shutterstock_81730183.jpg
shutterstock_193161125.jpg

Origines de l’art serbe

Depuis deux millénaires, l’art serbe s’est enrichi d’influences variées. La civilisation romaine confère au Ier siècle une première impulsion à ses traditions encore balbutiantes. Dans les cités qui se développent alors, les riches marchands s’entourent d’objets et d’éléments décoratifs d’une grande finesse de style classique. Le musée national de Serbie, fondé en 1844 à Belgrade, abrite un département de vestiges antiques, dont de superbes statuettes.

La tradition de la peinture

La peinture est l'un des arts nationaux les plus anciens. Ses premières manifestations sont la miniature, l’icône sur bois et la fresque, peinte sur les murs des églises. À compter du Xe siècle, les codes de la figuration sont redéfinis dans les monastères orthodoxes. Dans la Serbie centrale, l’école de Raška, à la fois la plus ancienne et la plus classique, connaît un bel essor. Les canons grecs demeurent visibles dans les fresques et les icônes religieuses.

À la fin du XIIe siècle, le style s’homogénéise, les artistes itinérants se croisant sur une unique route qui reliait la Serbie, la Macédoine et le Kosovo. Dans le Nord, influences romanes et byzantines s’entremêlent comme on peut le voir au monastère de Studenica, joyau de la peinture byzantine des XIIIe et XIVe siècles. Dans le monastère de Mileševa naît l’art du portrait de la royauté, développé dans un souci d’éducation ; la « Fresque de l’ange blanc » répand un message de paix salué dans le monde entier. L’histoire du pays au Moyen Âge est racontée sur les murs du monastère patriarcal de Peć (situé au Kosovo), tandis que les portraits princiers du monastère-forteresse de Manasija figurent parmi les joyaux de l’art médiéval.

L’école serbe s’illustre par le recours précoce à l’icône imprimée. Dès 1494, sont produits des livres illustrés d’une grande qualité artistique et pleins d’originalité. Par la suite, l’icône suit l’évolution de la peinture occidentale, en adoptant les styles réaliste, rococo ou baroque, jusqu’au XVIIIe siècle.

Vers le modernisme

Les deux peintres suivants et plusieurs de leurs contemporains ont quelques toiles exposées au musée national de Serbie.

Nadežda Petrović (1873-1915), compte parmi les peintres serbes les plus influents du tournant du XXe siècle. Son interprétation du fauvisme change la donne. Ses peintures basées sur de larges surfaces favorisent le rouge et le vert. Ses styles successifs correspondent à ses lieux d'habitation : Munich, Serbie, Paris. Puis la guerre. Présente dans la plupart des musées nationaux, son œuvre est concentrée à l’Art Gallery Nadežda Petrović de Čačak.

Son contemporain Paja Jovanović (1859-1957) est l'un des pionniers de la peinture de genre serbe. Le contexte historique évoluant rapidement, il est influencé par les événements contemporains. Il commence par peindre des scènes de genre, comme la Lutte des oiseaux, tableau surréaliste qui lui apportera la reconnaissance internationale. Mais c'est surtout ses portraits de personnages aristocratiques et ses fresques tirées de l'histoire nationale qui feront sa singularité. Son œuvre la plus connue, Migration des Serbes sous Arsenije III Čarnojević, représente des Serbes fuyant les violences ottomanes à la fin du XVIIe siècle.

Le dernier des fauves

Milan Konjović, né en 1898 à Sombor, expose dès 1914. Après la guerre, il intègre l'Académie des beaux-arts de Prague, mais poursuit sa formation de manière indépendante à Vienne, puis en Allemagne.  Entre 1924 et 1932, il vit à Paris et débute sa période bleue, marquée par les toiles Cassis bleus et Nu dans un fauteuil. Il regagne son pays natal en 1932, et s’inspire dès lors des panoramas et des habitants de la Serbie. Débute la période rouge (Portrait d'un professeur, Harvest), puis la période grise. Konjović opère un virage en 1953 en adoptant des tons vibrants. Sa palette et l’expressivité de son trait lui valent le titre de « dernier des fauves ». En 1985, il se tourne vers l’histoire byzantine. Au cours de sa longue carrière, qui prend fin en 1993, Konjović a réalisé plus de 6 000 œuvres : peintures, pastels, aquarelles, mosaïques, dessins, qui couvrent les plus grands courants modernes. En 1966 , la Galerie Konjović ouvre à Sombor et accueille le legs de l’artiste.

Art informel

Au XXe siècle, des talents à la portée internationale posent les jalons de l'école yougoslave. Les amateurs visiteront le musée national de Serbie dont la collection englobe trois siècles de peinture en Serbie, mais aussi des Renoir, Van Gogh et Picasso. Le musée d’art contemporain de Belgrade à Novi Beograd, situé dans un parc arboré sur les rives du Danube, invite à se familiariser avec les figures de proue de l'école yougoslave.

Parmi ceux-ci, Petar Lubarda (1907-1974) est le peintre monténégrin de renommée internationale. Après des études aux Beaux-Arts de Paris, il obtient le Grand Prix en 1940. Après la guerre, il crée la première école d'art au Monténégro. Il donne également des cours d'art pictural dans les plus grandes institutions. Ses œuvres avant-gardistes l'ont très vite distingué de ses pairs des années 1950. Ses compositions oniriques, mêlant thèmes expressionnistes et images postmodernes, nous plongent dans un univers surréaliste. Il n'hésite pas à assembler matériaux hétéroclites et objets du quotidien. Petar Lubarda propose une synthèse entre la peinture et tout ce qui touche à l'art représentatif.

Branko Filipović Filo (1924-1997) expose dès 1950 à Belgrade, puis à Paris, Ljubljana, Vienne et à la Biennale de Venise. Il participe à l’exposition collective « Art informel in Belgrade » qui réunit de jeunes peintres à la Belgrade Culture Center Gallery, en 1962. À la croisée du modernisme et du postmodernisme, le groupe Art informel in Belgrade est rattaché à la pensée existentialiste. La méfiance envers le système se traduit pour ces artistes par des anti-images, des alternatives radicales loin de toute quête esthétique. Ce courant, qui fit scandale, ouvre la voie aux démarches multidisciplinaires. Cependant, Filo évolue rapidement vers « la peinture pure », définie par la réintroduction de la peinture et la représentation à deux dimensions. La Modern Gallery Belgrade continue d’exposer son travail.

Surréalisme

L'un des créateurs du mouvement surréaliste de Belgrade et le chef de file des peintres serbes à Paris, Ljuba Popović, naît en 1934. Après des études aux Beaux-Arts de Belgrade, Popović crée en 1960, avec des amis, le groupe d'avant-garde Mediala : déjà, on reconnaît son style agressif, mêlant une technique quasi pointilliste et de grands aplats rectilignes. Il s'installe ensuite à Paris et multiplie les expositions dans le monde entier jusqu’à sa mort en 2016. Ljuba Popović propose une peinture tourmentée, mêlant corps féminins, architecture et formes surréalistes dans des compositions d'une rare intensité chromatique. Une peinture qui met en relation le désir et la mort, la pureté et le chaos, le microcosme et le macrocosme. Les forces sous-jacentes et imminentes sont prêtes à surgir pour donner à l'entrelacs de motifs architecturaux un caractère subversif : l'ordre du monde n'est qu'apparent pour Ljuba, il ne demande qu'à être bouleversé par la dimension tragique de l'homme.

Peintres naïfs serbes

La Serbie est notamment réputée pour ses peintres naïfs, comme Janko Brašić, Sava Sekulić, Martin Jonaš et Zuzana Halupova. Signalons le musée d'Art naïf à Jagodina ou encore la galerie d’art naïf de Kovačica, entre les villes de Pančevo et Zrenjanin.

Créé en 1960, le MNMA de Jagodina, établi dans la superbe résidence de la famille Ristić, regroupe une collection de 3 000 œuvres. Peintures, sculptures et dessins réalisés de 1930 à nos jours retracent tous les aspects de l’art naïf. Le musée regroupe des artistes de Serbie, mais aussi de Croatie, de Macédoine, de Hongrie, d’Allemagne et d’Italie, entre autres. Parmi les Serbes, le sculpteur Dragutin Aleksić (1947-2011) taille dans le bois ses interprétations de figures originelles. Le peintre Janko Brašić (1906-1994) est reconnu comme le premier peintre naïf serbe. Il peint des scènes de genre, des portraits, dont de nombreux autoportraits, et des paysages. Citons également Emerik Fejes (1904-1969), qui excelle dans les paysages reconstitués de villes réelles, réalisés a tempera, et Vojislav Jakić (1932-2003) dont les dessins à l’encre de Chine fourmillent de détails.

Contemporain

Parmi les grands noms de l’école contemporaine, Olja Ivanjicki (1931-2009) a vu le jour en Serbie dans une famille russe expulsée d'URSS après la révolution d'Octobre. Cette peintre, sculptrice, poète, artiste multimédia, visionnaire, architecte et styliste de mode est un grand nom de l'art contemporain serbe. Dans son œuvre influencée par le pop art, elle a lié l'inconciliable : les cosmonautes à la Renaissance, les Russes aux Américains, les Terriens aux extraterrestres. Elle était l'une des fondatrices et la seule femme du cercle artistique Mediala dont faisait aussi partie Popović.

Ces vingt dernières années, la jeune génération, menée par Jovanka Stanojević (née en 1979) ou Simonida Rajčević, prône un retour au vrai, au réel, un art figuratif social. Leur travail se découvre à Belgrade à la Galerie 73 ou à la Galerie du Ilija M. Kolarac Fondation (ou université Kolarac).

Street art à Belgrade

Entre la Serbie et l’art urbain, l’histoire d’amour a débuté à l’époque où Belgrade était la capitale de la Yougoslavie. Dans les années 1980, Belgrade abritait une avant-garde effervescente. Les premiers graffeurs serbes se nomment Fantastic Boys, la Rap City Crew, puis Jens. Bien vite, ils reçoivent des commandes municipales, destinées à embellir les façades. La première fresque de grande dimension, la mythique Étudiant regardant le mur, reste visible rue Rajiceva. L’effondrement de la Yougoslavie entraîne ensuite le déclin de l’art des rues. Jens se réfugie à Paris, puis revient en 1994 et fonde Anonymous Graffiti Crew avec Cobes. Leurs messages simples et colorés font mouche, dont le célèbre He Is Done, faisant allusion à Milošević. D’autres groupes suivent tels que BGILLEGAL Crew et Anti Fascist Youth. Le festival BELEF prend ses marques, et attire en 2008 et 2009 la crème des artistes internationaux. À cette occasion, BLU peint son vénéré Giant Man Eating a Tree rue Pop Lukina.

Désormais, les collectifs se multiplient et tous les styles cohabitent. Pour les rencontrer, direction Savamala, ancienne zone industrielle reconvertie en quartier animé, Cetinjska, où les bars ont pour tradition de confier leurs façades aux street-artistes. Plus excentrées, les écoles de Zemun et New Belgrade prêtent leurs murs aux peintres des rues. L’une des plus grandes réalisations décore l’école primaire Lazar Savatić : Magical Forest a rassemblé douze artistes de Serbie, de Bulgarie et d’Espagne, venus raconter douze contes en images. La visite du quartier Dorcol se conclut place Dorcol, le cœur battant de la scène actuelle !