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Une mosaïque religieuse

Environ 90 % des croyants en Serbie s’identifient à la religion orthodoxe. Le reste est partagé entre les catholiques, musulmans, protestants et les autres groupes chrétiens. Des sectes du néopaganisme ont vu le jour au tournant du siècle, mais ne servent qu’à défrayer la chronique. Le judaïsme, historiquement très ancien et qui connaissait son essor sous l’Empire ottoman, est désormais quasiment éteint depuis l’Holocauste. Toutes ses confessions masquent en fait le caractère très identitaire de la religion en Serbie. Par exemple, parmi les sept peuples constitutifs de la Yougoslavie on trouvait les Serbes, les Croates, les Albanais… et les Musulmans ! À ne pas confondre avec les musulmans, les Musulmans avec une majuscule sont le peuple slave de culture islamisée, aussi appelé Bosniaques. Un Musulman/Bosniaque peut être musulman, mais il peut aussi être orthodoxe. Autre exemple, si la plupart des Serbes sont orthodoxes, ils n’appartiennent pas tous à la même Église. Les Belgradois et autres Serbes de la région obéissent au patriarcat de l’Église orthodoxe serbe basé à Belgrade (une église autocéphale et donc par essence nationale), mais les Monténégrins et les Macédoniens ont leur propre patriarche et Église schismatique, non reconnue par le reste des orthodoxes. Le reste des confessions se divise de la façon suivante, toujours sur des lignes identitaires : 

les musulmans sont centrés autour de l’association islamique de Novi Pazar. Les musulmans du Sandžak sont d'obédience sunnite et ont un très riche héritage culturel, avec de nombreuses mosquées construites pendant et après l’ère ottomane. Ils obéissent au mufti de Novi Pazar plutôt qu’à celui de Belgrade. Les troubles de la guerre de Yougoslavie ont créé des tendances radicales, très minoritaires mais bien présentes. La seconde communauté musulmane est celle des Albanais. Moins religieux, ils vivent l’islam, surtout depuis l’ère Milošević, comme un aspect de leur identité nationale ;

les protestants serbes sont les Slovaques et les rares Allemands de Voïvodine. Ils ont une pratique très décentralisée, qui met à l’honneur leur communauté et leurs traditions, tenant au plus loin possible l’État. Dans les écoles et les villages de la région résonnent au rythme des comptines, chorales et fêtes traditionnelles religieuses de ces communautés ;

les catholiques sont le groupe le plus divers. Eux aussi concentrés en Voïvodine, ils sont constitués de minorités hongroises, croates et ruthènes. Ils pratiquent leur religion souvent aux côtés de leurs compatriotes orthodoxes et le son des cloches orthodoxes et catholiques est indistinct les jours de cultes.

La religion sous Tito

Contrairement aux idées reçues, l’établissement d’un régime communiste en 1945 n’a pas empêché le sentiment religieux, même si l’appareil du régime a tout entrepris pour réduire l’influence politique et sociale des Églises. Après un court épisode de l'orthodoxie stalinienne où la pratique religieuse était découragée au maximum, après 1948 et la rupture de Tito avec l’URSS, un certain laisser-faire s'est mis en place. Les orthodoxes n’ont jamais été vraiment attaqués par les communistes, en grande partie parce qu’il était plus simple de s’assurer de l’obéissance du patriarche de Belgrade (qui de toute façon avait peu d’influence sur la société). Les catholiques ont subi beaucoup plus de pression. Après tout, la doctrine du Vatican était en opposition directe avec le matérialisme communiste et le rôle important de l’Église catholique croate dans l'État fasciste oustachi n’a pas été oublié de sitôt. Malgré tout, la plupart des cadres du parti laissaient les mariages, baptêmes et enterrements se faire sans opposition et il était courant que les fonctionnaires catholiques fassent leur cérémonie dans un village rural isolé pour concilier leurs croyances avec leur carrière. Enfin, les musulmans ont été bien plus affectés : le voile est interdit dès 1948 et les Musulmans (Bosniaques) sont enrôlés dans un grand plan national de rééducation (principalement par un accès privilégié à l’éducation socialiste). À partir de 1954, une certaine liberté dans la conduite de ses affaires est même accordée à l'Église orthodoxe.

La guerre yougoslave est le réel déclencheur de tensions religieuses. Les milices s’entretuent autant sur des critères religieux que politiques (les deux étant proches) et de nombreux lieux de culte sont détruits, leurs personnels en fuite ou assassinés.

Aujourd’hui, la sortie du communisme et des crises yougoslaves s’accompagne d’une très grande vitalité religieuse, vitalité encouragée par Milošević (lui-même athée) pour servir ses desseins nationalistes. Les baptêmes d’adultes ont été légion ces dernières années, pour « rattraper le temps perdu », et les associations bénévoles pour entretenir les églises sont assez actives. Parfois, des personnalités des milieux sportifs ou économiques mettent la main à la poche, comme le basketteur Dejan Bodiroga pour le monastère de Ðurđevi Stupovi.

La fête de la Slava

La fête de la Slava, ou « fête du saint », est une fête religieuse d’origine païenne et à peine christianisée où la famille, réunie sous son toit, célèbre les bonnes grâces du saint patron du foyer familial et honore ses ancêtres. Chaque famille a son saint patron, qui remonte aux origines de la conversion à l’orthodoxie, parfois plusieurs si monsieur et madame tiennent à conserver leur héritage familial. La fête se tient donc le jour de la fête patronale de chacun.

La Slava dure plusieurs jours, traditionnellement trois, mais aujourd’hui plutôt deux. Pour célébrer la Slava, on commence par préparer l’indispensable gâteau de Slava (slavski kolac), sorte de brioche ronde ornée de sa traditionnelle croix et de son zito (blé moulu et mélangé avec du sucre et des noix hachées). Idéalement, le gâteau est ensuite béni par le pope, qui fait du porte-à-porte chez les fidèles (il est courant que plusieurs familles de la congrégation aient le même saint) ou se poste, vigilant, à l’église pour les familles. Cette bénédiction est d’autant plus importante pour les plus croyants, qui n’ont pas pu en profiter pendant l’époque communiste. Une fois le pain béni, on l’arrose de vin (le sang du Christ) et rompt le gâteau ensemble en signe de cohésion. Cette petite cérémonie se fait devant l’icône du saint patron de la famille, pour lequel on allume à l’occasion un cierge. 

Le repas de fête qui suit dépendra du calendrier, selon que la Slava se passe ou non pendant la période de carême. Les plats traditionnels y sont à l’honneur : la gibanica (feuilleté au fromage), l’ajvar, le kajmak (crème du lait battue) et la sarma (feuilles de chou farcies). Les invités sont nombreux mais, étant donné que beaucoup de Slava ont lieu le même jour, il est rare qu’ils s’attardent plus d’une heure dans chaque famille.

À la grande époque, il existait également des Slava pour des communautés : écoles, villages, ou même régiments, qui donnaient lieu à de grands banquets avec processions. Cette tradition est largement perdue.

La Slava a été inscrite en 2014 sur la liste représentative du patrimoine immatériel de l’humanité de l’Unesco. Malgré l'engouement national serbe pour ce rituel, il ne leur est pas exclusif et la Slava est fêtée un petit peu partout en ex-Yougoslavie, même dans certaines communautés roumaines et bulgares.