la solidarité des hommes de la montagne face à l’adversité. Frison-Roche a écrit de nombreux ouvrages sur les montagnes qu’il faut tous recommander aux amoureux de l’alpinisme. Les alpinistes René Demaison (342 heures dans les Grandes Jorasses), Gaston Rebuffat (Le Massif du Mont-Blanc), Lionel Terray (Les Conquérants de l'inutile) dépeignent avec talent leurs ascensions verticales. Les Alpes constituent un réservoir inépuisable pour raconter d’incroyables aventures humaines, comme celle d’un Frison-Roche avec ces Montagnards de la nuit ou celle contée par Roger Canac dans son Gaspard de la Meije.
Les Alpes noires, thrillers et polars
Après s’être longtemps tournées vers le blanc des sommets et la beauté des montagnes, sans éluder les drames liés à l’alpinisme, les Alpes révèlent un côté plus sombre avec le succès de genres contemporains que sont le polar et le thriller. Les Alpes offrent un décor de rêve pour des genres très en vogue qui aiment les lieux reculés et inaccessibles, parfaits pour commettre des crimes ou cacher des secrets monstrueux. Crime sous le Mont-Blanc et Un guide pour la mort, publiés en 1970 et 1971, de Dominique Arly, préfigurent une déferlante de romans mettant en scène des meurtres dans les montagnes. De Mystère à Isola 2000 de Jean Emelina au terrifiant L’Illusion de Maxime Chattam, sorte de Shining version alpine, les Alpes n’ont pas fini de nous effrayer.