shutterstock_1559797442.jpg

Les musiques traditionnelle et folklorique

Dans l’ensemble la musique indigène demeure le plus souvent méconnue. Cela étant dit, celle du peuple mapuche a été particulièrement bien préservée et précieusement transmise génération après génération. Les Mapuches ayant toujours résisté aux tentatives de conquête des Incas, leur musique et leurs instruments se singularisent des cultures du nord sous influence andine. Chez eux, la musique est le plus souvent une expression religieuse, on chante et danse pour honorer Ngenechén, la divinité absolue. Mais les Mapuches ont aussi des mélodies pour accompagner tous les différents aspects de la vie : travail, sommeil, jeu, etc. Aussi, l’instrumentation mapuche est plutôt élémentaire ; s’associent au chant la kultrún (une percussion et l’instrument le plus important de la culture mapuche) et la trutruca, sorte de trompette spiralique en canne de coligüe (ou colihue, un bambou autochtone) se terminant par une corne, au son grave et strident. Dans le même bois est fabriqué la pingkullwe, une flûte transversale à 5 trous. Moins courants, citons tout de même la kull kull, une petite trompette en corne de taureau et le kunkulkawe, un arc frotté (contre un autre arc). Pour goûter aux traditions musicales mapuches, une excellente idée est de se rendre au Nouvel An mapuche, tous les ans entre le 21 et 24 juin, où la nouvelle année est accueillie par toutes sortes d’activités folkloriques et traditionnelles.

Au XIXe siècle, le glissement de la fin de la période coloniale vers l’Indépendance commence à imprimer une identité nationale à la musique chilienne. C’est d’ailleurs à cette époque qu’est composé l’hymne du pays (aux alentours de 1818). Et c’est aussi celle où apparaît la cueca. Considérée comme typiquement chilienne - bien que d’origine espagnole et présente aussi dans d’autres pays andins – la cueca est la musique folklorique du pays par excellence. Danse nationale depuis 1979, elle fut probablement importée du Pérou à la fin du XIXe siècle. Elle s’appelait alors la zamacueca, et se chantait et se dansait dans les chinganas, sortes de cabarets où se réunissaient toutes les classes sociales et où l’on buvait avec ferveur. Symbolisant l’amour et la séduction, la cueca revêt différentes formes en fonction des régions. Dans le nord, elle n’a pas de paroles et se danse lors des fêtes religieuses ou du carnaval tandis que dans le centre, elle a des paroles et les instruments les plus utilisés pour l'interpréter sont la guitare, le tambourin, l'accordéon et le bombo. Un temps abandonnée par les plus jeunes générations, la cueca est revenue durablement sur le devant de la scène dans les années 1950 / 1960 grâce à des musiciens comme Roberto Parra (du fameux clan de musiciens Parra) et Hernan « Nano » Nuñez (le plus grand compositeur du genre). Toujours aussi appréciée, la cueca peut s’écouter et se danser facilement en ville, des clubs comme La Chimenea ou l’Opera Catedral (plus chic) à Santiago étant chaudement recommandés.

Passée la cueca, de nombreuses formes musicales traditionnelles sont cultivées sur l’ensemble du territoire. Au nord, l’influence andine est très forte, de même que la fanfare d’origine militaire datant de la colonisation espagnole. La Fiesta de la Tirana, qui a lieu chaque 16 juillet, et sa débauche de danses colorées sont un évènement à ne surtout pas manquer pour s’imprégner de la culture musicale du nord chilien. Et une bonne occasion de constater comment dans cette partie du pays les célébrations religieuses mélangent formes précolombiennes et chrétiennes. La région comporte également quelques instruments spécifiques comme la quena, la flûte traditionnelle des Andes, la zampoña, une flûte de pan musicale ou l’ocarina.

Au centre, dans la Valle central, hormis la cueca, l’autre grande tradition musicale est la tonada. Issue de la musique apportée par les colons espagnols, la tonada est une des formes traditionnelles les plus importantes du Chili. Non dansée, elle se distingue de la cueca par l’importance apportée à la mélodie. Quelques groupes ont eu accès à une petite notoriété en jouant de la tonada comme Los Huasos Quincheros, Los Huasos de Algarrobal ou Los de Ramon. Autrement, dans le centre du pays, on danse aussi la sajuriana, originaire d'Argentine, et qui s’exécute en couple un mouchoir à la main ou la refalosa, elle aussi proche de la zamacueca. D’une manière générale, le folklore du centre du Chili, comme celui du sud du pays, est étroitement lié à la vie rurale et le représentant de cette culture est le huaso, le cow-boy chilien.

Dans le sud, le folklore espagnol a été particulièrement bien préservé. Par exemple, on y danse toujours des pasacalle. La chose s’explique peut-être par le fait que durant la guerre d'indépendance Chiloé est restée fidèle à la couronne espagnole. Autrement, les danses les plus populaires de la région sont la pericona, probablement importée d’Argentine, la valse chilote, qui diffère de la valse traditionnelle par son énergie et son intensité ou encore la trastasera, danse elle aussi importée d’Argentine et dont les mouvements suivent les instructions des paroles de la chanson. Plus anecdotique, citons tout de même El Costillar, voyant des couples danser librement autour d’une bouteille comme autour d’un totem.

Sur l’île de Pâques, les influences tahitienne et polynésienne sont bien sûr très présentes et l’on y danse en couple le sau-sau, danse exécutée avec grâce et sensualité, le ula-ula, elle aussi pratiquée en couple en faisant onduler ses hanches latéralement ou encore le tamuré, danse tahitienne très rapide et acrobatique.

Les diverses fêtes du pays sont autant d’occasions de partir à la rencontre de son folklore. Parmi elles, la Fiesta De La Vendimia, fêtes des vendanges de Santa Cruz, la Fiesta San Pedro dans le village du même nom ou les Fiestas Patrias, la fête nationale regorgent de danses et musiques traditionnelles.

La musique populaire

Si dans les années 1940 et 1950 la musique cubaine était en vogue (en témoigne le succès des boleros de Lucho Gatica), aujourd’hui, c’est la cumbia qui fait un tabac – qu’elle soit colombienne, argentine ou chilienne. Elle est présente dans toutes les fêtes populaires, jouée par les sonoras comme les mythiques Sonora Palacios (les pionniers), Orquesta Huambaly, Pachuco y la Cubanacán et, bien sûr, l’increvable Sonora de Tommy Rey. Toujours plus populaire au Chili, la cumbia s’est peu à peu acclimatée à sa terre d’adoption trouvant ici une forme propre, baptisée « cumbia sonora », plus riche en cuivres et plus rapide que la version originale. Dans les années 2000 a également émergé un style hybride appelé « nouvelle cumbia chilienne » portée par des groupes comme Chico Trujillo qui marient le genre au rock, ska, hip-hop, voire à de la musique balkanique. A Santiago, les adresses de choix pour danser la cumbia ne manquent pas, mais s’il fallait en retenir une, ça serait la Salsoteca Maestra Vida qui se distingue par son atmosphère fort sympathique.

Un autre pilier de la musique populaire chilienne, c’est évidemment la fameuse nueva canción chilena (nouvelle chanson chilienne). Apparu durant les années 1960 et 1970, une période de lutte sociale à travers toute l’Amérique latine, ce mouvement de renouveau musical s’est chargé des combats de son temps : la misère du peuple, la dictature, mais aussi les espoirs soulevés par la révolution cubaine. C’est Violeta Parra qui a posé les bases en faisant revivre des milliers de chansons folkloriques chiliennes. Après une modeste carrière de chanteuse de cirque ( ! ) ou de boîtes de nuit, Violeta Parra a sillonné le pays et s’est imprégnée des thèmes folkloriques régionaux. A partir de ces racines populaires, Violeta Parra a créé une musique proche de la vie des gens ordinaires, devenant le chantre de leurs souffrances, de leurs aspirations et de leurs rêves. Avant de mettre fin à ses jours en 1967, cette immense artiste a ouvert la voie à de nombreux autres qui reprendront le flambeau comme Patricio Manns, Margot Loyola (grande folkloriste), Isabel et Angel Parra (les enfants de Violeta), Rolando Alarcón et bien sûr Víctor Jara. Ce dernier est lui aussi devenu une des voix principales de la Nueva Canción. Ses textes forts, marqués par la lutte des classes et la dénonciation de la misère, feront de lui une cible de choix. Le jour du coup d'Etat de Pinochet, Jara est arrêté, torturé puis exécuté d’une quarantaine de balles.

Si la dictature a mis un frein brutal au développement de la Nueva Canción, elle n’a pas réussi à l’étouffer complètement et, malgré les interdictions et autres arrestations, de nombreux artistes continuaient à chanter leur amour de la liberté dans des peñas clandestines. Les exilés ont joué également un grand rôle comme porte-parole de leurs frères opprimés. Et c’est ainsi que, dans les années 1980, a surgi le canto nuevo, qui, tout en composant sans cesse avec la censure dictatoriale, a pris le relais, avec des groupes comme Illapu, Santiago del Nuevo Extremo, Napalé et Ortiga. A l’heure actuelle, le public chilien apprécie beaucoup ces voix qui ne se sont jamais tues face au bruit des bottes militaires.

La musique classique

C’est à partir du début du XXe siècle que la musique savante commence à prendre une place centrale au Chili. Des institutions sont créées, de grandes symphonies sont jouées et surtout des figures importantes commencent à émerger. Le doyen est Pedro Humberto Allende (1885-1959). Compositeur de très grande influence, Allende est l’un des premiers à poser les fondements d’une musique classique contemporaine. Son catalogue comprend des œuvres pour orchestre comme le fameux poème symphonique La Voz de las calles composé en 1920, de la musique de chambre et des œuvres pour piano ou guitares. Tout au long de sa carrière, Allende s’est efforcé d’inclure des éléments de la tradition et du folklore chiliens dans ses créations et a notamment écrit de nombreuses tonadas.

Contemporain d’Allende, apparaît à la même époque Enrique Soro (1884-1954), pianiste et compositeur classique-romantique considéré comme l’un des premiers symphonistes du pays. Vers les années 1930, c’est ensuite un des compositeurs les plus prolifiques du classique chilien qui s’installe dans le paysage musical en la personne de Pedro Nuñez Navarrete (1906-1989). Infatigable, ce dernier a composé plus de 400 œuvres. Dernier nom à ne pas oublier, Gustavo Becerra (1925-2010) a non seulement été un compositeur reconnu, mais également un pédagogue de talent qui a formé quelques grands noms nationaux (Luis Advis, Sergio Ortega, Fernando García, Cirilo Vila…). Plus proche de nous, citons également le pianiste Sergio Ortega (1938-2003) compositeur d’opéras et d’hymnes hyper populaires comme le fameux El pueblo unido. Après le coup d’Etat de 1973, Ortega s’est exilé en France où il fut directeur de l'Ecole nationale de musique à Pantin (93).

Récemment, la grande figure qui a fait voyager la réputation du Chili dans le monde est l’immense pianiste Claudio Arrau (1905-1991). Souvent considéré comme l'un des prodiges du siècle passé, Arrau est aujourd’hui salué pour l’étendue et la maîtrise de son répertoire, aussi à l’aise avec le baroque que le contemporain. Un monument.

Et en parlant de monument, au Chili, un des hauts lieux de l’opéra et du classique est le Teatro Municipal de Santiago. Classé au patrimoine national, ce beau théâtre accueille des concerts de l’Orchestre philharmonique, des représentations du Ballet municipal de Santiago ainsi que des opéras. Et – cocorico ! – il a jusqu’en 2019 été dirigé par le Français Frédéric Chambert.

Les musiques actuelles

Si l’on demande aux plus jeunes générations – ou aux clubbeurs et fans d’électro – quel est le musicien chilien le plus intéressant, ils vous répondront Ricardo Villalobos. Star de la techno minimale et de la micro-house, Villalobos est connu pour ses morceaux et DJ sets très suaves, planants et moites. Une vedette de son domaine, un peu comme les producteurs chiliens Cristian Vogel, autre grand nom de la techno qui a été signé sur le prestigieux label Trésor Records ou encore Luciano dont la carrière est très liée aux soirées fiévreuses d’Ibiza.

Côté hip-hop, le groupe pionnier Tiro de Gracia a aujourd’hui laissé la place à des noms tels que Pablo Chill-E ou Ana Tijoux. Pour l’anecdote, cette dernière est lilloise de naissance, mais a fait carrière au Chili, pays que ses parents durent quitter suite au coup d’Etat de 1973. Derniers grands noms locaux, citons également Tomasa del Real, la reine du neoperreo, dérivé du reggaeton ou Föllakzoid, groupe de krautrock signé sur le très bon label américain Sacred Bones. On peut citer également le groupe de post-punk groupe FrioLento.

Quelques adresses incontournables à Santiago : Club La Feria, pour de la bonne musique électronique mixée par de grands DJ chiliens ou étrangers, El Tunel, plus kitsch dans la déco, mais avec une bonne programmation ou encore Etniko, restaurant très trendy où l’on vient aussi danser.