L’olivier, richesse de la Crète !
Un climat favorable, une terre propice et un régime social prospère : voici les composants de l’engrais qui a fertilisé, à l’aube de l’âge de bronze, l’olivier lorsqu’il prend racine en Crète, bien avant sa propagation sur la péninsule grecque.
Le climat méditerranéen de Crète, avec ses hivers doux, pluvieux et humides, ses longs étés chauds et secs, s’adapte avec vigueur aux exigences du cycle de l’olivier : repos hivernal de novembre à février, réveil végétatif de fin mars à fin mai et maturation qui profite pleinement de la chaleur et de la sècheresse estivales.
La terre crétoise, au sol profond et perméable, résistant à une pluviométrie variable et parfois relativement élevée s’ajoute aux conditions parfaitement adaptées à la prolifération de l’olivier en Crète.
Le régime social de l’époque minoenne, au gouvernement solide, donne le coup de pouce décisif à la culture de l’olivier qui conquiert les régions les plus pauvres de l’île. Par la suite, l’excédent d’huile produit est transporté dans des jarres et, avec d’autres produits exportés, il permet aux Crétois de figurer parmi les plus grands commerçants de Méditerranée.
Remontant à la nuit de temps, l’histoire de l’olivier se confond, en réalité, avec toutes les grandes civilisations méditerranéennes. Appartenant à la famille des oléacées, l’olivier est caractérisé par ses fleurs hermaphrodites régulières, à pétales soudés, à deux étamines et à deux ovules par loge. Il s’agit d’une plante ligneuse à feuilles opposées et aux fruits charnus. De toutes les espèces différentes que comprend le genre Olea sur les cinq continents, seul nous intéresse l’Olea europea L et, plus précisément, les séries oléastre : l’olivier sauvage et sativa : l’olivier cultivé. On les rencontre sur tout le pourtour du Bassin méditerranéen et à l’intérieur des frontières climatiques proches de la Crète et de la Grèce. La présence de l’Olea europea L est attestée dans le pays par des empreintes fossiles de feuilles trouvées à Santorin et datant de 37 000 ans av. J.-C. Selon les textes homériques et les tablettes du Linéaire B, l’ancienneté des deux espèces est confirmée par la présence de deux oliviers sacrés et légendaires : l’olivier d’Athéna, le symbole incontesté de l’olivier cultivé, et l’olivier de l’Olympe, le symbole même de l’olivier sauvage. Ce sont ses branches qui composaient la couronne, consécration suprême des vainqueurs des Jeux olympiques.
L’olivier, arbre généreux
Trois techniques, pratiquées encore aujourd’hui, existaient pour la récolte des olives : le ramassage des fruits tombés au sol, la cueillette sur l’arbre à la main et, enfin, le gaulage imposant le ramassage immédiat et le vannage. Selon les sources, au début l’extraction de l’huile se faisait à l’aide d’un pilon de pierre avec lequel on écrasait les olives tandis que de l’eau chaude facilitait la décantation. Plus tard, ce pressoir rustre est remplacé par les « meules à sang ». Il s’agit de rouleaux en pierre maniés soit à la main soit avec des bâtis en bois, actionnés par des animaux ou par les hommes qui, dans certains cas, étaient des esclaves.
Malgré le rôle important que tenait l’olivier, les sources mythologiques restent assez modestes sur Aristée, l’inventeur du moulin à huile, à qui Dionysos, le maître incontestable du pressoir à vin, fait énormément d’ombre. Athéna, elle, a beau être la déesse de l’olivier, elle n’a jamais surveillé la fabrication de l’huile.
Tout au long de l’Antiquité, les olives accompagnaient les repas des foyers plus ou moins aisés en tant que condiment. D’une grande valeur nutritionnelle, elles étaient surtout l’élément essentiel de l’alimentation paysanne car elles étaient faciles à transporter. C’est aussi la raison pour laquelle elles faisaient partie des provisions essentielles pour les soldats.
La qualité de l’huile était, comme de nos jours, divisée en trois catégories : l’huile de première qualité, issue de la première presse sans mélange ; l’huile d’une qualité inférieure due à une moindre qualité des fruits ou de la pression ; et l’huile de récupération qui n’était pas comestible.
Les utilisations de l’huile d’olive
La plus grande partie de l’huile non comestible était utilisée pour l’éclairage, essentiellement celui de la maison et des mines. Une fois remplie, la lampe à huile habituelle avait une capacité d’éclairage de deux heures et demie. Dès l’époque archaïque et en tant que lubrifiant, l’huile était utilisée pour le graissage, l’entretien des cuirs et des métaux, et pour rendre étanche l’intérieur des jarres et des amphores.
L’huile était, par ailleurs, destinée aux soins fondamentaux du corps. Après le bain, les onctions à l’huile, parfois réchauffée, assouplissaient et défatiguaient la peau et les muscles. Les athlètes grecs et les jeunes qui s’exerçaient aux gymnases et en plein air l’utilisaient afin d’éviter les accidents musculaires et se protégeaient en même temps la peau contre les différences de température et les rayons du soleil. Onguent de grande qualité, l’huile constituait la base des parfums alors que ses vertus curatives lui ont réservé une place importante en médecine. Ayant conquis la terre crétoise, l’olivier a gagné durant l’Antiquité la péninsule grecque en passant par Pylos, puis Mycènes et, enfin, Athènes.
Au fil du temps, la Grèce est devenue un pays connu pour la qualité de son huile. De nos jours, elle occupe la troisième place des pays producteurs pour ce qui est de la quantité produite. Un tiers de la production a lieu en Crète où l'on cultive trois variétés d’olives : la Koroneïki, la plus largement répandue, la Mastoïdis-tsounati et la Hondroelia, qui est rarement cultivée actuellement à cause du changement climatique et malgré la haute qualité d’huile qu’elle peut produire.
Région privilégiée par son climat, son histoire, sa culture et ses beautés physiques, la Crète est un lieu que l’on n’arrête pas de découvrir. Une grande partie de cette découverte passe par ses saveurs, hautement assaisonnées avec de l’huile.