Découvrez Madagascar : Société (vie sociale)

Avec divers apports, la culture de Madagascar reflète les différentes vagues de populations venues sur la Grande Île. Tradition orale, mais aussi mœurs et codes éloignés des modes de vie de France et d'Occident : le voyage en terre malgache est également culturel. Madagascar est un lieu de parole. Les expressions varient, mais toutes les formes révèlent une façon de se situer dans la vie et la société, une psychologie spécifique à la Grande Île. Pacifistes, souvent sur la réserve et à l’écoute, les Malgaches se donnent du temps et sont toujours courtois et souriants. Mais ils veillent à ce que certaines barrières ne soient pas franchies, un excès de familiarité ou de colère ne mènera à rien. Dans la courtoisie, l’humour et le plaisir de converser avec celui qui est venu d’ailleurs seront toujours au rendez-vous. Partons à la découverte de quelques-uns des us et coutumes de la Grande Île.

Un habitat naturel et sacré

L’habitat malgache traditionnel se compose d’une pièce rectangulaire unique et le toit est à deux pans. La demeure est orientée nord-sud pour se préserver des pluvieux alizés du sud-est. Seuls les matériaux de construction changent, en fonction de ce dont disposent les habitants : un proverbe malgache dit d’ailleurs que : « L’oiseau fait son nid avec de la mousse, et l’abeille maçonne avec de la terre. » Dans le Nord, on préfère le raphia ; dans le Sud-Ouest, l’aloès et le sisal ; chez les Tanalas, le bambou fendu ; sur la côte est, le ravenala ; dans l’Androy, le bois des épineux ; et chez les Vezos, le jonc.

Le bois était couramment utilisé sur les hauts plateaux. Aujourd’hui, la brique crue ou la terre a remplacé le bois, avec les tamboho ou murs épais de latérite qui entourent une propriété. On utilise la technique du torchis : le sol de latérite est humidifié, puis travaillé avec une bêche, piétiné, et mêlé à un liant comme de la paille de riz hachée ou des graminées sauvages.

Ailleurs que sur les plateaux centraux, les matériaux utilisés sont d’origine végétale. Dans le Sud et le Sud-Ouest, par exemple, on utilise le « vondro » ou quenouille d’eau, qu’on trouve dans les marécages qui bordent les mangroves de l’Ouest. Le vondro est abondant, léger, maniable et résistant (des qualités intéressantes), et il laisse passer l’air, ce qui est pratique dans des régions aussi chaudes. En revanche, il abrite beaucoup d’insectes et de parasites.

On utilise également le roseau (comme support), le papyrus (près du lac Alaotra), les graminées (par exemple les herbes séchées sur pied) ou les palmes, ainsi que le raphia, ou encore d’autres palmiers comme le vakoa ou vakona (Pandanus utilis) pour les maisons sur pilotis. Sans oublier le bambou. Le ravenala est couramment utilisé, notamment dans l’Est.

A Madagascar, on ne construit pas de maison (trano) sans consulter un devin : l’orientation de chaque pièce a une importance capitale. Les douze mois de l’année correspondent ainsi à autant d’emplacements dans la maison. Comme l’ont écrit Christiane Ramanantsoa et Henri Ratsimiebo dans leur ouvrage Tableaux de Madagascar (chez Arthaud) : « La maison malgache exprime beaucoup plus qu’une simple réponse à des impératifs matériels. Elle revêt une dimension spirituelle qui n’est pas irréductible aux seules capacités d’adaptation technique des sociétés rurales. » L’aménagement intérieur de la maison correspond au rythme quotidien des habitants. L’ameublement de la demeure répond donc bien à des impératifs astrologiques, et l’ensemble est toujours construit pour être orienté vers l’ouest.

A l’intérieur, le sol est divisé en trois zones : rouge (favorable), noire (neutre, ou peu sûre), et blanche (défavorable). Le chef de famille doit toujours dormir au nord-est (Alahamady), qui correspond aux ancêtres. Les nattes doivent y être propres, les lamboany de soie. Au cours d’une fête, on verse un peu de rhum à cet endroit pour se concilier la bénédiction des anciens. En outre, ceux-ci peuvent ainsi participer aux réjouissances. Le coin sud-ouest, qui correspond au destin favorable d’Asombola, est réservé au silo et au mortier à riz.

Un sentiment familial très puissant

Toute la vie sociale est fondée sur le lien indissoluble (ou presque) de la famille, qui rattache l’enfant aux ancêtres.

Les femmes ont traditionnellement beaucoup d’enfants. On rappelle souvent que Rainilaiarivony, Premier ministre, en eut 16 de sa première femme avant d’épouser la reine. La stérilité est traditionnellement considérée comme une punition divine.

On consulte bien sûr un devin si l’enfant ne vient pas et celui-ci impose des prières et des sacrifices. Certaines pierres sacrées auraient des vertus, on peut aussi absorber des aliments épicés « pour réchauffer le ventre », etc.

La grossesse est ensuite soumise à de nombreux fady, qu’il importe plus que tout de ne pas outrepasser : défense de boire du rhum, de franchir un fossé, de manger des crabes (sinon l’enfant aura des mains difformes)… L’alimentation est également primordiale, puisqu’elle modifie le comportement de l’enfant : il convient par exemple de boire du bouillon de museau de bœuf au terme de la grossesse, pour diminuer les mucosités entourant le fœtus. Si l’accouchement est difficile, la mpampivelona, ou sage-femme, pratique l’alanenina, un charme rituel qui consiste à toucher légèrement le ventre de la patiente de façon répétée, avec un pilon à riz.

Quand l’enfant naît, il faut se charger du cordon ombilical. Traditionnellement, les Merinas le coupent avec des ciseaux, les Sakalavas avec un bambou tranchant, les Antandroys avec un fragment de bois ou de verre, etc. On ne doit pas laver le corps du nourrisson, mais l’enduire d’un peu de graisse. Selon les peuples, on enterre le placenta (chez les Sakalavas), on le jette dans la rivière (dans le Sud-Est), ou on le donne à manger à un bœuf (Merinas). Il ne faut pas non plus manifester une joie débordante à l’occasion de la naissance : l’exubérance pourrait porter malheur au nouveau-né.

Dès son plus jeune âge, l’enfant est porté à califourchon dans le dos (babena) ; on ne doit pas l’habiller, car « il ne grandirait pas », ni lui couper les cheveux au cours des six premiers mois (fady), et on lui octroie un nom qu’il aura l’occasion de changer par la suite, car l’imposition précoce d’un nom définitif permettrait aux mauvais esprits de s’en emparer. De manière générale, d’ailleurs, l’enfant peut modifier son nom plusieurs fois dans sa vie, en fonction des circonstances. Cette pratique est aujourd’hui beaucoup moins répandue.

Le rejet de la famille est la punition la plus terrible à laquelle puisse s’exposer un enfant : il lui sera en effet interdit d’être inhumé dans le tombeau commun.

Le mariage

Le mariage comporte une période d’essai sans engagement. On peut se marier à n’importe quel âge, mais d’une manière générale, les choses ont considérablement évolué depuis un siècle, car les garçons se mariaient alors à 14 ans, et les filles à 12 ans. L’accord se fait entre les parents des familles, et de grands discours sur les détails de la cérémonie et les conditions du mariage. Le jour dit, l’assemblée se rend au domicile de la jeune fille où se déroule le rituel du kabary : deux personnages représentent les parents des époux, le Mpangataka (rôle du fiancé) et le Mpanatitra (rôle de la jeune fille). Ce discours reproduit la demande en mariage et l’accession à celle-ci. Ensuite, on remet le vody-ondry, consécration de l’alliance, autrefois la cuisse droite d’un mouton avec la queue, aujourd’hui une petite somme d’argent. Par la suite, seul le mari peut décider de briser le mariage ; la femme a le droit de s’en séparer, mais elle ne peut alors se remarier. Cette répudiation s’appelle fisaoram-bady (« remerciement de l’épouse »). Elle peut être provoquée par un adultère ou l’abandon du domicile conjugal, mais dans les faits l’homme malgache agit selon son bon plaisir.

La fraternité : le fatidra

Les Malgaches accordent une importance fondamentale aux liens sociaux, comme en témoignent les fokonolonas (assemblées populaires). Il est également possible d’entériner une alliance artificielle, en dehors des liens familiaux, sous trois formes différentes.

La fraternité de sang, tout d’abord, union artificielle consacrée par une divinité pour des raisons affectives ou intéressées. Il existe des variantes selon les peuples, mais généralement les deux contractants doivent boire quelques gouttes de sang d’une légère blessure faite à l’autre. Les deux nouveaux « frères » doivent ensuite se porter une assistance matérielle et morale.

Le lohateny (chez les Sakalavas par exemple), sorte de convention réciproque entre membres de différentes castes, qui les oblige à se secourir mutuellement.

Le groupement de travail collectif, findramanolona ou valin-tanana, par lequel les habitants d’un village prêtent leur secours à l’un des habitants pour l’exécution d’un travail pénible (préparation de rizières…).

Habillement

La base du vêtement malgache est le salaka ou sikiny, une étroite bande d’étoffe de deux mètres de long environ, que les hommes ceignent autour de leur rein en la faisant passer entre leurs jambes tout en laissant pendre l’un des bouts par-devant, et l’autre par-derrière.

Chez la femme, le sikiny ou kitamby est une étoffe ceinte autour des reins également, qui évoque un court jupon. En s’allongeant, cet habit porte le nom de salovana. Cette pièce est davantage en usage actuellement dans les milieux ruraux, les femmes qui laissent leurs seins à découvert étant de plus en plus rares. Ces habits trouvent d’heureuses variantes dans chaque tribu de la Grande Île.

L’habillement a considérablement changé pendant le dernier siècle. L’influence européenne est patente dans les villes, et l’on s’habille un peu comme on peut dans la brousse, avec de vieux tee-shirts ou des jeans délavés.

Le lamba est le vêtement traditionnel des Malgaches. Peu à peu abandonné au profit d’une mode plus européenne, le lamba est toutefois de nouveau recherché pour sa beauté. Il est fait en soie grège, parfois associé au coton (Arindrano landihazo) ou au raphia (Arindrano jabo-landy). Jadis, on fabriquait aussi du lamba fanto avec de l’écorce d’arbre pilée (comme le fanto lui-même, et le nonoka, qui est un ficus) : cette pratique n’est plus vraiment de mise aujourd’hui.

Traditionnellement, le lamba est de couleur blanche orné de motifs aux nuances variées pour les femmes, et de couleur marron ou rouge entrecoupée de lignes blanches, noires ou brunes pour les hommes.

On distingue trois types de lamba : le lambamène, de couleur rouge foncé surtout, utilisé comme linceul ; le lamba arindrano, ou vêtement cérémoniel pour les nobles, les riches ou les vieillards, orné de bandes noires et blanches sur le devant, et rouges sur les bords ; et le lamba telo soratra, dont les bandes représentent trois couleurs fondamentales.

Le tabaké est davantage une coquetterie qu’un habit, et permet, aussi, de se protéger du soleil. Chez les Vezos et les Mahafalys notamment, cette singulière parure du visage ressemble à un dessin constitué de taches, de points ou de traits, la plupart du temps blancs ou jaunes. L’onguent qui permet cette délicieuse bigarrure est fait d’argile blanche ou tanifotsy mélangée à de l’eau, à des plantes aromatisées et à des racines tinctoriales comme le safran. Une fois appliquée sur la peau, cette crème artistique se dessèche et adhère. Il existe de nombreuses formes de tabaké, aux multiples arabesques, qui visent à adoucir et embellir la peau par exemple.

Santé

La situation sanitaire à Madagascar est assez délicate, pour ne pas dire défaillante. Les services de santé sont loin d’être optimaux et les médicaments manquent souvent. Malgré les aides internationales et quelques nouveaux hôpitaux inaugurés en province, le secteur de la santé est perpétuellement en crise : problèmes de gestion administrative et financière, absence de planification, déficience des infrastructures... Quelques caractéristiques : taux de mortalité infantile élevé, faible taux de prévalence contraceptive, sous-alimentation et malnutrition, présence endémique du paludisme, des maladies diarrhéiques, prévalence du VIH en hausse, pénurie d’eau potable parfois…

Mœurs et coutumes

Selon Raymond Decary : « Une grande liberté de mœurs a toujours existé chez le Malgache au tempérament sensuel et voluptueux, qui résume le plaisir de l’existence dans la phrase : douce est la vie. » (Mœurs et coutumes des Malgaches.) Ce n’est pas pour autant que Madagascar soit licencieuse ou immorale, comme l’ont parfois conté certains. Patient, éveillé, volontiers sensible quand il évoque sa terre natale, très attaché aux liens familiaux et au respect de certains rites, de certaines coutumes, et même d’une certaine moralité, le Malgache est éminemment sociable.

L’ancien administrateur en chef des colonies, qui avait bien compris qu’une morale différente n’est pas l’absence de toute morale, dépeint ensuite l’existence quotidienne de ces peuples qui vivent en bonne intelligence : « Dans leurs longues conversations à bâtons rompus, à l’ombre d’un mur ou d’un tamarinier à l’épais feuillage, ils parlent avec volubilité, développant à perte de vue des arguments parfois tortueux mais le plus souvent frappés au coin du bon sens. » Ce sont les kabarys, où s’affrontent les interlocuteurs en de métaphoriques joutes verbales. Ces proverbes, naïfs, touchants, profonds, aussi limpides que l’eau claire, témoignent de leur grande sagesse :

« Avoir la bouche comme une tabatière » : toujours emprunter.

« Porter deux cruches sur la tête » : s’occuper de plusieurs affaires en même temps.

« Etre comme un coq qui chante la nuit » : parler sans modération.

« Faire comme le sanglier qui avale les moustiques » : se contenter de peu.

« Le toit de Dieu » : le ciel ; « la liane céleste » : la Voie lactée ; « l’œil du jour » : le soleil ; « le prince de l’œil » : la prunelle ; « l’enfant de la montagne » : la colline ; « les branches de la main » : les doigts…

L’amour aussi a droit à ses beaux mots ; un proverbe dit qu’il est « Comme le riz, il pousse là où on le sème. » ; d’autres rapportent que « les vrais amoureux ne voient pas la nuit arriver. »

Place de la femme

Comme dans tant d’autres pays des « Suds », la situation des femmes varie considérablement en fonction de la classe sociale. Les riches foyers mènent une existence assez semblable à celle des classes aisées d’Occident, et les tâches sont plus ou moins équitablement partagées avec l’époux ou le conjoint ; on engage presque toujours des femmes de ménage. En revanche, dans les familles pauvres, la femme doit se sacrifier aux tâches domestiques comme la lessive, la vente d’artisanat, quand il ne s’agit pas de mendicité… Au sud de Madagascar, dans une région tournée vers la mer, l’homme travaille à ses pirogues, part à la pêche, tandis que la femme vend les produits de cette dernière. Parallèlement, pendant la journée, elle s’occupe du foyer.

La scolarisation des filles a pris une importance salutaire. Certes, les décisions à grande échelle sont souvent prises par les hommes, mais on trouve des femmes ministres, députés, sénateurs ! Elles abondent aussi dans les entreprises, dans les ONG, dans les administrations et les magistratures. De fait, depuis longtemps, les femmes avaient le droit de faire partie des Fokonolonas, assemblées communautaires et lieux de décisions publiques. Et il n’est pas rare de voir des self-made-women à la tête d’entreprises, notamment dans le monde du voyage : nous vous souhaitons d’en croiser sur votre route !

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