La musique traditionnelle

C’est en se penchant sur les musiques traditionnelles de l’île que l’on perçoit au mieux ses racines asiatiques, arabes, africaines ou européennes, traces laissées par les peuples colons ou de passages et métissées au fil des âges.
C’est par exemple avec la première vague de colons, les Austronésiens, qu’est arrivée ici la valiha, une cithare à tube devenu l'instrument national de Madagascar et dont la forme est très proche de celles utilisées traditionnellement en Indonésie et aux Philippines. Dans certaines régions, la valiha est utilisée dans les tromba, cultes de possession au cours desquels des défunts parlent par l’intermédiaire des possédés et peut prendre la forme d'une boîte rectangulaire appelée « marovany ». Mama Sana, très grande chanteuse traditionnelle de l’île, se distingua également par son usage innovant de la valiha. Plus contemporain, Germain Randrianarisoa, dit « Rajery » est considéré comme (et surnommé) le « Prince de la valiha ». Bien qu’amputé d’une main,  il est devenu peu à peu un expert de son instrument et a même créé le premier orchestre de valiha (vingt-trois solistes) avant d’embrasser une carrière internationale. Il est la référence contemporaine de la valiha, aux côtés de Justin Vali (né Justin Rakotondrasoa) sans doute moins connu mais également grand spécialiste de la valiha.
L’autre doyenne des instruments de l’île, c’est la sodina, la flûte malgache. Son grand maître est Rakoto Frah, véritable icône locale qui figurait même un temps sur le billet de 1 000 francs malgaches. Né Rabezaoza Philibert en 1926, ce véritable monument national a participé à donner ses lettres de noblesse aux musiques traditionnelles comme l’Hira gasy (voir musique classique) tout en s’aventurant  vers les champs du jazz ou de la soul. Après plus d’un demi-siècle de carrière, Rakoto Frah s’est éteint le 2 octobre 2002.
Autre instrument emblématique, le gorodao est le nom local donné à l’accordéon. Introduit au XIXe siècle à Madagascar par des commerçants allemands, il fut d’abord l’instrument de prédilection des cours royales, avant de devenir rapidement celui des classes populaires, s’installant même au cœur des tromba. Aujourd’hui, il est couramment employé pour jouer de grandes esthétiques malgaches telles que la salegy et le tsapika. Ici encore, une grande figure de la musique s’est illustrée : Rossy. Largement considéré comme l'artiste malgache le plus populaire des années 1990, Paul Bert Rahasimanana (dans le civil) est un accordéoniste (multi-instrumentiste) débordant de créativité, auteur d’un style bien à lui, le « tapôlaka », grande union de plusieurs esthétiques malgaches qu’il marie aussi parfois avec du jazz ou du rock. Tournant en Europe dès les années 1980, Rossy a pu bâtir une popularité internationale et c’est lui le premier qui a initié les publics du monde entier à des genres typiquement malgaches tels que le salegy (voire « musique populaire »), se posant ainsi aux yeux du public mondial comme l’ambassadeur de la musique de son île. Très engagé tout au long de sa carrière, Paul Bert Rahasimanana a mis ces derniers temps la musique de côté pour se consacrer à son rôle de député.
Collaborateur de Cesaria Evora, Lenine (le musicien brésilien) ou I Muvrini, Régis Gizavo est l’autre grand accordéoniste malgache à ne surtout pas oublier. Généreux et voyageur, il n’a eu de cesse de dresser des ponts entre les esthétiques malgaches et celles du monde.
Autre instrument très courant (surtout dans les Hautes Terres du sud), le kabosy est une petite guitare reconnaissable à sa caisse généralement carrée ou rectangulaire et ses quatre ou six cordes.
Côté danses, une pratique traditionnelle populaire est l’afindrafindrao, une danse de couple où les partenaires se tiennent côte à côte ouvrant chaque bal et cérémonies diverses : mariages, fêtes, etc. Danse parente du quadrille, elle s’exécute toujours par paire, la femme menant devant.
Quiconque voudrait voir de plus près les traditions malgaches serait bien inspiré de se rendre à Alahamady Be, le Nouvel An malgache, se tenant généralement du 3 au 5 février souvent l’occasion de grandes cérémonies avec offrandes, sacrifice de zébus, danses, chants et repas communautaires.
Autrement, le Grill du Rova, au cœur du quartier historique de Tana propose tous les dimanches midi, musique et danses traditionnelles pour accompagner le déjeuner.

La musique populaire

Dans les années 1960, Madagascar s’est imposé comme une place centrale de la musique dans l’océan Indien notamment grâce au dynamisme de son industrie du disque et ses radios. Les artistes étaient aussi bien influencés par les groupes africains – que les radios locales parvenaient à capter – que par le rock'n'roll et la pop.
Dans ces années-là, la famille Rabaraona, plus connue sous le nom des « Surfs », a vendu plusieurs millions de disques !  Si le nom ne vous dit rien, vous avez pourtant déjà entendu les Surfs, un jour ou l’autre, à la télé ou la radio via l’une de ses fameuses reprises de grands succès commerciaux yé-yé qui ont fait leur réputation : Reviens vite et oublie (adaptation française de Be my Baby des Ronettes), Si j'avais un marteau (If I had a Hammer de Peter, Paul and Mary,) ou A présent tu peux t'en aller (I Only Want to Be with You de Dusty Springfield).
Le grand tournant de la chanson malgache s’opère en 1972, lors de la révolution malgache. C’est à cette période que plusieurs artistes majeurs, tels que Rossy et Mahaleo, se sont fait remarquer en s'opposant ouvertement à l'ordre établi et en préconisant la recherche d'une identité culturelle nationale à travers des paroles et des mélodies écrites en langue malgache tout en puisant dans le répertoire et les rythmes du patrimoine culturel local. Au moins aussi important que Rossy dans le paysage culturel du pays, le groupe Mahaleo – mélange de traditions malgaches et de soft rock – est un emblème de la libération culturelle et musicale du Madagascar des années 1970. D’ailleurs, comme Rossy, le leader du groupe, Zafimahaleo Rasolofondraosolo s’est engagé dans une carrière politique et fut député à deux reprises.
Moins engagés, mais très populaires, des artistes comme Erick Manana, guitariste emblématique du style ba gasy (technique de guitare de la région des Hauts Plateaux inspirée du jeu de la valiha), D’Gary – lui aussi guitariste, mais s’inspirant des sonorités des peuples Bara, Antandroy, Vezo ou Masikoro – ou encore Poopy, chanteuse phare de variété possèdent une place particulière dans le cœur de beaucoup de Malgaches.
Dans les années 1960, émergent deux formes musicales distinctes, très dansantes et enracinées dans les traditions locales : le salegy et le tsapiky. La première est une version électrifiée et modernisée de styles traditionnels, basée sur une rythmique en 6/8 généralement accompagnée de battements de mains polyrythmiques complexes. Energique et puissante, il transparaît dans son intensité une recherche de transe héritée des rites de possession.
Si le célèbre chanteur et accordéoniste Rossy a fait découvrir le salegy aux Européens lors de ses tournées, c’est bien Eusèbe Jaojoby, son représentant le plus emblématique, qui lui a donné ses lettres de noblesse et l’a popularisé largement auprès du public. Sacré « roi du salegy », il est indissociable de ce style et a ouvert la voie à de nombreux artistes devenus des stars du genre comme Wawa (pseudonyme d‘Andrihamahazo Joel Issoubaly) l’autre roi du salegy ou encore Mily Clément, Tianjama, Ninie Doniah ou Vaiavy Chila…
A noter qu’Eusèbe Jaojoby a eu la brillante idée d’ouvrir son propre lieu dans le quartier universitaire, le Jao’s Pub, et que l’endroit est devenu de fait un haut lieu du salegy avec un groupe en live tous les jeudis, vendredis et samedis soir. Autrement, sur l’île le festival Sômarôho est dédié au salegy, mais accueille aussi des artistes malgaches de divers genres dérivés.
Au même titre que le salegy, le tsapiky est une autre musique de danse énergique et saccadée qui puise elle aussi son origine dans la musique traditionnelle (ici de la région de Tuléar) adaptée à une instrumentation contemporaine (guitare électrique, basse, batterie, etc.). Généralement plus rapide que le salegy, elle se distingue également de ce dernier par la polyharmonie de ses voix. Autre différence avec le salegy, tandis que celui-ci a atteint une popularité nationale au milieu des années 1970, le tsapiky n'a pas connu d’engouement similaire avant les années 1990. Un succès plus tardif, mais pas moindre tant le genre est aujourd’hui populaire.
Les stars du tsapiky sont Damily, véritable ambassadeur du genre, Terakaly, qui mélange tsapiky et beko, ou encore Jarifa et Mamy Gotso.
Si la fête nationale est un moment idéal pour danser au son du salegy et du tsapiky lors de ses nombreux bals, il y a quelques lieux à connaître pour approcher de près certains des meilleurs groupes de l’île. A Tananarive, l’hôtel, cabaret, restaurant Le Glacier invite de chouettes groupes les week-ends et à Tuléar, le Tatadjembé, club plus ou moins clandestin, rythme ses nuits au son du tsapiky et du salegy.

La musique classique

Le répertoire classique malgache comporte une pièce si iconique qu’elle est presque un emblème de l’île : hira gasy. Véritable opéra du peuple malgache, cette forme d’expression artistique singulière associe chants, danses, poèmes, joute verbale et acrobaties, voire mimes… L’une de ses particularités est d’être conçu, écrit, chanté et dansé par des paysans et remonte à l’époque du roi Andrianampoinimerina, qui proposait ce spectacle au cours des grands travaux d’irrigation. Performé par des hommes portant des tuniques rouges et des chapeaux de paille et des femmes vêtues de longues robes de satin rose, rouge, bleu, le spectacle se divise en cinq parties : le Sasitehaka (prélude d’une dizaine de minutes, au son des tambours et des battements de mains ; les danseurs et les musiciens pénètrent alors sur la scène) ; le Kabary (discours d’un quart d’heure environ présentant le spectacle, les dames sont invitées à gagner la scène) ; le Renihira (chant principal évoquant le thème de la manifestation, comme l’amour, les problèmes de la jeunesse...) ; le Dihy (danse d’une vingtaine de minutes) ; le Zanakira (dernière démonstration d’un quart d’heure, la troupe quitte la scène).
Expression très complète, ses troupes sont souvent composées d’une vingtaine de personnes aux compétences très différentes : chanteurs, danseurs, acrobates et musiciens. Les représentations ont lieu entourées du public et, durant ces dernières, les artistes se rapprochent du public afin que chaque spectateur puisse voir, écouter, apprécier de près son talent.
Autre particularité du hira gasy, les protagonistes s’adressent de façon directe au public. Une attention toute particulière est accordée au texte, les messages sont profonds et les récits pétris d’ironie et d’humour, s’achèvent toujours par une leçon, un enseignement.
Les compagnies les plus célèbres sont la Tarika Ramilison Fenoarivo ainsi que Rasoalalao Kavia, cette dernière ayant effectué des représentations dans les Opéras de France.
Dans un autre genre, mentionnons tout de même le style Kalon'ny Fahiny, chansons théâtrales malgaches des années 1920 et 1930 (un peu oubliées aujourd’hui), symbole de l’apogée de la composition malgache pour piano. Les deux grands artistes de l’époque furent Andrianary Ratianarivo (1895-1949) et Naka Rabemananatsoa (1892-1952), des compositeurs toujours couramment joués de nos jours, notamment par les étudiants malgaches en musique classique ou des artistes se produisant au Nosy Be Symphonies, le festival de Musique classique de l’océan Indien.

Le jazz

La chose n’est pas connue hors des cercles de passionnés de jazz, mais Madagascar est une terre hyper fertile pour le genre. Pour quelques spécialistes, le phénomène s’explique notamment par le fait que la rythmique ternaire et surtout l’improvisation sont des éléments clés de la tradition musicale de l’île, ce qui a facilité l’adoption du genre par les musiciens malgaches, déjà culturellement familiers de la structure jazz.
Le jazz arrive sur la pointe des pieds à Madagascar dans les années 1950, apanage de quelques musiciens amateurs qui vont devenir de grands noms, voire des dynasties du jazz comme les frères Rabeson et Georges Rahoerson (son fils Serge sera un jazzman très couru).
Le vrai tournant se produit en 1968 lorsque le jazzman français Jef Gilson découvre le jazz malgache et propose à un groupe de musiciens composé d’Arnaud Razafy à la guitare, Georges et Serge Rahoerson, Alain Razafinohatra, Joël Rakotomamonjy et Roland de Comarmond au saxophone, Serge et Alain (son jeune frère) Rahoerson à la batterie, d’enregistrer aux côtés de trois jazzmen français un album qui restera célèbre : Malagasy. Une visibilité incroyable pour le jazz malgache et le point de départ d’une vocation pour beaucoup de musiciens.
Durant les décennies suivantes apparaissent des entités comme le festival Madajazzcar et de nouveaux talents comme Silo Andrianandraina, multi-instrumentiste hyper respecté, le saxophoniste et flûtiste Nicolas Vatomanga ou encore plus récemment Adonis Ratoavinirina.