Croissance démographique
À l’image du reste du monde, les Philippines connaissent une importante explosion démographique : alors que l’archipel comptait moins de 30 millions d’habitants en 1960, la population dépasse les 114 millions en 2023 ! Aujourd’hui, près de la moitié de la population, environ 47,5 %, est urbaine. Et la population rurale tend à diminuer d’année en année : elle était de 70 % dans les années 1960. Effectivement les villes offrent de meilleures opportunités de travail et de salaires que les zones rurales et isolées. L’archipel a une densité de population moyenne de 370 habitants/km2 qui varie énormément d’une région à l’autre. Elle atteint 43 000 habitants/km2 pour la ville de Manille ! L’espérance de vie moyenne est de 71,7 ans avec un écart important entre les femmes dont l’espérance à la naissance est de 74,7 ans et les hommes pour lesquels elle n’atteint que 68,7 ans.
Cette croissance démographique entraine une croissance de la population dans les grandes villes du pays à commencer par la capitale, Manille. En effet, avec 30 millions de personnes, l’aire urbaine étendue de Manille (appelée Metro Manila), sur Luzon, où siège le gouvernement, abrite plus de 20 % de la population de l’archipel. Elle est en quatrième position des agglomérations les plus peuplées du monde derrière Tokyo, Sao Paulo et Jakarta. Cette forte densité dans l’agglomération de Manille accentue des problèmes conséquents liés à des manques d’infrastructures, de logements, de transports en commun et des embouteillages monstrueux et des problèmes majeurs de pollution bien sûr. L’île de Luzon, dans sa totalité, compte quant à elle, la moitié de la population philippine, donc plus de 60 millions d’individus. Ce qui en fait la quatrième île la plus peuplée du monde.
Une population toujours jeune mais vieillissante
Les Philippines ont connu, entre 2017 et 2023, la plus grande baisse du taux de fécondité jamais enregistré dans le pays. En 2017, la moyenne était de 2,6 enfants par femme, en 2023, elle est descendue à environ 1,9 enfant par femme. Il faut garder en tête que cette période correspond à la période COVID et était donc probablement une période d’incertitude. À titre de comparaison, le taux de natalité en France est de 1,8 enfant par femme. Les Philippines font partie des pays asiatiques à maintenir depuis très longtemps une population jeune. L’âge médian, bien qu’il soit en perpétuelle augmentation – il était de 20,5 ans en 2000 et de 16,5 ans en 1960 – est actuellement de 25,7 ans. En comparaison, l’âge médian au Japon, dont le vieillissement de la population est avéré, est de 48,7 ans. L’association de ces données (la baisse du taux de fécondité et la jeunesse de la population) est plutôt prometteuse pour l’avenir des Philippins. En effet, cette population jeune est sur le marché du travail et contribue à la croissance économique du pays. D’autre part, comme il y a moins d’enfants par ménage, cela permet à chaque enfant de recevoir plus de la part des parents, ce qui peut aussi aider la population à sortir de la pauvreté, malheureusement élevée dans le pays (plus de 25 %).
Toutefois, d’un point de vue global, il faut rappeler que la population mondiale a franchi la barre des 8 milliards d’individus en 2022 et continue d’augmenter de façon considérable, ce qui accentue les problèmes environnementaux, d’inégalités ou encore d’accès à l’alimentation. Pour la situation des Philippines, plusieurs propositions de lois ont déjà tenté d’encadrer le taux de croissance en incitant à limiter le nombre de naissances par femme, mais ces propositions se heurtent continuellement à l’opposition de l’Église catholique, dominante dans le pays. Seules des politiques de planning familial ont pu voir le jour pour développer, tant bien que mal, une éducation sexuelle dans le pays.
Melting-pot culturel
Les origines des Philippins sont essentiellement apparentées aux populations de l’archipel malais et indonésien avec aussi des influences chinoises, arabes et bien évidemment espagnoles et américaines. D'une longue histoire de domination coloniale occidentale, entrecoupée de visites de marchands et de négociants, est né un peuple qui présente un mélange unique d'Orient et d'Occident. Le caractère philippin est en fait un peu de toutes les cultures réunies. Le bayanihan, ou l'esprit de parenté et de camaraderie qui fait la renommée des Philippins, viendrait de leurs ancêtres malais. Les relations familiales étroites seraient héritées des Chinois. La piété vient des Espagnols qui ont introduit le christianisme au XVIe siècle. L'hospitalité, chère aux yeux de la majorité des Philippins, fait de ce peuple une légende en Asie du Sud-Est. Il est rare de trouver, en effet, des gens aussi hospitaliers qui apprécient la compagnie de leurs visiteurs occidentaux. Enfin, malgré ses progrès économiques, le pays n’en reste pas moins en voie de développement.
Une diversité linguistique remarquable
Les Philippines sont un pays extrêmement riche d’un point de vue linguistique, avec pas moins de 170 langues parlées à travers les 7 000 îles. Le philippin, aussi appelé filipino ou tagalog, est la langue nationale et officielle aux côtés de l’anglais, qui est aussi largement utilisé et constitue le moyen d'enseignement dans l'enseignement supérieur. À noter que le pays est la quatrième nation anglophone du monde. Le tagalog (ou philippin) est en fait la langue qui est utilisée au niveau national comme langue de communication, dans les médias par exemple et entre les différents groupes ethniques. Comme toute langue vivante, le tagalog est en développement constant grâce à des emprunts aux autres dialectes philippins et à des langues non indigènes pour diverses situations, entre des locuteurs de différents milieux sociaux, et pour des sujets de conversation et des discours savants. À l’école, les cours sont enseignés en anglais et en tagalog mais dans la vie de tous les jours, chacun utilise le dialecte de sa ville ou région, et il n’est pas rare pour un Philippin de maitriser plusieurs dialectes, en plus des deux langues officielles.
Il n’existe pas moins de 130 dialectes, conséquence des nombreux groupes ethnolinguistiques qui peuplent le pays. Les dix plus importants sont parlés par 90 % de la population : le tagalog (Luzon, Mindoro, Palawan, Marinduque), le cebuano (Cebu, Bohol, Leyte, Negros, Mindanao), l’ilocano (Luzon), l’ilonggo (Panay, Romblon, Masbate, Negros, Guimaras, Mindanao), le bicolano (Luzon, Masbate), le pampangueño (Pampanga, Tarlac), le pangasinan (Luzon), le waray (Samar, Leyte) et le batangas (Rizal, Laguna, Mindoro). Il s’agit en vérité de langues régionales et de termes génériques. Par exemple, dans les faits, le bicolano n’existe pas en tant que tel, c’est en fait un terme générique pour désigner l’ensemble des dialectes bicolano. Ainsi à Legazpi, sur Luzon, on parle le bicolano de Legazpi, et à Daraga (la ville juste à côté), on parle le bicolano de Daraga. Et aussi étonnant que celui puisse paraitre, les deux langues sont aussi proches que l’allemand l’est de l’italien !
La centaine d’autres dialectes, aussi appelés langues indigènes, sont parlées par des communautés beaucoup moins importantes que les dix principaux, ce qui fait qu’elles sont aujourd’hui considérées comme étant en danger d’extinction. Cela s’explique par leur caractère oral, l’absence de documentation et d’études à leur sujet et le désintérêt de plus en plus marqué des jeunes qui préfèrent se concentrer sur l’anglais et le tagalog. Des politiques de préservation sont mises en place (enseignement, enregistrement d’histoires orales, études) pour conserver ces langues qui font partie intégrante du patrimoine et de la culture du pays. Les 130 dialectes ont une origine commune et sont étroitement apparentés. Cependant, ceux qui les utilisent ne se comprennent pas entre eux. Les membres des tribus ont leur propre dialecte. Certaines tribus comprennent et parlent un peu le tagalog, mais pas l’anglais. D’autres, en revanche, ont plus de facilités en anglais qu’en tagalog. Les plus favorisés sont les habitants des Visayas. Ils parlent le cebuano, l’ilonggo et bien sûr le tagalog. Les habitants de Luzon se sentent lésés car ils ne comprennent pas les dialectes visayans. Dans les régions qui ont connu des vagues d’émigration, la pratique des mélanges entre dialectes – cebuano, tagalog, anglais et autres – est très courante dans la conversation. Habitués à jongler avec les mots et les langues, les Philippins ont inventé le taglish, un mélange de tagalog et d’anglais, une déformation rentrée dans les mœurs. Même les présentateurs de télévision l’utilisent.
Minorités ethniques
La population des Philippines regroupe plus de 6 millions d’habitants appartenant à ce que l’on appelle les tribus philippines, les communautés culturelles ou les groupes ethniques. Certains termes péjoratifs étaient employés à leur égard par les colons, comme « primitifs », « non civilisés », « sauvages ». Après 350 ans de colonisation espagnole et 50 ans de colonisation américaine, un grand nombre de minorités ethniques ont conservé intacte leur spécificité. Ces communautés ou microsociétés se distinguent entre elles par des différences de traditions, de mode de vie et de langage. Les coutumes ancestrales demeurent au cœur de la vie quotidienne. Les croyances, pour la plupart animistes, sont la source de divers rites et cérémonies. 60 % de ces communautés sont musulmanes et localisées sur Mindanao. Le degré d’intégration sociale de ces communautés est parfois très faible, bien souvent les tribus ne respectent que l’autorité de leur chef. La justice est faite à partir de leur propre morale. À titre d’exemples, citons les Negritos du centre de Luzon, les plus anciens aborigènes du pays ; les tribus montagnardes sur Luzon comme les Ifugaos, Kalingas et Bontocs ; les Mangyans, divisés en 7 sous-groupes, de Mindoro ; les diverses tribus de Palawan comme les Bataks, les Tagbanuas ou les Tau’t Batus qui n’ont été découverts qu’en 1978. Depuis, ils sont dans une sorte de réserve naturelle délimitée pour protéger le mode de vie pacifiste de cette société animiste en harmonie avec la nature. Ils vivent depuis des siècles, repliés dans la vallée de Signapan, au pied (nord-ouest) du mont Mantalingajan, la montagne la plus élevée de l’île (2 054 m). L’île de Mindanao regroupe la plus importante part de minorités culturelles, composée de nombreuses ethnies païennes et musulmanes. Les musulmans sont aussi appelés Moros, le nom que les Espagnols donnaient aux Arabes d’Andalousie. Ces derniers occupent le centre, l’ouest et le sud de Mindanao ainsi que l’archipel de Sulu. Le sud-est de Mindanao, autour de Davao, comprend le plus grand nombre de tribus indigènes de l’île de Mindanao comme les Bagobo, Manobo, Ata et Mandaya.