Le rituel de la cabane à sucre
Au début du printemps, alors que la nature sort doucement de son hibernation, débute la coulée de l’eau d’érable. Pour souligner en bonne et due forme le temps des récoltes, des « parties de sucre » sont organisées à travers la province. Moment privilégié en famille ou entre amis, une sortie à la cabane à sucre fait partie des traditions gourmandes et festives du Québec, un véritable rituel où l’on fait bombance jusqu’à plus faim. On déguste alors toutes sortes de mets cuits dans le sirop d’érable, on en arrose les crêpes et on verse du sirop très épaissi, encore bouillant, sur la neige, qui se transforme en une sorte de caramel que l’on enroule sur un bâtonnet : c’est la tire d’érable. On profite de l’occasion pour faire un repas de jambon fumé à l’érable, de saucisses, de pâtés à la viande, d’omelettes soufflées ou cuites au four, de fèves au lard (haricots cuits au four avec des lardons et de la mélasse), d’oreilles de crisse (croustilles grillées de lard très salé), de crêpes et de tartes au sucre, mets que l’on arrose généreusement de sirop d’érable.
Il y a un nombre impressionnant de cabanes à sucre au Québec – plusieurs restent ouvertes toute l’année –, pour la plupart situées dans les régions des Laurentides, de Lanaudière, de la Montérégie, du Centre-du-Québec et de Chaudière-Appalaches. Pour avoir une bonne idée de ce qu’est la cabane à sucre traditionnelle, La Cabane Arthur Raymond à Piedmont, la Sucrerie de la Montagne à Rigaud et la Cabane à sucre Chez Dany à Trois-Rivières sont des adresses chaudement recommandées. Pour la liste complète des cabanes à sucre au Québec : cabaneasucre.org
La cabane nouveau genre
Indissociable du paysage culinaire québécois, la cabane à sucre traditionnelle persiste. Toutefois, une nouvelle génération de cabanes fait son apparition depuis plus d'une dizaine d'années, offrant une expérience gourmande revisitée, hors des sentiers battus, en ville comme en forêt.
Tout d'abord, les cabanes gastronomiques. Le mouvement fut lancé en 2009 par le chef Martin Picard du restaurant Au Pied de Cochon à Montréal. Il a ouvert sa propre cabane dans les Basses-Laurentides, la Cabane à sucre Au Pied de Cochon, dans le but de proposer chaque année un festin gargantuesque élaboré autour des produits de l'érable. D'autres lui ont emboîté le pas depuis. C'est entre autres le cas de la Tablée des Pionniers à Mont-Blanc qui propose une cuisine inspirée et inspirante, sous forme de tablée à partager, où les produits du terroir font bonne figure.
Pour ceux dont le régime exclut la viande, les produits laitiers et les autres sous-produits animaux, les cabanes à sucre ont pensé à vous. À Mont-Tremblant, par exemple, la Cabane à Tuque se veut une alternative éco-végétalienne à la traditionnelle cabane à sucre. On y propose entre autres des cretons végétaliens, de la tourtière au millet et aux légumes, un temp'œuf aux légumes (tempeh maison, style omelette), des fèves au « pas de lard » ou encore des crêpes de sarrasin et d'épeautre avec compote de fruits. Pas de quoi donner envie de devenir carnivore !
Puis viennent les cabanes urbaines, car nul besoin dorénavant de quitter la ville pour aller s'empiffrer de bonnes spécialités à l'érable. À Montréal, l'avenue Wellington organise annuellement la plus grosse fête du temps des sucres en ville : Cabane Panache. Des journées décidément festives et gourmandes où le folklore québécois est bien présent.
On ne peut passer sous silence les cabanes autochtones, la découverte du sirop d'érable étant attribuée aux Premières Nations. La Maison des peuples autochtones à Mont-Saint-Hilaire est un bon exemple, offrant une série de plats aux saveurs des Premières Nations sous le thème de l'érable. Bref, ce ne sont pas les options qui manquent pour se « sucrer le bec » autrement !
De la palette à la fourchette
L'érable se découvre sous de multiples formes, allant du sirop à la tire, en passant par le beurre, le sucre, les flocons et la gelée. Le sirop est de loin le plus populaire et se décline – pour ceux qui ne le savaient pas – en quatre catégories : doré au goût délicat, ambré au goût plus riche, foncé au goût robuste, et très foncé au goût prononcé. Pour ne pas vous retrouver avec du « sirop de poteau », un sirop d'érable de piètre qualité, quelquefois même un succédané aromatisé à l'érable, assurez-vous qu'il soit 100 % pur et qu'il porte bien la mention « Canada Catégorie A ». L'érable s'apprête également à merveille en cuisine, relevant les mets de cette saveur si unique, que ce soit en entrée, en plat de résistance ou en dessert. Il réchauffe aussi le cœur et les papilles sous forme de liqueurs et crèmes alcoolisées ou encore incorporé dans le brassage de certaines bières artisanales.
Pour voir l'artisan à l'œuvre, rendez-vous dans une érablière ou chez un producteur. La plupart vous expliqueront le procédé utilisé pour convertir la sève d'érable en sirop et vous feront voir les installations. Dans une petite bourgade du Bas-Saint-Laurent, à Auclair plus précisément, est établi le Domaine Vallier Robert, membre en règle du réseau Artisans à l'œuvre et représentant l'acériculture pour les boissons alcoolisées. Des visites commentées et dégustations y sont proposées pendant l'année. Vous découvrirez ainsi l'envers du décor ainsi que leur gamme de vins de sève d'érable, leur sirop d'érable et leurs produits fins (beurres, gelées, sucres, chocolats et bonbons, terrines de chevreau ou de bison).
Bien évidemment, il serait dommage de ne pas rapporter quelques souvenirs sucrés de votre séjour au Québec. Le site web de la Fédération des producteurs et productrices acéricoles recense toutes les érablières ainsi que les producteurs de la province. De quoi vous donner amplement de bonnes adresses ! Et pour tout savoir sur les producteurs, les produits de l'érable, les points de vente et même quelques idées de recettes : erabledici.ca et erableduquebec.ca