Découvrez le Portugal : Beaux-Arts (Peinture / Sculpture / Street Art / Photo)

Riche en retables et en peintures religieuses sous influence flamande et italienne, l’art portugais se libère progressivement de l’académisme mais, rattrapé par l’histoire au XXe siècle, il demeure censuré par la dictature de Salazar. La plupart des artistes s’exilent jusqu’à l’avènement de la démocratie où une veine contemporaine, conceptuelle et politique nourrit l’esprit des artistes. Aujourd’hui, Porto est un passage obligé pour les amateurs d’art contemporain avec la fondation Serralves, magnifique bâtisse en plein milieu d’un parc de sculptures qui se renouvelle régulièrement. Si Lisbonne est également aujourd’hui une capitale du street art, de grands noms du graffiti portugais voyagent désormais hors des frontières du pays, notamment en France, pour y témoigner de leur talent. Partout au Portugal, on peut apprécier les fresques et la présence de jeunes artistes et de graffeurs lusophones importants sur la scène internationale.

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Les premiers peintres classiques

Autour de 1450, Nuno Gonçalves est nommé par Alphonse V au titre de peintre du roi. Il demeure actif jusqu’en 1490 et meurt probablement vers 1492. On sait peu de choses de cet artiste dont on peut voir encore aujourd’hui deux œuvres : un Christ à la colonne pour une chapelle du monastère de la Trinité et les célèbres Panneaux de Saint-Vincent au musée d’Art ancien de Lisbonne représentant la cour de l’époque et des figures de l’aristocratie au pouvoir.

Peu de temps après son arrivée au Portugal, Francisco Henriques supervise l’exécution du retable de la cathédrale de Viseu (entre 1501 et 1506). Dès 1508, le retable du maître-autel de l’église São Francisco de Evora, dont il reste 15 panneaux sur les 16, est une commande royale. Centre de production et de formation primordial, son atelier est très apprécié par le roi Manuel Ier qui le nomme peintre du roi. En 1512, ce peintre s’entoure d’artistes flamands pour le plafond du tribunal de Lisbonne, entièrement détruit par le tremblement de terre de 1755. Il meurt de la peste quelque temps après ce chef-d’œuvre de l’histoire de la peinture portugaise dont on ne peut qu’imaginer la beauté.

Son beau-frère, Jorge Afonso (vers 1470 – vers 1540), peint les plafonds du palais de Sintra au début du XVIe siècle. Le retable du couvent de la Madre de Deus à Lisbonne et celui du couvent de Jésus à Setúbal lui sont attribués et il dirige le chantier de décoration de la rotonde du couvent du Christ à Tomar.

Dans les années 1520, Cristóvão de Figueiredo travaille au grand retable du couvent de Santa Cruz à Coimbra. Sa Déposition est conservée au musée d’Art ancien de Lisbonne. Devenu en 1531 peintre du Cardinal-Infant, il exécute un retable pour le monastère de Ferreirim avec Gregório Lopes et Garcia Fernandes autour de 1533-1534.

Diogo de Contreiras participe à la décoration de la ville de Lisbonne pour l’entrée solennelle de Manuel Ier et de sa troisième femme, Leonor. Autour de 1540, deux retables pour les églises d’Ourém et d’Unhos, au nord de Lisbonne, témoignent de sa virtuosité. La Prédication de Jean-Baptiste est exécutée vers 1552-1554 pour le monastère de São Bento de Castris.

C’est à Viseu (300 km au nord de Lisbonne) que Vasco Fernandes (Grão Vasco) élit domicile. Il y construit sa carrière avec succès puisque qu’elle est marquée par la restructuration de la cathédrale. Dans les 14 panneaux du retable de Viseu qui retrace les principaux épisodes de la vie de la Vierge, de l’enfance de Jésus et de la Passion du Christ, celui de l’Adoration des mages présente un roi mage noir inspiré par un indien Tupinamba du Brésil. Autour de 1530, ce peintre réalise un saint Pierre pour cette cathédrale. En 1535, il exécute quatre retables à Santa Cruz de Coimbra et il travaillera pour l’église de Tarouca vers 1535 ainsi que pour le palais épiscopal de Fontelo vers 1535-1540. Il meurt à la fin de l’année 1542.

Après l’indépendance du Portugal vis-à-vis de l’Espagne, une autre date marquante est celle de l’arrivée de Josefa de Óbidos (1630-1684), une des plus célèbres peintres femmes de l’histoire de la peinture baroque au Portugal. Elle est fille d’un peintre portugais et d’une mère espagnole. Elle a alors 4 ans. Sa famille s’est installée à Óbidos, petite ville en périphérie de la capitale d’où elle a tiré son nom d’artiste. Cependant, on peut voir quelques-unes de ses œuvres dans différents lieux de Lisbonne, notamment au monastère Santa Maria de Alcobaça. Figure tutélaire de l’école de peinture d’Óbidos, elle réalise des natures mortes comme des thèmes religieux. Sa Madeleine réconfortée par les anges (1679) a rejoint le giron du musée du Louvre à Paris en 2016. Un an plus tôt, une rétrospective lui a été consacrée par le Museu Nacional de Arte Antiga de Lisbonne.

Le renouveau de la peinture portugaise

L’année 1879 marque le retour d’António da Silva Porto (1850-1893) au Portugal, après divers voyages en Europe et une formation aux Beaux-Arts de Paris dans les ateliers d’Adolphe Yvon et d'Alexandre Cabanel. Accompagné de son ami et compatriote João Marques de Oliveira, il importe la peinture en plein air et d’après nature, en étant affilié à l’École de Barbizon, école qui vit passer nombre de peintres paysagistes tels que Corot, Millet ou Daubigny, dont il fut l’élève. Le naturalisme de ses peintures exerce une influence majeure auprès de l’Académie royale des Beaux-Arts de Porto. Toute une génération d’artistes portugais se réunit autour de lui, assurant le renouveau de la peinture portugaise.

Amadeo de Souza-Cardoso (1887-1918) incarne la lente transition de l’art naturaliste à l’art moderne qui s’affirme ailleurs en Europe. Parti pour Paris en 1906, il se rapproche des peintres d'avant-garde tels que Modigliani, Brancusi, Gris et Delaunay, et expérimente avec beaucoup de persévérance de nouvelles formes d’expression, notamment avec la série des « Abstraccionismo », qui fut exposée en 1916 à Porto et provoqua un scandale auprès du public, peu habitué à un art neuf. Un siècle plus tard, le Grand Palais à Paris lui consacre une exposition rétrospective.

Maria Helena Vieira da Silva (1908-1992) est, en compagnie d’Amadeo de Souza-Cardoso, l’une des grandes représentantes de l’avant-garde portugaise. Ses œuvres sont marquées par un style abstrait et géométrique qui affirme la présence du cubisme. Naturalisée française en 1956, elle fait également l’objet d’une exposition personnelle au Grand Palais à Paris en 1988, devenant la première femme à connaître une manifestation de cette envergure de son vivant. Son œuvre Incendie I, peinte en 1944, s’est vendue près de 3 millions de dollars en 2018, record pour un artiste né au Portugal.

L’année 1947 marque la naissance du mouvement surréaliste au Portugal. Encouragé par André Breton à Paris, Antonio Pedro (1909-1966) initie avec quelques amis le « Groupe surréaliste de Lisbonne », dont la seule et unique exposition aura lieu en 1949. Un deuxième groupe, « Les surréalistes », réuni autour de Mário Cesariny (1923-2006), voit le jour en 1948, puis se disperse progressivement. Le surréalisme a surtout permis d’affirmer une forme de résistance face à la prédominance des peintres néoréalistes.

L’art contemporain des années 1970

La révolution des Œillets marque la naissance de l’art contemporain au Portugal. Avec la chute de la dictature salazariste, c’est aussi une politique culturelle peu efficace qui se voit progressivement relayée par de nouvelles tendances. La Fondation Calouste-Gulbenkian est soutenue par des dotations de l’État, le prix Soquil est décerné par la Fundação Mário Soares, et de nouveaux acteurs de l’art font leur apparition, notamment Ernesto de Sousa, critique, conservateur et artiste, qui met en avant l’expérimental et le conceptuel dans l’art. Une nouvelle période s’ouvre.

Si la première exposition personnelle d’Helena Almeida (1934-2018) à Lisbonne se tient en 1967, ce n’est qu’en 1975 qu’elle commence sa série « Peinture habitée », se mettant en scène en retouchant la photographie en noir et blanc. Cette fille de sculpteur, mariée à l'architecte et photographe Artur Rosa, a travaillé sur son corps et a réalisé des autoportraits toute sa vie. Photographe portugaise connue au Portugal, elle occupe une place importante dans la scène artistique internationale.

Autre photographe lisboète qui travaille encore aujourd’hui sur l’autoportrait en noir et blanc, Jorge Molder, né en 1947, se consacre à la photographe à partir de la fin des années 1970, après des études en philosophie. Sa première exposition solo à Lisbonne a lieu en 1977. Depuis il développe un travail d’auto-représentation avec des références à Samuel Beckett ou encore Francis Bacon. De 1990 à 2009, il a dirigé le Center for Modern Art de la fondation Calouste Gulbenkian. L'artiste a représenté le Portugal aux biennales de São Paulo (1994) et de Venise (1999).

Des années 1980 à nos jours

Les années 1980 sont une période de confirmation. De nombreux artistes portugais connaissent une reconnaissance internationale exceptionnelle, tout en témoignant d’une certaine diversité dans les pratiques et les esthétiques. Júlio Pomar, Paula Rego, António Palolo, António Dacosta ou Eduardo Batarda développent une œuvre picturale riche et éclectique, tandis que Julião Sarmento, en participant aux Documenta de Kassel de 1982 et 1987 autour d’une pratique post-conceptuelle, est sans doute l’un des artistes portugais les plus connus.

La création du ministère de la Culture en 1995 permet une meilleure professionnalisation de l’art, ce qui contribue à la création de nombreuses collections et l’ouverture de lieux dédiés, notamment celle du musée d’Art contemporain Serralves à Porto. La génération d’artistes portugais actuelle peut ainsi bénéficier d’une meilleure visibilité, car elle a su reposer sur une circulation plus structurée tout en faisant preuve de sens critique vis-à-vis de la modernité et des générations antérieures.

L’artiste graffeur italien Blu, lors d’un festival de street art, peint sur un immeuble abandonné une immense fresque d’un roi géant, en costume cravate, dessiné avec plusieurs yeux, aspirant le Brésil avec une paille. Le quotidien britannique The Guardian le classe meilleur street artist du monde suite à cette peinture.

Internationalement demandé, Vhils (né en 1987) compose une fresque murale dans la ville de Nancy en France. Plus actif à l’étranger que dans son propre pays, cet artiste a laissé quelques-unes de ses fresques au Portugal, à Lisbonne en particulier, que l’on peut voir grâce à son guide en ligne (www.vhils.com/map/city/lisbon).

Top 10 : Œuvres d'art

Artistes portugais

Cette sélection d’artistes portugais permet de se faire une idée de la vitalité de la création artistique au Portugal. Souvent riche en couleurs, elle reflète néanmoins quelques-unes des préoccupations portugaises, notamment au cours du siècle dernier. Un bon panorama de l’art portugais le plus connu.

Dédale de toits

Peint par Maluda, Castelo de Vide (1971) associe paysage urbain portugais et lumière du jour.

Onirisme noir

La Fête (2003) de Paula Rego, nommée au Prix Turner en 1989, se trouve dans la lignée de Freud.

Ustensiles Monroe

Marylin (2009) de Vasconcelos est constituée d’un assemblage de casseroles et de couvercles en acier.

Luso-flamand

L’influence des Flamands se devine dans le retable de Jesus Afonso, Apparition du Christ à la Vierge (1515).

Passage au moderne

Pintura (1917) a été peinte un an avant la mort prématurée d’Amadeo de Souza-Cardoso.

Image de l’insoutenable

L’Incendie I (1944), vendue 2,29 millions d’euros en 2018, est une œuvre des débuts de Viera da Silva.
18_Barco Desaparecido de José Julio de Sousa Pinto © Wikimedia commons .jpg

Barco desaparecido (1890)

Mélancolique, Barco desaparecido (1890) de José Julio de Sousa Pinto laisse deviner son empreinte impressionniste.

Poupées modernes

Eduardo Afonso Viana associe avec la Révolte des poupées (1916) le rythme moderniste aux couleurs.

Couple au café

Óleo sobre madeira (1918) est une peinture naturaliste de José Malhoa, une de ses œuvres les plus libres.

Le nouveau Portugal

Observateur minutieux, Nadir Afonso s’intéresse à l’esthétique géométrique des villes, ici New York en 2003.

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