Le jardin flottant de l’Atlantique : entre espaces protégés, parcs et jardins
Madère surprendra le visiteur par sa diversité : celle de ses paysages, très différents d’une partie à l’autre de l’île, mais aussi celle de sa flore, colorée et luxuriante, et dont la diversité se retrouve aussi dans les jardins et sur les étals du marché de Funchal. Le volcanisme et la géologie ont façonné l’île de formes parfois pittoresques, d’un relief toujours varié et d’une terre particulièrement fertile. Les sentiers qui la parcourent vous feront découvrir sommets, falaises abruptes tombant dans la mer, plages et piscines naturelles d’eau de mer, forêts ou encore cultures en terrasses le long de canaux. Si de nombreuses espèces exotiques ont été introduites dans l’île : palmiers, chênes-lièges, figuiers, eucalyptus, yuccas ou agaves, il subsiste encore une faune et une flore indigènes dont des espèces endémiques, mais fragiles. Au nord de l’île demeure une forêt primaire de lauriers à feuilles persistantes. Cette laurisylve est l’un des derniers vestiges d’une forêt plus vaste issue de l’ère tertiaire (il y a 15 à 40 millions d’années). Cette forêt laurifère est classée au patrimoine mondial de l’Unesco depuis 1999 et protégée dans sa plus grande partie au sein du Parc naturel de Madère. Créé en 1982, sa superficie couvre les deux tiers du territoire de l’île, et il abrite des espèces menacées telles que le pétrel de Madère ou le pigeon trocaz de Madère. Des réserves naturelles complètent le dispositif de protection de la biodiversité, comme les réserves marines de Garajau, de Rocha do Navio, ou de Ponta de São Lourenço.
Le Parc écologique de Funchal (Parque ecológico do Funchal), situé à Pico do Arieiro, constitue un espace de conservation du patrimoine naturel et géologique. Il a bénéficié d’un programme de reforestation et est ouvert aux visiteurs et scolaires. Des parcs forestiers permettent aux randonneurs une immersion dans les écosystèmes de la laurisylve.
Le Parc forestier Flora da Madeira offre le très joli site de Ribeiro Freio, sur la côte ouest de Santana.
Le Parc forestier de Queimadas est au départ de beaux sentiers de randonnée.
Si l’on peut considérer Madère comme « le jardin flottant de l’Atlantique », c’est aussi parce qu’elle recèle de parcs, jardins et quintas qui raviront botanistes ou simples curieux. On ne saurait tous les citer, mais le promeneur attentif saura les découvrir. Le Jardin botanique de Funchal (Jardim Botânico) est situé à 300 mètres d’altitude, sur les hauteurs de la ville (dont le nom au passage signifie « fenouil »). Il abrite de nombreuses espèces du monde entier et invite à un voyage haut en couleur. Le Jardin des Orchidées, à deux pas du Jardin botanique, présente une collection de plus de 50 000 plantes. Pour les passionnés d’orchidées toujours, un jardin familial, celui de la Quinta da Bela Vista, vous permettra d’admirer de belles variétés d’orchidées parmi d’autres végétaux. Le Jardin tropical Monte Palace sur la colline de Monte vous invite à une expérience immersive à la découverte de nombreuses espèces tropicales. Plus loin se trouve le Parc municipal de Monte. Libre d’accès, il abrite de beaux arbres et offre une vue magnifique sur la baie de Funchal. Le Parc de Saint-Catherine (Parque de Santa Catarina), qui surplombe Funchal, est un lieu de promenade réputé des habitants de l’île. Les Jardins municipaux, appelés également Dona Amélia Garden, abritent une flore du monde entier et accueillent de nombreux événements. Les Jardins de Quinta Vigia constituent un petit havre de paix. Hors de Funchal, d’autres parcs s’offrent à vous. Le Jardin des plantes indigènes de São Vicente est l’endroit idéal pour découvrir la flore locale et ses trésors. Les passionnés de roses pourront se rendre à Arco de São Jorge, au nord de l’île, où se trouve la Quinta do Arco et sa collection de roses du monde entier. À São Gonçalo, un parc nommé Dragon Trees Nucleus est dédié au dragonnier, espèce emblématique de l’archipel et menacée. Le Parc de Palheiro Ferreiro (Palheiro Gardens) à São Gonçalo est quant à lui constitué pour partie d’un jardin à l’anglaise, de pépinières d’orchidées et d’une très belle collection de camélias.
Des actions en faveur de la prévention des pollutions
L’arrivée des colons dans l’île, le développement de l’agriculture puis du tourisme ont fragilisé les équilibres écologiques. Le déboisement et l’artificialisation des terres ont engendré érosion et dégradation des milieux naturels. L’introduction d’espèces exotiques a contribué au déclin des espèces endémiques. L’île, dont la densité de population est élevée (400 habitants/km2) accueille aujourd’hui un million de touristes par an, qui vont utiliser les ressources naturelles (eau, énergie) et produire des déchets. Face à ces pressions, Madère a protégé certains espaces naturels remarquables et a engagé des actions en termes de prévention des pollutions. Une stratégie, dénommée « MaRaM », a été déployée à cette fin. Elle se veut participative et fondée sur l’éducation à l’environnement des plus jeunes, la formation des professionnels et la coopération des étudiants. Depuis 2018, Madère fait partie de l’initiative du Blue Flag, qui concerne la qualité des eaux de baignade et conduit notamment des actions de nettoyage des plages. Si la prévention des pollutions fait ainsi l’objet de programmes, il en va de même pour la préservation des ressources. Aussi des projets visent-ils à mettre en place des dispositifs de mesure et des sensibilisations aux économies d’eau, mais aussi des actions de lutte contre le déboisement et la destruction de la végétation.
Plasticroûte et incinération : la question préoccupante des déchets
La question des déchets n’est toutefois pas totalement traitée. La pollution de la mer au plastique s’illustre tristement dans l’apparition de « plasticroûtes » observées depuis 2016 sur des rochers du littoral. Il s’agit de petits morceaux de plastique accrochés sur les roches. Le phénomène prend de l’ampleur et touchait 9,46 % de la surface rocheuse de l’île en 2019, selon les scientifiques en charge du système de surveillance. Les chercheurs privilégient actuellement l’hypothèse d’un phénomène global de pollution, même si à ce jour aucune autre observation de ce type n’a été encore rapportée. L’objectif prochain sera d’évaluer l’impact de ce plastique sur les invertébrés marins. Autre sujet de préoccupation, le traitement des déchets produits dans l’île. Le choix de l’installation d’un incinérateur de déchets a eu pour conséquence de freiner les initiatives de recyclage, notamment de bio-déchets, et les démarches d’économie circulaire. Si le taux de valorisation matière des déchets à Madère était très faible (10 % en 2007), les choses s'améliorent. En 2023, le taux de valorisation matière des déchets à Madère est passé à 23%, soit 130 000 tonnes collectées par an. L’objectif est d’atteindre 35% d’ici 2030. Les deux objectifs principaux sont de réduire la production de déchets et d’augmenter la collecte sélective. Mettre en place une valorisation matière, notamment des bio-déchets, est réalisable, moins coûteuse et irait dans le sens de la transition énergétique, en évitant les émissions de gaz à effet de serre.
L’île en bonne voie vers la transition énergétique
Le Portugal a fondé sa politique énergétique sur le développement des énergies renouvelables. Cette stratégie répondait au départ à une volonté de créer les conditions d’une indépendance énergétique face au pétrole, suite à la crise de 2008. Cette politique s’est accordée avec la lutte contre le changement climatique et la nécessité de diminuer les émissions de gaz à effet de serre. L’île est ainsi passée de 15 % d’énergie renouvelable à 30 % en 2018 puis 40% en 2022 grâce à l’hydro-électricité et l’éolien. L’objectif pour le gouvernement régional, avec l’ajout de ces centrales solaires, est d’atteindre 50 % en 2026. À l’origine de cette progression figure la transformation de la centrale hydro-électrique de Socorridos en un système de production réversible, qui permet de stocker l’énergie sous forme d’eau. Des éoliennes produisent de l’énergie, et lorsque cette production est supérieure à la consommation, l’énergie excédentaire est utilisée pour pomper l’eau dans le barrage. Ce système permet ainsi une sécurisation de l’alimentation en eau et en électricité. Il a induit également la construction de tunnels, de canaux, et d’une station de pompage, dont on peut interroger les impacts environnementaux. Le développement des énergies renouvelables à Madère s’inscrit également dans un projet de construction de centrales solaires qui seront réparties sur différentes parties du territoire. Cette dispersion des centrales vise à favoriser l’intégration paysagère de celles-ci (penser aux touristes !), l’acceptation sociale du projet auprès des habitants, mais également à sécuriser le dispositif sur un territoire présentant plusieurs microclimats. Des projets de géothermie sont également à l’étude, pour renforcer encore l’autonomie énergétique de l’île. Le pays mise également sur la maîtrise des consommations (sensibilisation et participation des habitants à la lutte contre le gaspillage énergétique) et l’efficacité énergétique (réhabilitation thermique des bâtiments par des travaux d’isolation notamment). Une grande partie des consommations d’énergie – et des émissions de gaz à effet de serre – de l’île provient du secteur des transports (véhicules diesel et essence). Afin de pallier ce problème, Madère réfléchit au développement de voitures électriques, dans un système de réseau intelligent ou « smart grid » (les batteries seraient rechargées la nuit pendant les heures creuses). Ce dernier point semble vertueux, mais ne fait que déplacer le problème, l’efficacité de la transition énergétique reposant plutôt sur la diminution du trafic automobile et le report modal (vers les transports en commun et les mobilités actives). Toujours est-il que l’exemple madérien met en exergue la nécessité d’une politique volontariste et participative dans la réussite de ce type de projets.