Peinture folklorique
La tradition des arts figuratifs a toujours été vivante au Viêt Nam comme en témoignent les nombreuses estampes populaires. En peinture, on différencie deux genres : la peinture folklorique et la peinture moderne.
L’histoire de la peinture folklorique remonte au XIIe siècle. Elle débute en même temps que le culte des ancêtres, sous la dynastie des Ly, établie au Nord du Viêt Nam. Dotée d’une fonction décorative, elle orne les maisons et les autels des ancêtres. Pour satisfaire le plus grand nombre, elle est produite à bas prix, sans grand souci pour la qualité. Les thèmes tournent autour du quotidien (cueillettes, événements familiaux …), des animaux domestiques puis des figures sacrées (divinités et génies). Les motifs sont gravés sommairement en négatif, dans le bois, afin d’être reproduits sur papier. Des familles se spécialisent dans la sculpture de ces gabarits en bois. L’artiste n’a plus qu’à appliquer les couleurs de son choix. Cet art a pour seule ambition d’être harmonieux et plaisant au regard. Le musée des Beaux-arts du Viêt Nam à Hanoi conserve de très anciennes planches à imprimer.
On peut distinguer des écoles stylistiques en fonction du lieu de production. Dans la technique de Tranh Dong Ho, les couleurs ne se mélangent pas. Les formes sont élaborées à partir de contours noirs. L’artiste superpose autant de planches qu’il souhaite de couleurs. La peinture Dong Ho est utilisée pour décorer des autels, et à large échelle, des pagodes et des maisons communales.
A Hanoï, les peintures Hang Trong sont exécutées sur un fond noir qui fait ressortir les couleurs. Dans le centre du pays, les peintures de Sinh sont appréciées pour le culte. Une unique planche de gravure est utilisée pour disposer les contours et les grandes formes.
Sculpture
Influencée par les trois grandes religions venues d’Inde et de Chine, à savoir l’hindouisme, le confucianisme et le bouddhisme, la sculpture vietnamienne suit une évolution continuelle au fil des siècles. Figurative, elle orne les temples, les citadelles, les pagodes et les tombes.
Dans le nord, le premier roi de l’histoire du Viêt Nam, Huong Vuong (son règne commence en 2888 av. J.-C.) puis la dynastie des An Duong Vuong influencent les codes de la sculpture. La pierre, jusqu’alors utilisée pour façonner des outils, est adoptée en sculpture. Personnages légendaires et divinités en pierre font leur apparition dans les citadelles. Dix siècles avant J.-C., la Chine imprègne l’iconographie avec ses croyances et sa philosophie, comme on peut le constater dans les temples. Le Dai Viet (1054-1400) correspond à l’indépendance et à l’essor du bouddhisme, en particulier dans le nord du Viêt Nam. L’une des premières sculptures bouddhistes dans le nord serait l’Amida Bouddha, érigé dans le temple Phat Tich en 1057.
Au fil des siècles, Bouddha se mélange à des scènes agricoles dans les sculptures des maisons commerciales.
Ecole des beaux-arts de Hanoï
L’année 1925 marque la création de l'Ecole des beaux-arts d'Indochine à Hanoï, succursale de l'Ecole nationale des beaux-arts de Paris, et rebaptisée en 1945 Université des Beaux-Arts du Viêt Nam. La tradition picturale prend un nouveau virage au contact de l'art occidental. De nos jours, la cote des peintres de l’Ecole des beaux-arts de Hanoï ne cesse de grimper dans les salles des ventes.
Nguyen Phan Chanh (1892-1984) rejoint l’académie dès son ouverture. Peintre de scènes traditionnelles, il renouvelle la peinture sur soie telle qu’elle est pratiquée en Chine et au Japon à partir du XVe siècle. Pour cela, il explore les méthodes d’impression et de peinture. S’inspirant du monde rural, il en adopte les tons bruns, ocre, et noirs, rehaussés de blancs. Il est proche du peuple, et représente des scènes intimistes avec humanité. L’authenticité de ses scènes peintes par larges aplats font qu’il reste, plusieurs décennies après sa disparition, l’artiste le plus recherché du Viêt Nam.
La fusion des influences asiatiques et occidentales cause l’émergence de l'art moderne vietnamien. Il est porté par le groupe des « Tri, Van, Lan, Can ». Après Nguyen Phan Chanh, la première génération de peintres rassemble Nguyên Sang, Nguyên Gia Tri, To Ngoc Van et Bui Xuân Phai.
Modernisme vietnamien
« Peintre de l'âme de Hanoï », Bui Xuân Phai (1921-1988) reçoit son diplôme en 1945. Il est issu de l'une des dernières promotions de l'Ecole des beaux-arts de Hanoï. Il rejoint le maquis communiste et participe à la Révolution. De retour à Hanoï en 1952, il explore ses thèmes de prédilection : rues de Hanoï, portraits de famille, natures mortes, en décalage avec une peinture militante. Il enseigne à l'école des beaux-arts et publie des illustrations dans des journaux. En 1957, il s'engage dans une tentative de libéralisation des arts et lettres qui se heurte à la notion d'art au service du peuple, prônée par le parti. Le mouvement est réprimé sans état d'âme par le pouvoir. Bui Xuân Phai échappe au camp de travail mais perd son poste d'enseignant. De 1960 à 1988, diminué physiquement du fait des privations endurées dans le maquis et dépourvu de revenus financiers, Bui Xuân Phai mène une vie difficile mais d’une fidélité sans faille à sa vocation d'artiste. Bui Xuân Phai connaîtra une gloire posthume. Ses toiles les plus connues, qui représentent les rues de Hanoi baignées d'un sentiment de solitude et de mélancolie, sont recherchées sur le marché de l'art.
To Ngoc Van (1906-1954), ou To Tu, étudie aux beaux-arts en même temps que Nguyen Phan Chanh. Devenu enseignant, il influencera des générations de peintres. Apprécié pour son humanisme et son utilisation de la couleur, plusieurs de ses peintures sont exposées au Musée des Beaux-Arts du Viêt Nam.
Nguyên Gia Tri (1908-1993), peintre et laqueur, révèle son talent dans la production de panneaux laqués. Sa palette riche ponctuée d’incrustations révolutionne la technique de la laque. A partir de 1966, ses tableaux abstraits bouleversent encore l’art vietnamien.
Panorama de la scène actuelle
Le début des années 1990 sonne l’ouverture de la scène artistique vietnamienne. Malgré le manque de structures, un marché de l’art s’organise à Hanoï. Les ventes dématérialisées aident aussi les jeunes artistes à entrevoir un avenir. Désormais, Saïgon et Hanoï comptent une dizaine d’espaces culturels, ouverts à l’art contemporain. Pour pallier le manque de galeries, les artistes cherchent des lieux moins conventionnels où exposer. Le programme de promotion artistique CHV (Cultural and Creative Hubs Vietnam), étalé sur 3 ans et financé par l’Union européenne, est lancé en 2018. Ce projet est relayé par six pôles culturels dont VICAS Art Studio, Heritage Space, Hanoi Grapevine ou San Art.
Artistes contemporains
Un déferlement de talents multidisciplinaires caractérise la création contemporaine. L’un des premiers à rencontrer la reconnaissance à l’étranger, Bùi Công Khánh est peintre, sculpteur, musicien, artiste vidéo et performer. Dans les années 1990, il se fait remarquer lors de ses performances traitant du droit d'expression dans le Viêt Nam communiste. Né en 1972 à Danang, il étudie la peinture à l’huile au College of Fine Arts d’Hô Chi Min-Ville. Ses sujets d’inspiration viennent aussi bien de l’histoire contemporaine que de la philosophie bouddhiste et taoïste. Dans ses séries de peintures sur porcelaine, il associe au dessin traditionnel des motifs contemporains comme une moto ou des publicités. Il a récemment signé Dislocate, des sculptures taillées dans du bois de jacquier. Ce matériau sert habituellement à fabriquer des bateaux traditionnels. Bùi Công Khánh est invité à exposer en Israël, en France, en Asie et aux Etats-Unis.
Vedette internationale de l’art conceptuel, Dinh Q Lê voit le jour en 1968 près de la frontière cambodgienne. En 1979, sa famille fuit les Khmers rouges. Il grandit à Los Angeles, et étudie la photographie à New York avant de revenir au Viêt Nam. En 1996, il s’installe à Hô Chi Minh-Ville. Dès les années 1990, ses photos tissées à la main selon une technique traditionnelle suscitent l’admiration. Sa photo la plus connue, From Vietnam to Hollywood consiste en un montage d’images de guerre extraites de journaux. Tous les sujets en lien avec la guerre du Viêt Nam, la mémoire et l’émigration sont des thèmes récurrents dans son œuvre. Ses images ont été présentées aux Etats-Unis, en Australie, à Londres, et en 2022, au Musée du quai Branly Jacques Chirac à Paris.
Né en 1965, Nguyen Thai Tuan vit et travaille à Da Lat. Il commence par étudier la propagande artistique à l’École des Beaux-arts de Hue mais décide rapidement de suivre son inspiration personnelle. A une époque où tous partent aux Etats-Unis, il fait le choix de demeurer au Viêt Nam. Son travail pose un regard critique sur son pays, son histoire, la violence des mutations sociales. Mais la mémoire collective reste au cœur de ses peintures. Sans doute en écho aux atrocités dont il a été le témoin, il peint des corps sans tête dans des espaces clos, emprisonnés ou en souffrance. Dans sa saisissante série Black Paintings, des êtres anonymes, prostrés entre des murs noirs sont soumis à un violent éclairage. Dans d’autres, des personnages sans tête et sans membres, flottant dans leur chemise, sont accroupis dos au mur. Ses toiles ont été censurées dans son pays, ce qui ne l’a pas empêché d’exposer à Milan et à la Paris Asian Art Fair.
Talents de demain
De la génération suivante, le peintre à suivre se nomme Ha Manh Thang. Né en 1980, il s’intéresse à des thèmes socio-politiques et culturels. Etabli à Hanoï, il compose sur toile ou sur papier des peintures abstraites richement texturées. Dans d’autres séries, il intègre des figures classiques à ses tableaux. Plus récemment, il détourne des symboles de l’architecture comme les tours d'Angkor Vat et les maisons villageoises, qu’il saupoudre de culture pop. C’est l’artiste qui jongle constamment entre les références historiques et les explorations visuelles. Une exposition lui a été consacré au Vincom Center for Contemporary Art à Hanoï.
Phan Huy Thong compte parmi les plasticiens vietnamiens les plus prometteurs. Né en 1981 à Ha Tay, il vit à Hanoï. Son style associe la méthode ancienne de la laque à l’acrylique et aux techniques mixtes. Dans le même esprit, il mêle symboles anciens et sujets d'actualité pour éveiller les consciences.
La rue offre une scène aux jeunes talents par le biais de projets d’art communautaire. Pour le projet collaboratif de Phuc Tan, 16 artistes vietnamiens ont participé à une installation qui a embelli la rue au bord du fleuve, dans le quartier de Phuc Tân à Hanoï. Autrefois à l’abandon, la rue est devenue un musée en plein air où les enfants peuvent jouer. Sa création a permis aux artistes locaux de surmonter des difficultés tout en aménageant un lieu d’exposition ouvert à tous. Là où l’art contemporain rencontre la population. Une expérience nouvelle, qui propose une alternative au manque de structures officielles.