La nouvelle Serbie
Vues de l’extérieur, les villes gardent un aspect encore typiquement communiste, aux rangées de barres d’immeubles aux abords des grandes villes. Mais, première différence avec le monde soviétique, on est surpris une fois à l’intérieur par la vitalité de la vie sociale des quartiers. En cause, le Komšiluk, un système ancestral typique des Balkans où l'on s’entraide entre voisins comme au village. Ainsi, les quartiers sont très animés, on se fréquente régulièrement et on se marie tout aussi souvent d’un palier à l’autre. Autre différence avec l'ex-URSS, les centres-ville serbes ont gardé leur cachet ancien et sont souvent très agréables, avec de larges avenues bordées d’arbres et des rues piétonnes, ou korso, typiques de la tradition des Balkans. Le visiteur appréciera les avantages du système communiste, encore largement en place : le réseau de transports en commun est très étendu dans les villes, les équipements collectifs, notamment culturels, sont nombreux, si ce n’est un peu vétustes. À la campagne, c’est une tout autre histoire. Les villages sont modernes, parfois trop. Le volontarisme titiste a donné un visage quelquefois surréaliste à certains villages surinvestis où des immeubles HLM dominent de tout leur poids des petites demeures de campagne et des parcs jadis très champêtres. Dans la campagne encore intouchée, c’est un paysage idyllique qui s’offre à vous, avec de grandes chaumières paysannes, cachées dans les replis du paysage.
Le pays n’échappe pas toutefois à la frénésie du logement qui ravage l’ancien bloc de l’Est. Si de nombreux citadins ont pu profiter d’une politique de vente à bas prix des logements sociaux dans les années 1990, ceux qui n’ont pas eu cette chance se heurtent à une sévère crise du logement : les prix explosent et le bâti neuf manque … on n’a pas construit grand-chose pendant la guerre. À Belgrade, on assiste à une surenchère dans la construction : les grues et immeubles poussent comme des champignons, sans cohésion ou un quelconque plan d’ensemble.En ce qui concerne l’égalité femmes-hommes et les droits LGBT, ces questions sont traitées à peu près de la même façon. Dans ce pays très patriarcal qui veut adhérer à l’UE, on fait des réformes de fond mais le cœur n’y est pas vraiment. Une égalité théorique a été mise en place (l’homosexualité est dépénalisée, la discrimination des femmes interdites), mais les autorités ne font pas de grands efforts pour traiter les cas de discrimination qui leur parviennent et la société est peu sensible à ces questions. L’exemple de cette ambiguïté est la nomination en 2017 de la Première ministre Ana Brnabić, première femme et homosexuelle à ce poste, vue comme beaucoup comme un moyen de plaire à la communauté internationale sans trop bousculer la barque.
Bon à savoir sur le tempérament serbe
Les Serbes sont des passionnés. Ils aiment se lancer à 100 % dans leurs projets et leurs passions et n’apprécient pas les demi-mesures. Les conventions sociales sont aussi plus relâchées qu’en Europe du Nord (surtout vis-à-vis des étrangers) et les locaux sont plus directs et chaleureux avec de parfaits inconnus. Si vous avez un rencard avec un Serbe ou que vous vous faites un ami proche, allez-y à fond. Les preuves d’affections sont attendues et très courantes (même entre amis), il faut s'exprimer au maximum et regarder son interlocuteur dans les yeux (vous n'êtes pas un menteur ?). N’ayez pas peur des disputes ou des discussions intenses jusqu’au petit matin. Petit conseil, ne vous laissez pas intimider et suivez le mouvement ! Vous n’allez pas le regretter.
Les Serbes sont des rebelles. Ils apprécient peu l’autorité et sont plutôt irrévérencieux devant les politiques, locaux et internationaux. N’ayez pas peur d’exprimer votre opinion… quoique… les Serbes apprécient aussi très peu les pays moralisateurs qui viennent condamner sans comprendre et imposer leurs lois. Ce sera moins sévère pour un Français que, par exemple, un Américain. Ce concept de rébellion à outrance a même un mot, inat, qui parlera aux fiers Gaulois. L’inat dicte que l’on doit faire quelque chose précisément parce qu’il nous a été interdit de le faire. Cela comprend, par exemple, de faire un barbecue sur les toits dans une ville assiégée, ou bien plus simplement de refuser de changer son style de vie sous la contrainte.
Les Serbes sont traditionnels. Comment peut-on être rebelle et traditionnel ? Eh bien, en étant très fier de son héritage. La plupart des Serbes sont bien éduqués et prennent très au sérieux leur histoire et leurs traditions. Leur histoire est complexe et le nationalisme serbe très prégnant, c’est pour cela que c’est un terrain miné qui nécessite un peu d'entraînement avant de s’y aventurer (voir le dossier « Histoire », mais nous vous conseillons des lectures supplémentaires). La religion tient aussi une place centrale dans le pays, plus précisément l’Église. On ne vous reprochera pas de ne pas être croyant ou orthodoxe, mais on ne vous pardonnera pas d’insulter la religion : pour beaucoup de Serbes, orthodoxie et Serbie, c’est la même chose.
Les apparences comptent. C’est le cas dans beaucoup de pays en développement et surtout en ex-URSS. On ne croit pas aux lifestyle choices, aux pulls reprisés écolo-bobos ou au vélo en ville. Un riche s’habille comme un riche, un pauvre… comme il le peut. La Rolex et le cabriolet, on l'achète dès que possible et on le montre à la cantonade. Dans ce pays patriarcal, le physique est une ressource comme une autre pour les femmes qui sont souvent un peu moins habillées que l’habitude occidentale. L’apparence ne s’arrête pas aux choix vestimentaires et les femmes comme les hommes investissent beaucoup dans des soins, leur santé, leurs dents. Alors, tout cela nous paraît un peu bling-bling et suranné, mais vous serez aussi jugés sur ces critères.