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Palazzo del Podesta © emicristea - iStockphotocom.jpg
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De la Rome impériale à la chute de Byzance

L’âge d’or de Rome nous a laissé de nombreux ouvrages, œuvres d’art, mosaïques, fresques, colonnes, bâtiments, rues, aqueducs, thermes, théâtres et villes qui témoignent brillamment du génie de l’époque. Les vestiges romains abondent en Emilie-Romagne, de Bologna à Ravenna en passant par Rimini. Nous pourrions citer le pont de Tibère qui remonte à l’an 21 de notre ère, qui déploie ses cinq arches au-dessus du Marecchia à Rimini. Bâti en pierre d’Istrie, il remonte au règne d’Auguste (de -27 à 14) bien qu’il ait été achevé sous le règne de Tibère (de 14 à 37), qui lui a donné son nom. Datant de la même période, l’arc d’Auguste (-27) est encore visible à Rimini. Il marque l’entrée de la via Flaminia, et célèbre les aménagements routiers de l’empereur. Après la chute de l’Empire romain, la persistance de la religion chrétienne a permis de sauvegarder plusieurs monuments de la fin de l’Empire et de l’époque byzantine. Ainsi, des exemples grandioses d’architecture byzantine peuvent être trouvés à Ravenna. La ville comporte en effet un très bel ensemble d’églises remontant aux Ve et VIe siècles, reconnaissables aux briques ocre avec lesquelles elles sont construites. Saint-Apollinaire-in-Classe (VIe siècle) est sûrement l’une des plus belles de ces basiliques, mais aussi l’une des mieux conservées. Ces églises primitives se caractérisaient par leur plan dit basilical : l’église se développe en longueur, sur trois nefs parallèles, dont la centrale est généralement plus large et plus élevée que les deux autres, tandis que sa partie supérieure, bordée de fenêtres, permet à la lumière d’imprégner l’édifice. Les plans de ces basiliques primitives évoquent ceux des temples antiques.

Roman et gothique

L’apport de l’art lombard est un élément important dans la région. En effet, en 493, l’Ostrogoth Théodoric (455-526) élimine Odoacre (433-493) en s’emparant sa capitale, Ravenne. Les Byzantins lui succèdent en 540, puis ce sont les Lombards qui s’emparent de Ravenne de 568 à 571 et s’installent durablement dans le nord de la péninsule. L’art lombard n’est que décoratif, mais l’architecture romane en conservera un élément universel : la « bande lombarde », technique des constructeurs lombards. Ensuite, le roman puis le gothique feront leur apparition en Italie du Nord. Ce dernier est caractérisé notamment par des constructions religieuses comme les basiliques à croix latine à 3 ou 5 nefs, dont on trouve de nombreux exemples en Emilie. C’est le cas des cathédrales de Modène et de Piacenza, de l’abbaye de Pomposa et du complexe religieux de Santo Stefano à Bologne.

Le gothique, qui se développe tout au long des XIIe et XIIIe siècles partout ailleurs en Europe depuis la France, n’aura guère d’influence sur l’architecture italienne. Cependant, il existe un gothique italien, s’adaptant aux critères architecturaux latins et dont les caractéristiques principales sont les angles arrondis et une moindre élévation des édifices par rapport aux constructions françaises. L’Italie du Nord affiche une continuité de la construction des édifices religieux en briques depuis l’Antiquité jusqu’à l’époque gothique, en passant par les basiliques byzantines. Cette forme du gothique rappelle le Backsteingotik, ou “gothique de brique”, qui se retrouve en Europe du Nord et en Allemagne, mais il s’agit bien ici d’une spécificité régionale.

Bologne est un chef-d’œuvre de ce gothique à l’italienne. Les édifices autour de la Piazza Maggiore sont encore là pour le prouver. On y trouve le Palazzo d'Accursio, ou Palazzo Comunale, qui abrite le conseil municipal de Bologne. Le plus ancien est le Palazzo del Podestà, qui remonte à 1200. La tour qui s’en détache est elle aussi un chef-d’œuvre de l’époque : la Torre dell'Arengo. Au sud, face au palais, se dresse la magnifique basilique San Petronio, à la façade inachevée. Il s’agit de la plus grande église gothique en brique au monde ! Sa voûte culmine à 45 mètres, tandis qu’elle s’étale sur près de 132 mètres de longueur et 60 de largeur.

Renaissance, “style jésuite” et architecture baroque

Le XIVe siècle marque la redécouverte de l’art antique, classique, considéré comme un exemple de perfection : c’est le début de la Renaissance. On s’inspire du Panthéon et de sa coupole, des arcs de triomphe et de l’institution immuable des trois ordres : dorique, ionique et corinthien. Le plan des églises est basé sur un plan central en croix grecque. Le joyau Renaissance d’Emilie-Romagne est sans doute Ferrara. On y trouve le Palazzo dei Diamanti, qui est sûrement l’un des plus emblématiques exemples de la Renaissance italienne. Sa façade est composée de 8 500 blocs de marbre taillés en pointes de diamant, qui donnent d’ailleurs au palais son nom. Ses pilastres ornementés qui marquent les angles du bâtiment achèvent de lui donner sa splendeur. Il abrite aujourd’hui la Pinacothèque nationale.

On trouve également des exemples magnifiques d’architecture de la Renaissance à Rimini avec le Tempio Malatestiano, à Parme avec le Palazzo Ducale, ainsi que dans des localités mineures, comme Gualtieri et Correggio, dans la province de Reggio Emilia.

Le style de l’époque du concile de Trente, apparu dès 1550, se prolonge aux XVIIe et XVIIIe siècles dans toute l’Europe catholique. Ce n’est pas une rupture avec la Renaissance, mais plutôt une accentuation qui fige les règles ; en France, il est appelé « style jésuite ». Les églises sont construites selon un plan en croix latine. Les nefs latérales tendant à disparaître alors que les coupoles se généralisent et les orgues prennent de plus en plus de place. Sur les façades, colonnes et pilastres, encastrés à la Renaissance, se détachent, créant un effet de contraste lumineux. Soucieuse d’impressionner, la religion et son expression architecturale se dramatisent. Ce style se décline aussi dans les palais et autres édifices civils. Le Palazzo Boncompagni, à Bologne, de l’architecte et théoricien de l’architecture Jacopo Barozzi da Vignola (1507-1573), en est un exemple marquant.

Une explosion de liberté se produit cependant au début du XVIIe siècle : le baroque. Il est au maniérisme ce que le style de l’école de Nancy est à l’art officiel du Second Empire. Les ordres classiques sont toujours là, mais vus dans des miroirs déformants. Le baroque romain est un art très rigoureux et parfois austère, comme chez Borromini (1599-1667). Il est aussi malicieux et fantaisiste, comme chez Le Bernin (1598-1680). Le Palazzo ducale de Modena et celui de Sassuolo sont des exemples magnifiques de baroque dans la région.

Architecture contemporaine

Au début du XXe siècle, Guiseppe Terragni (1904-1943) jetait les bases du rationalisme italien en mêlant astucieusement le régionalisme et le modernisme. Cet architecte audacieux fut aussi un chantre du fascisme ; il dessina notamment pour Mussolini la Casa del Fascio (la Maison du fascisme) à Côme. Avec Nervi (1891-1979) et Terragni, dont les travaux trouvaient un écho en France avec Le Corbusier (1887-1965), en Allemagne avec Gropius (1883-1969) et aux Etats-Unis avec Franck Lloyd Wright (1867-1959), le modernisme était né. Une réplique du pavillon de l’Esprit Nouveau (1925) du Corbusier a d’ailleurs été construite en 1977 à Bologne - il représentait la vision de l’architecte suisse pour l’habitat du futur. Entièrement restauré, il se donne aujourd’hui à voir tel que l’architecte l’avait rêvé.

Bien que l'Italie compte de nombreux architectes de réputation internationale, l’Émilie-Romagne ne se distingue pas par une profusion d’édifices contemporains, étant une région au patrimoine historique incroyablement bien préservé. Cependant, elle compte quelques bâtiments notoires qu’il serait dommage de manquer.

Le Milanais Aldo Rossi (1931-1997), fondateur du mouvement « Architecture relationnelle » et théoricien (Architectura della Città, 1966), fit appel à la tradition classique pour dessiner des bâtiments qu’on pourrait qualifier de néoclassiques. Son ossuaire pour le cimetière San Cataldo à Modène (1971) est probablement l’une de ses plus belles réalisations. Ce cube ocre percé rappelle une œuvre de De Chirico (1888-1978), tout comme, dans un tout autre genre, le Palais de Civilisation de l’Exposition universelle de Rome (EUR). Sa couleur l’inscrit parfaitement dans l’héritage architectural de l’Émilie-Romagne. Dans ce cube creux, une structure en acier et des escaliers permettent de circuler entre les étages. La force minimaliste du bâtiment ne laisse personne indifférent.

Plus contemporain, on trouve au centre de Modène le musée Enzo Ferrari (1898-1988), situé sur le site de la maison natale du fondateur de la célèbre écurie de F1. Il se distingue par sa toiture aérodynamique en aluminium jaune qui lui donne des allures de carrosserie de voiture de course. Elle couvre un immense espace d’exposition où s’alignent les modèles emblématiques de la marque. L’ouvrage est signé par le Tchèque Jan Kaplický (1937-2009) pour l’agence londonienne Future Systems.

À Bologne, on pourra faire un détour par la fondation MAST, institut culturel regroupant espaces d’expositions, salle de projection et pôle de recherche, à la forme longue et épurée dont les verres s’éclairent de lumières colorées à la nuit tombée.