20 000 à -4 000 av. J .-C.
Sur les traces d’Ötzi
Jusqu’alors recouvertes par les glaciers qui commencent à se retirer vers la plaine du Rhône, les Alpes commencent leur histoire à l’échelle humaine autour de 10 000 ans avant J.-C. A cette époque lointaine, les hommes – des chasseurs cueilleurs – commencent à coloniser les Préalpes où ils trouveront refuges dans les grottes creusées dans les roches calcaires. Le climat était rude, les bêtes féroces et les grottes des Alpes se transformaient en abris encore visibles dans le Vercors ou le Royans. Chassant marmottes et cervidés avec des armes de plus en plus sophistiqués, profitant d’un climat plus doux, les hommes vont sortir des grottes pour commencer à vivre de l’agriculture pastorale. Au bord des lacs des Alpes émergent de véritables civilisations lacustres, la plus célèbre voyant le jour au lac de Paladru. Désormais, des tribus occupent les territoires : les Tricores dans le Champsaur, les Uceni dans l’Oisans, les Brigani autour de Briançon et les Quariates dans le Queyras. Celui que l’on a appelé Ötzi, après la découverte de son corps congelé en Italie en 1991, vécut environ 2 600 ans av. J.-C., et franchissait un col avant de se faire tuer d’une flèche dans le dos… Les Alpes, lieux de passage et de conflit, entre les hommes débutaient leur histoire.
-218 av. J.C. au Ve siècle
Où est passé Hannibal ?
Quelques centaines d’années avant notre ère, alors que les Allobroges ont pris le contrôle des Alpes du Nord, la naissance et l’extension de Rome vont bousculer l’histoire. Bien avant que les légions romaines interviennent en Provence et délogent les Allobroges en créant la Gallia Transalpina en 121 av. J.-C, le tout premier contact entre les Alpes et les romains aura lieu de manière curieuse. Il se fera en 218 av. J.-C. grâce au général carthaginois Hannibal. A la tête d’une armée de 40 000 hommes et de 40 éléphants – qui laisseront une empreinte indélébile dans l’histoire –, Hannibal franchira les Alpes sans que l’on sache par quel col tout ce monde, pourtant pas très discret, a bien pu passer pour prendre à revers les troupes romaines ! Au milieu du premier siècle avant Jésus-Christ, les habitants du massif alpin sont intégrés à la civilisation romaine. Des Romains qui, selon leurs habitudes, construisent plusieurs voies dans les Alpes. Ainsi, la route reliant Arles à Suse par la vallée de la Durance passe par le Montgenèvre au-dessus de Briançon. Les Romains créent également des villes pour imposer leur domination sur la région, comme Embrun, Moûtiers… Les Alpes prospèrent sans encombre sous la domination romaine jusqu’au milieu du IIIe siècle et l’arrivée des barbares.
VIe siècle au XIVe siècle
Les Alpes, un royaume divisé
Le Moyen-Âge est une période mouvementée dans les Alpes. Après les invasions barbares, le territoire est instable. Sous domination Bourguignonne, les frontières des Alpes varient constamment. Il faut attendre le traité de Verdun en 843 pour que les choses s’éclaircissent. Les Alpes appartiennent désormais à Lothaire et font partie du royaume de Provence. Prise en tenaille entre les Lombards et les Sarrasins qui envahissent la Provence, la population alpine souffre. Les villageois vont alors se regrouper autour de seigneurs locaux qui remplaceront le pouvoir royal défaillant. Les Alpes se couvrent de nombreux châteaux en des lieux stratégiques qui sont autant de sites remarquables, comme le château des Sires de Faucigny à Bonneville. A la recherche de la paix dans ce royaume divisé, ce sont les religieux qui vont marquer les montagnes de leur empreinte. Vers l’an 1000, trois ordres monastiques majeurs voient le jour dans les Alpes : les Chartreux, les Antonins et les Chalais. D’autres ordres s’installent, profitant de la quiétude pour prier. De nouveau divisées entre Dauphiné au sud et Savoie au nord, les Alpes sont l’objet de toutes les convoitises car on y exploite désormais un sous-sol riche en minerais : cuivre, fer, argent…
XVe au XVIIIe siècle
Fortifications et défenses des Alpes
Le vaste Dauphiné, rattaché au royaume de France en 1349, souffre des guerres d’Italie menées successivement par Charles VIII, Louis XII et François Ier. A cette période, le col de Montgenèvre est le plus emprunté par les troupes pour franchir les Alpes. Les soldats du roi se ravitaillent dans les vallées, se mettant à dos une population de plus en plus attirée par la Réforme. Entre guerres de territoire et guerres de religion, les Alpes connaissent des heures sombres. Au début du XVIIe siècle, le duc de Lesdiguières, fin politicien et chef de guerre efficace, réussit à réconcilier tout le monde et lance de vastes travaux pour fortifier les montagnes, à commencer par la Bastille de Grenoble. Mais la grande œuvre de fortifications des Alpes est l’entreprise menée par Vauban à partir de 1693. Sous les ordres de Louis XIV, Vauban verrouille les montagnes du nord au sud par des constructions toutes plus vertigineuses les unes que les autres. D’Antibes à Briançon en passant par les forts de Colmars-les-Alpes, ces places fortes imprenables ont conservé leurs murailles pour accueillir les visiteurs qui font un bond dans le temps.
XIXe siècle et début XXe siècle
La route Napoléon et l’ouverture des Alpes
Si les romains avaient les premiers créés un réseau de communication à travers les montagnes, la population alpine a longtemps été menacée de vivre en autarcie dans des conditions climatiques souvent difficiles, surtout en altitude. Au XIXe siècle, les Alpes forment toujours une barrière naturelle que les hommes ont bien des difficultés à traverser. Mais cet obstacle va se révéler un atout pour un homme au destin exceptionnel. Empereur en exil sur l’île d’Elbe depuis plus d’un an, Napoléon pose le pied sur la plage de Golfe-Juan le 1er mars 1815 afin de reconquérir le pouvoir. Accompagné d’un millier d’hommes, et afin d’éviter les troupes royalistes, il remonte vers Paris en suivant les sentiers muletiers à travers les Alpes jusqu’à Grenoble. Aujourd’hui, il faut parcourir en voiture la route Napoléon (N85) qui suit assez fidèlement le trajet de l’empereur, notamment au village de Laffrey. La fin du XIXe siècle voit le désenclavement progressif de toute la région. Notamment dans les Alpes du nord avec l’arrivée du chemin de fer (dès 1856 pour Grenoble) et la construction de nombreuses routes carrossables (vallée de l’Arve, Isère…). La situation est moins favorable au sud où seule la vallée de la Durance permet un accès facile dans le massif alpin.
Début XXe siècle
L’alpinisme, le ski et les premiers touristes
L’alpinisme est né au XVIIIe siècle avec la première ascension du Mont-Blanc qui eut lieu le 8 août 1786 avec Jacques Balmat et Michel Gabriel Paccard. Une pratique qui va s’accentuer tout au long du XIXe siècle, alors que la pratique du ski alpin commence en 1878 quand Henri Duhamel trouve une paire de planches au pavillon scandinave. A l’aube du XXe siècle, voici l’avènement du tourisme dans les Alpes. Les premiers venus sont quelques mondains fortunés qui vont découvrir les charmes et les bienfaits des stations thermales comme Aix-les-Bains avec leurs hôtels luxueux et leurs bâtiments Belle Epoque. Les soldats blessés lors de la Grande Guerre, atteints de la tuberculose, découvriront les sanatoriums des Alpes. A cette époque, on s’observe entre touristes, mot popularisé par Stendhal, auteur originaire de Grenoble. Les touristes vont prendre de l’altitude et conquérir à leur tour les sommets, encouragés en cela par des entrepreneurs locaux qui vont créer les stations de sports d’hiver à partir des années 1930. Megève est la plus ancienne des stations de ski françaises. Nouvel atout pour le développement des sports d’hiver dans les Alpes françaises, la création des Jeux Olympiques d’hiver à Chamonix en 1924.
1942-1945
Les maquis de la Seconde Guerre mondiale
Alors que la Première Guerre mondiale avait relativement épargné les Alpes, la Seconde Guerre mondiale sera plus marquante pour un territoire qui deviendra un refuge pour la Résistance. La Savoie et le Dauphiné se distinguent à partir de 1942 par des rassemblements importants de Résistants. Les deux maquis les plus actifs seront ceux de la forteresse du Vercors (Isère et Drôme) et des Glières (Haute-Savoie). Sur ces alpages difficilement accessibles, les Résistants organisent des opérations coups de poing contre l’occupant. L'épisode le plus connu se déroula en 1944 sur le plateau des Glières qui avait été choisi pour réceptionner des parachutages d'armes par les Britanniques en vue du débarquement des Alliés. Après avoir reçu 3 parachutages, les maquisards du Bataillon des Glières furent bombardés par l'aviation allemande, pilonnés par l'artillerie, encerclés par les soldats allemands et la Milice française. L'attaque générale du 26 mars 1944 fut fatale aux maquisards qui, fuyant le plateau, sont attendus en bas par les miliciens de Vichy et par la Wehrmacht. Les maquisards subirent de lourdes pertes avec 129 morts. Le Monument National de la Résistance a été inauguré le 2 septembre 1973 sur le plateau des Glières.
Fin XXe siècle
Désertification, Jeux olympiques et or blanc
L’après-guerre voit les zones rurales se dépeupler au profit des grandes villes de plaine. Grenoble est ainsi, dans les années 50-60, la ville de France qui connaît le plus fort taux d’accroissement. L’industrie se concentre dans les zones les plus basses ne laissant guère aux vallées d’altitude que l’énergie hydroélectrique et l’agriculture comme ressource. Mais les paysans des hautes montagnes vont bientôt pouvoir diversifier leur activité grâce à l’essor d’une nouvelle industrie, celle du tourisme. En altitude, c’est le boum des sports d’hiver qui sont popularisés par le retour des Jeux Olympiques dans les Alpes organisés à Grenoble en 1968 (après ceux de Chamonix en 1924 et avant ceux d’Albertville en 1992). C’est l’avènement des grandes stations aux longues barres informes et imposantes qui vont défigurer une partie du massif alpin, mais aussi apporter de nombreux emplois aux enfants du pays qui souhaitent rester et vivre toute l’année au village – combien de paysans sont-ils devenus moniteurs de ski ? De nouveaux domaines skiables apparaissent régulièrement, des stations parfois créées sur des pages vierges telles que Chamrousse, Tignes, La Plagne, Avoriaz, Superdévoluy… pour accueillir toujours plus de skieurs dans ce nouveau paradis de l’Or Blanc, pas encore menacé par le réchauffement climatique.