Cinq Autrichiens à Hollywood
Cinq figures majeures du cinéma autrichien ont contribué à l’âge d’or du cinéma hollywoodien : Josef von Sternberg, Erich von Stroheim, Otto Preminger, Billy Wilder et Fritz Lang. Josef von Sternberg s’installe aux États-Unis en 1911. Dans les années 1910, il occupe différents postes à Hollywood, dont celui d’assistant-réalisateur, avant de tourner son premier long métrage en 1924. Ses débuts sont marqués par une suite d’échecs commerciaux, mais, de retour en Allemagne au début du cinéma parlant, il rencontre Marlène Dietrich qu’il fait tourner dans L’Ange bleu (1930), premier succès ! Il poursuit sa collaboration avec celle dont il fera une star à Hollywood avec notamment : Morocco (1931), Shanghai Express (1932), The Scarlet Empress (1934) ou encore The Devil is a woman (1935). Ce seront les cinq années les plus fructueuses de sa carrière.
Erich von Stroheim arrive aux États-Unis en 1909, et sera dès 1916 l’assistant de Griffith sur le tournage d’Intolérance, avant de réaliser son premier film en 1919, La Loi des montagnes. Pessimiste, méprisant les impératifs matériels, Stroheim a mis en scène des films réalistes et violents qui, sous leur apparence de mélodrames baroques, frappent par leur force et leur cruauté (Folies de femmes, Les Rapaces, Symphonie nuptiale). Longtemps incompris, chassé d’Hollywood, il y retournera, après bien des hésitations, pour tourner sous la direction de Billy Wilder Sunset Boulevard, avec Gloria Swanson. Il poursuit sa carrière d’acteur en France, où il joue dans La Grande Illusion (Renoir) et Les Disparus de Saint-Agil.
En 1935, sur une proposition de la Fox, Otto Preminger, alors directeur d’un théâtre viennois, décide de s’exiler aux États-Unis. Devenu maître du film noir, il tourne le génial Laura en 1944, et Un si doux visage, en 1952. Il réalise un western avec Marilyn Monroe et Robert Mitchum, La Rivière sans retour (1954), puis explore la justice (Anatomy of a Murder, 1959), les institutions américaines (Tempête à Washington, 1962) ou religieuses (Le Cardinal, 1963), ainsi que son histoire contemporaine (Exodus, 1960). Il développe un style de mise en scène singulier, parfois qualifié d’ « anatomiste ». Les génériques de ses films sont restés célèbres grâce à sa longue collaboration avec Saul Bass, qu’il fut le premier à faire travailler pour le grand écran sur Carmen Jones (1954), avant Hitchcock !
Billy Wilder, lui aussi fuyant le nazisme, rejoint Hollywood au milieu des années 1930 en tant que scénariste. Il est finalement autorisé à mettre en scène les films qu’il écrit, fait rare dans le modèle américain, et signe de très beaux films noirs, comme Assurance sur la mort (1944) ou Sunset Boulevard (1950) ainsi que des comédies, Certains l’aiment chaud (1959) étant la plus connue.
Blessé durant la Première Guerre mondiale, c’est à l’hôpital que Fritz Lang commence à écrire des scénarios, avant de se lancer dans la réalisation. Installé à Berlin, il devient l’un des chefs de file de l'expressionnisme allemand, et signe de nombreux chefs-d'œuvre : M. le maudit, Metropolis, la trilogie des Docteur Mabuse, etc. Il émigre aux États-Unis en 1933, après avoir refusé la proposition de Goebbels de diriger la production nazie. À Hollywood, il participe à la propagande antinazie en signant, avec Brecht, le scénario de Les Bourreaux meurent aussi. Nombre de ses films mettent en relief le caractère morbide de l’Allemagne et de la manipulation des masses. En 1959, il réalise deux films en Inde : Le Tigre du Bengal et The Indian Tomb. Jean-Luc Godard lui rendra hommage en lui faisant jouer son propre rôle dans Le Mépris (1963).
Haneke ou la froideur
Michael Haneke, connu pour avoir porté à l'écran le roman La Pianiste de sa compatriote Elfriede Jelinek, et qui a donné à la carrière d'Isabelle Huppert un second souffle, a fait ses armes pour les télévisions allemande et autrichienne. Ses quatre premiers films, Le Septième Continent, Benny's video, 71 fragments d'une chronologie du hasard et Funny Games, sont produits en Autriche. Il tournera à nouveau en Autriche pour Das weisse Band (Le Ruban blanc) en 2009. Ses trois premiers films forment la trilogie de la « glaciation émotionnelle ». Ils se distinguent par une réalisation radicalement épurée, mettant en scène une violence froide, des crimes exécutés sans affect. On retrouve également cette approche dans Funny Games (1997) et son adaptation américaine, Funny Games US (2007). La société occidentale y apparaît comme dysfonctionnelle, sans espoir et génératrice d’une violence implacable.
Quelques figures contemporaines
Le cinéma autrichien a aujourd’hui la plus faible part de marché européenne, il est donc rare de trouver des films qui s’exportent, hormis ceux de Hanneke. On peut cependant citer les succès nationaux de réalisateurs tels que Michael Glawogger (Slumming, 2006) et Wolfgang Murnberger (Silentium 2004; Komm, süßer Tod, 2000).
Côté documentaires, Hubert Sauper a réalisé Le Cauchemar de Darwin, cri d’alarme sur la situation écologique et humanitaire autour du lac Victoria, film tristement célèbre pour les polémiques qu’il a suscitées. We feed the World, d’Erwin Wagenhofer, s’intéresse quant à lui à l’approvisionnement du plus grand marché viennois, le Naschmarkt.
Deux acteurs de légende
Romy Schneider est l’inoubliable interprète de Sissi (1955), une série romanesque en trois volets, qui sera un immense succès commercial. Désireuse de se défaire de cette image de jeune fille parfaite, Romy Schneider accepte de tourner, un an plus tard, dans Les Jeunes filles en uniforme, un film qui raconte des amitiés saphiques dans un pensionnat. Elle tourne avec Delon dans Plein Soleil (1959), avant de retrouver l’acteur à l’écran, en 1968, dans La Piscine, de Jacques Deray. Elle joue dans le plus célèbre des films inachevés : L’Enfer (1965), d’Henri-Georges Clouzot. Dans les années 1970, elle fait la rencontre de Claude Sautet, qui lui offre des succès retentissants (Les Choses de la vie, Max et les Ferrailleurs). Elle connaît un destin tragique et décède à 44 ans.
Oskar Werner (1922-1984) est considéré comme l’un des meilleurs acteurs de théâtre de langue allemande, mais ce sont ses rôles dans les films de Truffaut, Jules et Jim (1962) et Fahrenheit 451 (1966), qui font sa notoriété au cinéma.