Produits caractéristiques
Pilier de la cuisine éthiopienne, le tef ou teff est une céréale originaire des hauts plateaux d'Érythrée et d’Éthiopie. Ingrédient de base de l’injera, elle est dépourvue de gluten et fait partie des plantes les plus anciennement domestiquées, entre 4000 et 1000 av. J.-C. On notera également d'autres céréales comme le blé, le maïs, le riz, l'orge, le sorgho ou le millet. Héritage de la présence italienne dans le pays, les pâtes sont souvent consommées.
Parmi les tubercules, citons la pomme de terre, le taro, l'igname, le manioc et la patate douce. Semblable à un bananier, l'ensete est un proche cousin de la banane, mais ses fruits ne sont pas comestibles. En revanche, la pulpe contenue dans son tronc et ses racines est très nutritive et transformée en farine. C'est un aliment relativement méconnu en dehors de l'Éthiopie qui pourtant nourrit plusieurs dizaines de millions d'habitants dans le pays.
Côté légumes, on retrouve carottes, betteraves, tomates, oignons, haricots, lentilles, fèves, sans oublier une multitude de légumes verts, comme la corète potagère, le chou, les feuilles de taro, de patate douce, etc. On citera également le gombo ou okra, dont le jus visqueux est apprécié pour épaissir les sauces, et le concombre amer ou margose. Le miel éthiopien est également réputé. Le meilleur se trouve dans le Nord, à Bati, Gondar et surtout Dabra Markos, dans le Godjam. Dans la vallée de l'Omo, au sud du pays, on retrouvera également d'excellents miels.
Le bœuf, le poulet, le buffle, le mouton et la chèvre sont très couramment consommés. En revanche, le porc est entouré de nombreux interdits alimentaires, et n'est donc quasiment pas présent dans la cuisine locale. Les Éthiopiens mangent également beaucoup de poisson (assa) que l'on retrouve dans les nombreux lacs et rivières du pays. Il s'agit généralement de perche du Nil ou de tilapia, consommés en filets (kotlet) ou découpés en morceaux et cuisinés dans des sauces épicées.
Les laitages sont largement présents, mais tout comme le porc, ils sont entourés d'interdits alimentaires. On citera par exemple l'ergo (lait fermenté) ou l’ayib (fromage frais). Le beurre clarifié est absolument essentiel dans la cuisine éthiopienne. Il peut être utilisé pur, mais on le retrouve le plus souvent sous le nom de niter kibbeh, c'est-à-dire infusé avec divers épices, herbes et condiments. Pour les repas sans produits issus d’animaux, le beurre est remplacé par une huile, parfumée d'épices variées, appelée yeqimem zeyet.
La gastronomie locale ne manque pas de saveurs et les épices sont omniprésentes. Le berbéré en est le meilleur exemple. Ce féroce mélange rouge orangé se compose de piment en poudre, cardamome, fenugrec, coriandre, clous de girofle, gingembre, muscade et cumin. Sa riche saveur est associée à de nombreux plats, comme les ragoûts de poulet et les plats de poisson cuits au four. Les graines de rue officinale sont parfois ajoutées au berbéré, alors que les feuilles sont utilisées pour aromatiser le café et le thé. Le mitmita est un autre mélange qui contient de la poudre de piment piri piri, de la cardamome, des clous de girofle et du sel, avec parfois de la cannelle, du cumin et du gingembre. L'awaze est une sauce à base de berbéré liée avec du beurre clarifié, du tedj (hydromel local) et de la purée d'ail.
Habitudes alimentaires
L'Éthiopie est un pays multiconfessionnel, avec notamment une majorité chrétienne orthodoxe dite Tewahedo, mais également une importante minorité musulmane et une petite communauté juive, dont une grande partie vit aujourd’hui en Israël. Les chrétiens observent plusieurs périodes de jeûne appelées tsom, y compris tous les mercredis et vendredis, et toute la saison du carême. Selon la tradition orthodoxe orientale, les fidèles ne peuvent consommer aucun type de produits d'origine animale (y compris les produits laitiers et les œufs) pendant le jeûne. La cuisine éthiopienne contient donc de nombreux plats végétaliens ou véganes. Les chrétiens orthodoxes ne consomment pas de porc – tout comme les musulmans et les juifs –, et les protestants éthiopiens, par mimétisme, ont également banni cette viande.
Parmi les us et coutumes, on notera pour commencer que l'on mange avec les mains, et on n’utilise donc pas ou peu de couverts. On consomme généralement un plat commun traditionnellement partagé entre les convives. Étant donné que l’utilisation de la main gauche, jugée impure, est proscrite (c’est le cas aussi chez les chrétiens), on découpe des morceaux d’injera d’une seule main, puis on s'en sert pour collecter les autres aliments, ce qui demande une certaine dextérité.
Ne soyez pas surpris si votre hôte ouvre le repas en portant la première portion de nourriture collectée directement à votre bouche. Ce signe de respect et d’affection, appelé guscha, ne peut décemment pas être refusé. S’il est bon de montrer votre contentement en goûtant un peu de tout, il est également poli de ne pas finir entièrement le plat, afin de ne pas laisser croire au maître de maison que vous n’avez pas mangé à votre faim.
Les Éthiopiens travaillant dans les grandes villes ont généralement les mêmes horaires de repas que les Occidentaux : le déjeuner est pris entre 11h et 13h, le dîner entre 19h et 20h. Cependant la notion d’heure de repas est étrangère à la culture éthiopienne, et surtout les repas pris de manière consistante matin, midi et soir n'est pas forcément à la portée de tous les habitants. Même si la situation alimentaire du pays s'est améliorée, une partie de la population est encore menacée de malnutrition. Dans la plupart des régions rurales, l’alimentation reste basique et très peu variée, dominée par les céréales et les légumes, la viande étant réservée aux jours de fête. L’alimentation des tribus nomades est, quant à elle, constituée principalement de lait caillé.
Les restaurants restent ainsi pour la plupart très abordables, même si les prix varient notamment à la capitale. Pour ceux qui auraient du mal à s’habituer à ces nouvelles saveurs, Addis-Abeba offre toute la gamme de plats internationaux dans ses grands hôtels et ses nombreux restaurants de cuisines italienne, française, indienne, chinoise, mais aussi yéménite ou arménienne.
Les classiques de la cuisine éthiopienne
Au centre de chaque repas en Éthiopie, on retrouvera donc la fameuse injera, large galette moelleuse et élastique, qu'on utilise comme couvert et sur laquelle on dépose des garnitures. Un plateau contenant plusieurs plats à partager porte le nom de yetsom beyaynetu. Le plus souvent, on retrouvera plusieurs variétés de wot. Ce mot désigne divers plats en sauce à base de viande ou de légumes, plus ou moins épicés. Parmi les grands classiques citons le doro wot (poulet), le beg wot (agneau et pomme de terre) ou le kaï sega wot (bœuf très épicé). Le terme alicha wot désignera une variante plus douce, sans piment, souvent à base de bœuf ou d'agneau avec des légumes.
Les plats de légumes restent toutefois très communs dans le pays. On notera par exemple le shiro wot, un ragoût onctueux et lisse à base de farine de pois chiches, ou le misir wot, à base de lentilles, le tout agrémenté d’ail et d’oignon, des plats typiques des jours de jeûne. Le kik alicha est un épais potage à base de pois cassés et d'épices douces. Le gomen est une compotée pimentée de légumes-feuilles, le plus souvent à base de chou vert. Les samoussas – ou sambusa – sont des chaussons frits triangulaires originaires d'Asie du Sud mais très populaires dans le pays, où ils sont souvent garnis de légumes et notamment de lentilles.
Plat commun du petit déjeuner, le shahan ful est largement présent dans la Corne de l'Afrique. Il se compose d'une purée grossière de fèves épicée, garnie avec oignon vert, tomate, piment, yaourt et fromage frais. Servi également le matin, l'injera ferfer ou firfir confirme la passion des Éthiopiens pour leur aliment fétiche : ce plat se compose d’injera déchiquetée agrémentée d’une sauce pimentée et servi – sans surprise – dans une injera. Une variante, l'enqulal firfir, ressemble à des œufs brouillés accompagnés d’un émincé d’oignon et de légumes.
En plus de l'injera, omniprésente, on servira aussi du kodjo dans les restaurants et les hôtels des hauts plateaux du sud-ouest de l'Éthiopie : une sorte de galette très parfumée, composée de pulpe fermentée d'ensete, ou faux bananier. Le tihlo est une pâte de farine d'orge que l'on roule en petites boules molles, le plus souvent servie avec un ragoût de viande. Assez proche, le genfo est une pâte très dense à base d'orge que l'on moule en forme de couronne et que l'on garnit en son centre d'une sauce à base de beurre clarifié et de berbéré.
Les viandes grillées ou sautées à la poêle (zébu, chèvre ou agneau) se nomment tibs. Le shekla tibs est une variante où la viande est servie dans un plat posé sur un autre contenant rempli de braises encore rougeoyantes, alors que le zilzil tibs, servi en lamelles, est souvent garni avec des piments verts. Une valeur sûre, le dulet est un mélange d’abats et de tripes finement émincés et frits. Le kikil est un plat de viande dans un bouillon léger épicé.
Mais la viande est aussi appréciée crue. Cette pratique remonterait au XVIe siècle, durant la guerre entre le royaume d'Éthiopie et le sultanat d'Adal, où il serait devenu monnaie courante de consommer de la viande crue pour éviter de se faire repérer en allumant des feux de camp. Ainsi le tere sega se compose de viande crue que l'on coupe en lamelles soi-même avant de les déguster avec une sauce piquante à base de graines de moutarde (senafich) et du mitmita. Il porte parfois le nom de gored gored quand la viande est préalablement coupée en cubes. Bien sûr, le tout est servi avec de l'injera. Autre plat surprenant, le ketfo est un steak tartare, mélangé avec du beurre clarifié et du mitmita. Il peut être légèrement tiédi ou passé à la poêle quelques secondes mais il est le plus souvent servi cru.
Desserts, café et alcools
Les amateurs de sucreries risquent d'être particulièrement déçus en Éthiopie, car dans ce pays la notion de dessert est totalement étrangère en dehors des fruits que l'on retrouve frais ou en jus assez facilement. Il existe néanmoins quelques pâtisseries, notamment d'inspiration italienne, comme le bombolino, un beignet en anneau semblable à un donut, sans oublier le fatira, une galette feuilletée à base d’œufs, souvent nappée de miel, mais que l'on en trouve également en version salée. On citera aussi le himbasha, un pain brioché commun aussi bien en Éthiopie qu'en Érythrée, parfumé avec des épices variées et généralement préparé pour Noël.
Bien plus qu’un simple breuvage, le café (buna) est un véritable art de vivre en Éthiopie. Rien de plus normal : le caféier trouve en effet ses origines sur les plateaux éthiopiens où il pousse naturellement. Selon la légende, un berger du nom de Kaldi, aux environs de l’an 850, aurait remarqué que ses chèvres qui venaient de se gaver de graines de caféier étaient étrangement surexcitées. En les montrant à un moine, ce dernier voulut les brûler, car elles étaient selon lui le fruit du démon. Ce faisant, il remplit la pièce d'un délicieux parfum : le café était né.
En réalité, il est plus probable que les graines du caféier étaient déjà mâchées par les locaux comme un stimulant, lors de longs périples, à la manière de la feuille de coca en Amérique du Sud. Ce seraient plutôt les marchands arabo-musulmans qui eurent l'idée de torréfier les graines avant de répandre progressivement le café dans la région via les échanges commerciaux.
La cérémonie (jebena buna) qui accompagne la préparation du café fait l’objet d’un rituel immuable, incombant presque toujours aux femmes. L’offrande d’un café demeure par ailleurs l’irremplaçable signe de bienvenue envers tout nouveau visiteur. Les ustensiles nécessaires à l’exécution du cérémonial incluent un brasero, un brûle-encens, une cruche (jebena), un mortier et un plateau surélevé garni de petites tasses sans anse.
Les graines de café vertes, rincées à plusieurs reprises, sont d’abord torréfiées sur la braise. Avant d’être broyées puis mises à infuser dans une cruche d’eau bouillante, les graines fumantes sont présentées aux convives, le plaisir olfactif devant précéder celui de la dégustation. Pour enrichir encore plus l'odeur du café, il est d'usage de faire brûler de l'encens et, pour faire patienter les convives, on dispose des petites collations (cacahuètes, pop-corn, morceaux de pain himbasha, etc.). Enfin, le café brûlant est servi. La même mouture servira à trois préparations successives, rendant le breuvage de plus en plus léger. Ceux qui aiment leur café sans sucre auront la prudence de se manifester avant le service, les Éthiopiens ayant l’habitude de sucrer le café de façon généreuse. Il n'est pas rare que des épices et du beurre clarifié soient ajoutés au café, notamment dans les régions rurales.
En partie occupée par l'Italie au début du XXe siècle, l'Éthiopie possède également un double héritage lorsqu'il s'agit de café : dans le pays le machiato, l’espresso ou le cappucino font également de nombreux adeptes.
Avec le café, le thé (shaï), délicieusement parfumé, est l’autre boisson la plus fréquemment consommée. Le mélange des deux – appelé spris – est d’ailleurs un très bon stimulant. Ce terme désigne également un mélange de jus de papaye, mangue, ananas et d'avocat, se présentant sous un aspect stratifié multicolore. Une combinaison surprenante, mais excellente et extrêmement nourrissante.
Parmi les alcools consommés en Éthiopie, le plus emblématique est probablement le tedj. Cet hydromel local est un mélange de miel et de bourgeons de gesho, un arbuste d'Afrique de l'Est, mis à fermenter et qui donne une boisson de couleur jaune orangé au degré d’alcool d’environ 15 degrés. La qualité du tedj dépend en grande partie de l’utilisation exclusive de miel, souvent remplacé à la ville par du sucre, afin d’accélérer le processus de fermentation. Les amateurs doivent être avertis que le mélange d’alcool et de sucre peut se révéler traître. En revanche, on trouve de très bons tedj à la campagne, de Gondar à Arba Minch.
On retrouvera bien sûr d'autres alcools traditionnels. L'un des plus consommés est la tela, une bière de céréales germées (békel) et de feuilles de gesho. Le tout, réduit en poudre, est mis à fermenter trois jours dans de l’eau à laquelle on ajoute des morceaux de pain. Le résultat est une potion sombre plus ou moins aromatique. Tout au long des routes, un gobelet retourné sur un bâton sert d’enseigne aux tella bet, ces petites maisons – parfois de modestes huttes – où l’on sert uniquement de la tela. Le bordé, en pays dorzé, ou le besso, en pays amhara, sont par ailleurs deux boissons non alcoolisées à base de céréales.
La consommation de bière est très répandue : les marques les plus populaires sont Castel et Saint-Georges, Bédelé à l’ouest et Harar à l’est, sans oublier Dashen, bière du Gonder très mousseuse et délicieuse en pression. Dans les régions musulmanes, l’Harar Sofi, sorte de bière sans alcool aux arômes de miel, est une boisson appréciée. Le vin local Axoumit ou Gouder est d'une qualité aléatoire, plutôt meilleur en blanc qu’en rouge, et présenté souvent comme export wine. Il y a également de plus en plus d’importations, notamment de vins sud-africains et italiens, particulièrement dans les restaurants haut de gamme de la capitale.