En immersion en Hautes Terres
S’étendant sur plusieurs centaines de kilomètres autour d’Antananarivo, au cœur de l’Imerin’ambaniandro (l’Imerina), une région essentiellement agricole, les Hautes Terres constituent le foyer historique, culturel et économique du pays. C’est cette région que vous traverserez sur votre route vers le sud. Les paysages vous feront sans aucun doute penser au Sud-Est asiatique : ici les rizières en terrasse sont reines et magnifiques lors de la saison des pluies, quand le vert des rizières est quasi fluorescent.
C’est dans les Hautes Terres que la densité de population est la plus forte à Madagascar. L’histoire des habitants est liée à celle de la monarchie des Merinas, « ceux qui habitent les hauteurs » (prononcez « Mernes »), qui étendit son emprise sur toute l’île en soumettant les peuples voisins. Ici, au XVIIIe siècle, s’est constitué le puissant royaume qui donna naissance à l’Etat malgache, lorsque le roi Andrianampoinimerina déclara vouloir unir tous les peuples de la Grande Ile. Aujourd’hui, le territoire des Merinas s’étend à l’est jusqu’aux falaises qui mènent aux régions côtières, à l’ouest (« Imamo ») jusqu’au Bongolava, au sud (« Vakinankaratra ») jusqu’à la rivière Mania.
Au XVIe siècle, le roi Ralambo constitua deux groupes principaux au sein du royaume merina : les Andrianas (descendants des castes nobles) et les Hovas (individus qui n’étaient ni nobles ni esclaves), tous deux caractérisés par leur petite taille et leurs traits asiatiques. A la fin du XIXe siècle, un nouveau groupe apparut, les Maintienindreny, constitué par les esclaves noirs affranchis. Puis les Français établirent aussi le titre de « Hovavao » ou « nouveaux Hova » pour caractériser tous les esclaves nouvellement affranchis des régions alentour (même les Mozambicains).
Mais les Hautes Terres ne se résument pas seulement aux Merinas et à la capitale malgache : si ces derniers tiennent encore les rênes de l’économie, c’est-à-dire les terres et les moyens de production, ils ne sont pas le seul peuple des hauts plateaux : en effet, ils cohabitent avec les Betsileos (dont Fianarantsoa est la capitale), les Tanalas, les Baras, les Sihanakas, les Vezos du sud, les Betsimsarakas de l’est ou les Sakalavas des terres arides de l’ouest.
Les Hautes Terres demeurent la terre des ancêtres et les cérémonies traditionnelles qui s’y déroulent, tout comme la vie séculaire des paysans et le charme d’une architecture où dominent les ocres, sont autant d’occasions de découvertes les plus improbables. Il ne faut pas être économe de son temps, ni de ses sourires. Derrière le voile de modernité qui semble recouvrir la capitale, s’étend l’une des régions les plus touchantes de la Grande Île.
Une route bordée de parcs nationaux
Le Parc national de Ranomafana compte des espèces végétales et animale rares, que ce soit caméléons, orchidées ou lémuriens, dans une forêt humide et sempervirente. Lors de notre passage, nous y avons croisé un lémurien solitaire, demandez son histoire à vos guides… Ce parc se découvre en visite diurne ou nocturne. Les thermes qui jouxtent le parc peuvent être une bonne alternative après une journée à arpenter la forêt.
Vers le sud, le Parc national de l’Andringitra compte de superbes paysages pétris de granit, où vous croiserez de nombreux villages et des petits sentiers pédestres. Les points de vue qui jalonnent la région sont superbes ! Le Pic Bobby, le point culminant de la Grande Île avec ses 2 658 mètres, se situe dans ce parc, l’occasion d’une randonnée superbe avec de magnifiques paysages de montagnes.
Le Parc national de l’Isalo, le plus visité du pays, s’étend à l’ouest de Ranohira, dans la région de l’Ihorombe. On pourrait facilement y passer deux ou trois jours pour s’immerger dans cette nature exceptionnelle. Ici, ce ne sont qu’enchaînements de canyons, de pics de grès variant du rouge au rose, de grottes, de masses de granit sculptées par les vents et les eaux. Plus loin, ce sont des plateaux creusés de cratères, des déserts de pierre et de silence, des escarpements abrupts...
Enfin, ne manquez pas la réserve d’Anja, tout près d’Ambalavao : cette réserve entièrement autogérée par les communautés locales est un exemple de conservation réussie (ce n’est donc pas un parc national). Vous y verrez des lémuriens maki catta en grand nombre. Ils ne sont pas domestiqués mais sont peu farouches. Excellent moment de rencontre animale en perspective.
Pas de côté – à bord de l’unique chemin de fer de Madagascar
Le trajet en train de Fianarantsoa (à 400 km au sud de la capitale) à Manakara est un lent voyage au cœur de la réalité malgache, une immersion dans un aspect de la vie du pays profond. Les heures passent très vite tellement il y a à sentir, à voir, à entendre, et à rencontrer. Et ce train est de fait « relativement » confortable. On peut marcher, se dégourdir les jambes, lire, flâner durant les escales. La voie emprunte un dénivelé souvent assez abrupt depuis les Hautes Terres (Fianarantsoa est à plus de 1 200 m d’altitude) jusqu’à la côte. Quelque 200 voyageurs et 300 tonnes de marchandises dévalent les pentes au rythme lent de la vieille motrice.
D’abord, les wagons traversent de belles étendues de rizières en terrasses ponctuées des gracieuses maisons betsileos, puis ils croisent les grands champs de thé de Sahambavy et des vignobles. Puis, une fois traversée la rivière Sahambavy, les espaces forestiers ponctués d’hibiscus, de jasmin, de flamboyants et de mimosas commencent.
A une quarantaine de kilomètres de Fianarantsoa, une fois la localité de Ranomena passée, la voie ferrée qui borde maintenant une longue falaise descend une pente très raide ponctuée de ponts traversant des rivières, longeant des rapides, avant de traverser les impressionnantes chutes de la Mandriampotsy.
Dès lors, l’océan Indien devient perceptible à l’horizon au-delà des cimes forestières ponctuées de ravenalas majestueux. Et les villages se suivent : Madiorano, le centre de culture du café de Tolongoina, Manampatrana. Chaque halte voit un intense échange entre voyageurs et habitants des villages alentour : fruits, boissons, cigarettes, pierres précieuses se négocient dans les couloirs, sur les quais, dans le sous-bois, jusqu’à ce que le signal du départ soit donné.
Le paysage qui borde le lit de la rivière Faraony et les multiples relations entre passagers et villageois font vite passer le temps. Plus loin, le train traverse Sahasinaka et pénètre dans les régions côtières dont le couvert végétal est largement dégradé, la grande forêt faisant place à une végétation mixte où le ravenala domine.
Au niveau d’Ambila les marais marquent le début des régions historiques antaimoros, puis le train poursuit jusqu’au port de Manakara et les rivages de l’océan Indien.
En juin 2022, les travailleurs du rail se sont mis en grève, à la suite nombreux salaires impayés. En décembre 2022, l’espoir paraissait permis pour une prochaine réouverture : croisons les doigts pour les Malgaches avant tout mais aussi pour les voyageurs, pour que le train reparte très bientôt…
Au cœur du Far West
Voici un périple réservé aux vrais aventuriers. On prend la route de Fianar à Ikalamavony, qui traverse des paysages montagneux de toute beauté (environ 90 km de piste en moyen état). En chemin, on passe par Soatanana, dont le nom est maintenant fameux depuis les superbes clichés de Pierrot Men : les dimanches, on peut assister aux cérémonies du Fifoazana (les membres portent de larges tuniques blanches) ; on mange en leur compagnie, et on se fait laver les pieds.
Plus loin, Fanjakana délivre des points de vue grandioses sur l’ouest de la haute Matsiatra. De là part une allée de vatolahy (littéralement : « pierre homme », en fait des pierres levées qui évoquent les morts qui n’ont pas encore de tombeau familial), érigée par le roi Andriamanalina, jusqu’à Mazoharivo, où l’on découvre de magnifiques exemplaires de ces pierres levées. Quelques ruines du vala’n omby (enclos à zébu royal) d’un roi ancestral, dans et autour du village.
En poursuivant (bifurcation sur la gauche), on plonge vers Solila, un village du bout du monde. Marché tous les mercredis (donc camion depuis Fianar envisageable). Paysage d’une puissante beauté, au cœur du Far West malgache. Il paraît qu’on peut voir des crocos sur la Matsiatra qui coule à côté, tôt le matin. Il y a un petit hôtel dans le bled, pas pour les grincheux. Un Père habite dans le coin, il sera ravi de vous voir et de converser.
Enfin, on termine par Ikalamavony, où l’on peut admirer de beaux tombeaux et un paysage extraordinaire. C’est la patrie des dahalo, les voleurs de zébu. A priori, aucun danger pour un voyageur de passage, mais faites attention quand même.
Pour toutes ces destinations, un 4X4 est préférable. Toutefois, vous pouvez demander au stationnement de taxi-brousse à Fianar pour connaître les départs, quotidiens ou non.
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(entdossierthemarub)18523:texteQuelques-unes des plus belles expériences sur la Route du Sud
Trek au cœur des sites naturels de l’Isalo et/ou de l'Andringitra.
Pauses photos/rencontres le long de la route : petits villages en brique, rizières en terrasse, lumières diaprées.
Découverte de ce peuple de sculpteurs sur bois dans le pays zafimaniry, vous découvrirez leur artisanat dans les villages tout autour.
Balade au milieu des lémuriens dans la forêt d'Anja (magnifique point de vue sur les hauteurs pour les plus sportifs).
Un petit souffle d’aventure dans le « train des falaises » de Fianarantsoa à Manakara, sur la côte est.
Un grand moment de culture avec la cérémonie du « retournement des morts » (juillet-septembre).
Une balade d’un jour ou plus sur le canal des Pangalanes, autour de Manakara ou Mananjary.
Un repas exquis à base de langouste à Manakara.
Un séjour balnéaire de trois ou quatre jours pour finir le parcours, vers Tuléar (nos préférences, dans l'ordre : Ankasy, Salary, Anakao).
La RN7 en pratique
La Route du sud est la destination numéro 1 des touristes à Madagascar. Toutefois, quelques précisions s’imposent : c’est une route qui peut être dangereuse, parcourue du matin au soir par des varamba (petites charrettes poussées par des enfants), des piétons, des cyclistes, des badauds, des charrettes à zébus, des poules, des chiens ou des fous du volant, tout cela dans le désordre et le chaos le plus fascinant. Cet axe essentiel pour le pays n’est en fait qu’une départementale chez nous. Aussi, faites attention : demandez au chauffeur de rouler à une allure raisonnable, même si vous aimeriez « foncer » pour « gagner » du temps et « faire » plus de sites (quelle incongruité au pays du mora mora, n’est-ce pas ?), ne roulez jamais de nuit (attention, un zébu peut en cacher un autre). En taxi-brousse, attachez vos ceintures ! (Eh bien, justement, le problème, c’est qu’il n’y en a pas… de toute façon, à 25 dans un minibus…). Nous ne plaisantons pas : un accident ici est toujours grave, pour la bonne et simple raison qu’il n’existe presque aucune structure pour accueillir et soigner les blessés.
Ces petits conseils donnés entre amis, à vous la route…
Jour 1. Tana/Antsirabe. 169 km. 3h. Départ vers 8h30 de Tana, pause déjeuner au Coin du Foie gras après la visite de la ferme de Morarano et/ou du parc Gasikara au Carat et des ateliers de fabrique d'aluminium, peu après la sortie de la capitale ; on passe la nuit à Antsirabe.
Jour 2. Antsirabe/Ambositra. 100 km. 1h30. Le matin, visite de la ville, ses ateliers, ses lacs alentour ; déjeuner, puis direction Ambositra ; visite des boutiques et ateliers, nuit sur place ou direction Antoetra (bon hébergement Sous le soleil de Mada) et le pays zafimaniry (1h15 de route).
Jours 3 et 4 (option). Randonnée en pays zafimaniry et nuit dans une case typique chez l’habitant : unique ! Compter 5 ou 6h de marche par jour.
Jour 5. Antoetra ou Ambositra/Ranomafana. 170 km. 3h30/4h environ. Départ le matin vers Ranomafana ; déjeuner et visite du parc national en fin d'après-midi.
Jour 6. Ranomafana/Manakara.170 km. 3h30/4h environ. Visite matinale du village ; déjeuner puis route vers Manakara.
Jour 7. Manakara. Balade paisible en pirogue sur le canal des Pangalanes (8h environ) ; visite d’un village côtier, déjeuner typique, baignade. Nuit à Manakara.
Jour 8. Manakara/Fianar. Train, environ 170 km. 10h dans ce sens (moins de touristes aussi). A bord d’un vieux train, paysages tropicaux avant de monter sur les Hautes Terres ; nombreux petits arrêts dans des villages typiques : et des en-cas originaux à découvrir partout ! Arrêt au Lac Hôtel, avant-dernière étape, nuit sur place, ou alors à Fianar.
Jour 9. Fianar/Ambalavao. 60 km. 1h30. Visite de la plantation de thé le matin, puis visite de la ville haute, déjeuner au Panda (crocodile ou chauve-souris !) ; départ vers Ambalavao, découverte de la fabrique de papier, nuit sur place. Ou alors on poursuit vers l'Andringitra pour une balade dans le parc le 10e jour.
Jour 10. Ambalavao/Ranohira. 225 km. 3h30/4h environ. Balade agréable dans la réserve d’Anja, pique-nique, pause café (ou THB) à Ihosy, puis arrivée à Ranohira. Pour les amateurs, promenade à cheval au départ des Rênes de l'Isalo ou via ferrata pour le coucher du soleil.
Jour 11. Parc de l’Isalo. Trek toute la journée dans le parc (piscine naturelle, cascade des nymphes, etc.) ; autre nuit à Ranohira.
Jour 12. Ranohira/Tuléar. 228 km. 3h30. Découverte du village « Far West » d’Ilakaka (achat éventuel de saphirs), déjeuner à l’arboretum d’Antsokay peu avant Tuléar ou au Corto Maltese à Tuléar, puis balade ensoleillée dans la grande ville du sud (nuit endiablée en option), ou alors on gagne directement l'hôtel balnéaire choisi (Ifaty, Ankasy, Salary ou Anakao).
Jour 13. Tuléar/Ifaty ou mieux Ankasy/Salary. Entre 27 et 90 km environ, sur une toute nouvelle route goudronnée ou en vedette rapide. Nos préférences : repos au paradis à Ankasy ou Salary, sans doute les plus belles plages de Madagascar. Ou encore Anakao.
Jour 14. Ifaty ou Ankasy ou Salary ou Anakao. En saison (fin juin à septembre), observation des baleines (le matin de préférence).
Jour 15. Retour à Tuléar et envol vers Antananarivo, ou dernière nuit à Tuléar pour un envol le lendemain matin vers Tana.
Si vous ne disposez que de 10 jours pour effectuer ce parcours, vous pouvez supprimer le trek dans le pays zafimaniry (en allant directement à Ranomafana depuis Antsirabe sur la journée) et/ou l’expédition sur le canal des Pangalanes.
Si vous disposez de plus de temps n'hésitez pas à rester un jour supplémentaire à Ranohira pour profiter du paysage et des alentours du parc, ou ajouter 2 ou 3 jours dans le parc de l'Andringitra pour randonner ou s'essayer au parapente et à l'escalade.