Découvrez l'Éthiopie : A l'écran (Cinéma / TV)

Le cinéma éthiopien est l'un des plus anciens d'Afrique et compte parmi les plus prolifiques du continent, au même titre que les cinémas nigérians ou togolais. Avec une histoire remontant aux années 1920 et une implantation rapide supportée par les élites, l'industrie cinématographique éthiopienne a connu des hauts et des bas, au gré de l'instabilité politique de la région. Le cinéma éthiopien a récemment connu un regain d'intérêt et de succès sur la scène internationale, grâce à des cinéastes locaux qui ont su s'exporter avec des thèmes forts et des films marquants comme Lamb de Yared Zeleke (2015) ou Price of Love d’Hermon Hailay (2015). Les décors grandioses de l'Éthiopie, des montagnes du Simien aux lacs de la vallée du Grand Rift, ont par ailleurs attiré de nombreux cinéastes comme Sidney Pollack ou Ryan Coogler, et le festival international de cinéma d'Addis-Abeba bénéficie aujourd'hui d’une renommée panafricaine et mondiale.

Les montagnes de Simien © WitR - Shutterstock.com.jpg

Des origines au cinéma éthiopien contemporain

C’est au tout début du XXe siècle que le cinématographe des frères Lumière serait arrivé en Éthiopie, par le biais d’ambassadeurs. C’est en tout cas le ministre italien Federico Ciccodicola qui aurait offert un cinématographe à l’empereur Ménélik II, l’une des premières machines à être régulièrement utilisée sur le territoire. Il faudra attendre les années 1920 pour que le premier cinéma soit construit en Éthiopie et commence à accueillir le public, alors que les premiers films éthiopiens capturent en images les événements marquants du pays comme le couronnement de l’impératrice Zewditou en 1917, puis celui d’Haïlé Sélassié en 1930.

C’est dans la seconde moitié du XXe siècle que le cinéma éthiopien va se révéler à l’international, au travers de figures comme celles d’Haïlé Gerima, puis plus récemment de Yared Zeleke. Né en 1946, Haïlé Gerima est connu pour son engagement politique et son exploration des thèmes sociaux dans ses films, et est considéré comme l'un des pionniers du cinéma africain moderne. Formé aux États-Unis, il retourne dès les années 1970 en Éthiopie où il tourne La Récolte de trois mille ans (1976), un drame touchant sur une famille d’agriculteurs pauvres. Son film le plus connu est sans doute Sankofa, sorti en 1993, l’histoire d'une mannequin afro-américaine qui est transportée dans le passé, à l'époque de l'esclavage, où elle est confrontée aux atrocités de cette période. Un film salué au festival Fespaco et sélectionné au 43e festival du Film de Berlin, avec une esthétique puissante et une forte critique du colonialisme et de l'oppression.

Inspirée par ce précurseur, une seconde génération de cinéastes a vu le jour dans les années 2000. Yared Zeleke, né en 1980, fut le premier réalisateur éthiopien à être sélectionné en compétition officielle au festival de Cannes. Son premier long-métrage, Lamb (2015), a été projeté à la Quinzaine des réalisateurs. Un film poignant qui, au travers de l’histoire d’Éphraïm, jeune garçon confié à une nouvelle famille par sa mère afin de lui assurer un avenir plus radieux, explore les thèmes de l'identité et de la résilience dans un contexte rural éthiopien. La même année, c’est la cinéaste Hermon Hailay qui remporte le grand prix du Fespaco à Ouagadougou avec Price of Love (2015), l'histoire de Teddy, un gardien de parking qui tombe amoureux d'une prostituée nommée Fere. Lorsque Fere est agressée, Teddy risque tout pour la sauver. Abordant les thèmes de l'amour, de la marginalisation sociale et de la lutte pour la dignité, Price of Love offre un regard réaliste sur la vie dans les rues d'Addis-Abeba, et a largement contribué à la visibilité du cinéma éthiopien.

Un an plus tôt, c’est le réalisateur Zeresenay Berhane Mehari qui remportait le prix du Public au festival de Sundance avec Difret (2014), une œuvre coup de poing sur les mariages forcés et leurs conséquences dramatiques. Un film coproduit par l’actrice Angelina Jolie.

Aujourd’hui, le cinéma éthiopien se décline aussi au féminin. Des réalisatrices éthiopiennes talentueuses comme Selamawit Adnaw (Fig Tree, 2018), Mehret Mandefro (Little White Lie, 2007) ou encore Hiwot Admasu Getaneh (Nishan, 2015) apportent diversité et perspectives nouvelles à l'industrie cinématographique éthiopienne contemporaine, tout en étant primée et diffusée dans de nombreux festivals internationaux.

Quand Hollywood s’invite en Éthiopie

De par la beauté naturelle du pays, l’Éthiopie a accueilli plusieurs tournages internationaux notoires. Les montagnes du Simien, les hauts plateaux d'Abyssinie, les lacs de la vallée du Grand Rift et les déserts du Danakil sont des exemples de décors impressionnants que l'on peut retrouver dans les films non seulement éthiopiens, mais aussi américains et européens.

C’est en Éthiopie que Pier Paolo Pasolini tourne les scènes africaines de son film Les Mille et Une Nuits, en 1974. Une œuvre sensuelle du cinéaste qui se joue des contes et légendes de l’Arabie pour mettre en scène passions et fantasmes. Un film qui lui vaudra le grand prix du Jury à Cannes la même année, et une nomination à la palme d’or.

C’est également les paysages de l’Éthiopie qui ont attiré les équipes du Choc des Titans en 2010, remake du classique hollywoodien de 1981. Cette superproduction, bien que tournée principalement en studio, met en scène les paysages escarpés de l’Éthiopie au travers de nombreux plans aériens de toute beauté. Du reste, le film est un concentré d’action par le cinéaste derrière les derniers volets de la saga Fast and Furious, ne vous attendez donc pas à trop de subtilité.

Plus récemment, l’Éthiopie a servi d’inspiration pour les décors du somptueux film Black Panther de Ryan Coogler, l’une des dernières productions des studios Marvel. Tourné majoritairement dans des décors fictifs à Atlanta mais grandement nourri par les images des montagnes du Simien, ainsi que par de nombreux autres décors grandioses du Kenya ou de l’Ouganda, le film a été largement acclamé pour sa représentation de la culture africaine et a été un succès commercial important, ramenant près de 1,4 milliard de dollars au studio américain. On y retrouve des actrices de renommée internationale comme Lupita Nyong'o ou Angela Bassett, et le regretté Chadwick Boseman, disparu en 2020. Une épopée de cinéma mêlant action super-héroïque et propos de fond sur l’héritage africain des jeunes générations, un lien intéressant entre le passé et le futur du cinéma africain moderne, où l’Éthiopie et ses talents ont définitivement leur place.

Se nourrir de cinéma en Éthiopie

Pour découvrir le cinéma éthiopien, vous aurez de nombreuses possibilités, car le pays possède un réseau développé de salles. À Addis-Abeba, par exemple, les cinéphiles peuvent se rendre au cinéma National ou au cinéma Edna Mall pour découvrir des films éthiopiens et internationaux. Le cinéma Alem Cinema est également une option populaire pour les films locaux, tandis que le Cinema Sébastopol accueille chaque année le Addis International Film Festival (AIFF), l’une des vitrines majeures du cinéma éthiopien. Profitez d’une escapade à Gondar pour y découvrir sa salle à l’architecture unique. Et bonne découverte de cinéma déjà centenaire.

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