L’art califal
Du VIIIe au XIe siècle, la première étape de l’art hispano-mauresque s’incarne dans ce que l’on a appelé l’art califal de Cordoue. Sous la direction des Omeyyades, ce califat va connaître une activité artistique très féconde qui au plan architectural se traduira par de nombreuses réalisations autour de sa capitale. Avec comme emblème le plus magistral, la Grande Mosquée de Cordoue. Courant de 784 à 1001, sa construction se fera en quatre étapes, mais dès sa création, l’objectif était d’en faire le monument le plus important de l’islam occidental. Dans cette optique, le bâtiment comporte à lui seul 19 nefs, reposant sur 860 piliers, de jaspe, de marbre et de granit aux couleurs différentes : rouge, blanc, bleu et violet. Les arcs en forme de fer à cheval qui reprennent une technique wisigothe y abondent et deviendront représentatifs de ce style architectural. Marqué aussi par des décors et des ornements aux formes géométriques et aux motifs de végétaux, sculptés dans la brique. Autre réalisation majeure, Medina Azahara, était destinée à symboliser la grandeur des Omeyyades, face au califat de Bagdad, mais cette « ville brillante » entourée de murailles et servant de résidence à la cour sera détruite par les guerres internes à Al-Andalus moins de 100 ans après sa création. Si on peut aujourd’hui visiter le site de cette ville éphémère, c’est surtout une banque de données sur l’époque puisque seuls 10 % du site ont été mis à jour. En Andalousie, deux autres bâtiments viennent témoigner du rayonnement artistique de l’art califal, l’Alcazaba d’Almería et la mosquée d’Almonaster la Real, province de Huelva, qui présente un plan similaire à celui des mosquées omeyyades. Côté arts décoratifs, on notera la place particulière du travail du marbre, finement sculpté pour les objets du quotidien (cruches, boîtes à bijoux ou à onguents…). La céramique se distingue par sa décoration aux motifs géométriques et figuratifs, mais surtout par ses couleurs, vert ou violet, obtenues par l’application d’oxydes de cuivre ou de manganèse. Comme à Bagdad ou au Caire, les califes de Cordoue ont créé leurs propres ateliers de tissage qui seront à l’origine de la soie brodée d’Al-Andalus.
La période Almohade
Du XIIe au XIIIe siècle, la dynastie berbère des Almohades fera surgir une architecture au style sobre et austère qui se caractérise par des constructions en briques, rehaussées d’un décor sans surcharge. Et dont la Giralda sera la manifestation la plus grandiose. Aujourd’hui, cet ancien minaret suivant le modèle de la Kutubiyya de Marrakech domine toujours la ville de Séville, du haut de ses 95 mètres. On y admirera ses mosaïques de briques, creusées de fenêtres élégantes et décorées de dentelures de pierre. À cette époque, les palais conservent un tracé identique, mais font apparaître de nouvelles formes de patio. Comme le patio dit croisé de la Sala de Contratación ou celui del yeso, tous deux visibles dans l’Alcazar de Séville. Ce dernier inaugurera un système de jalousies en stuc permettant l’éclairage et la ventilation des pièces alentour qui sera systématisé par la suite. Au plan militaire, les Almohades vont perfectionner l’efficacité défensive des forteresses précédentes. En créant notamment des tours polygonales servant à dévier l’angle de tir des assaillants comme par exemple dans la Torre de Oro de Séville. La province de Séville abrite quant à elle des Alcazaba (forteresse protégeant un lieu de pouvoir, le palais) comme celle d’Alcalá de Guadaíra, dont les travaux les plus significatifs se firent à cette période. En matière de céramique, l’époque almohade marque le développement de la technique des azulejos. Carreaux de faïence reprenant une grande tradition décorative de l’Orient et apparue au XIIe siècle dans le quartier sévillan de Triana. L’époque appliquant aux arts décoratifs les mêmes impératifs de sobriété, d’ordre et de rationalité que dans l’architecture.
L’art nasride
Il apparaîtra aux XIVe et XVe siècles dans le dernier royaume musulman de l’Espagne, celui de Grenade. L’architecture des palais sera marquée par un grand raffinement de la décoration intérieure et extérieure des bâtiments, avec des murs tapissés de stucs eux-mêmes sculptés de céramique. Dans le même temps, la silhouette des arcs se simplifie et s’effile. Fort logiquement, l’édifice où cet art va se déployer de la manière la plus exemplaire est celui de l’Alhambra, à Grenade. Où l’on remarque une nouvelle organisation des patios, en ligne droite comme le patio des Arrayanes, ou croisé comme celui de los Leones. Chacun accompagné d’une nouvelle typologie des salles qui les entourent, allongée et se terminant par des alcôves pour le premier ou carrée pour le second. Les constructions militaires reprennent les principes de l’époque almohade en les dotant d’une plus grande complexité. Les arts décoratifs vont connaître le même raffinement, notamment en matière de céramique avec la naissance de la loza dorada, aux reflets métalliques, qui sera utilisée pour la fabrication des vases et des jarres de l’Alhambra. Ou les tissus en soie caractérisés par leurs couleurs très intenses et leurs motifs similaires aux décorations architecturales. Ils verront aussi naître la technique de la taracea, marqueterie intégrant l’incrustation de matériaux (nacre, ivoire, métal) de diverses couleurs afin de former une mosaïque. En parallèle, l’art mudéjar va s’affirmer entre les XIe et XVe siècles, en suivant les avancées de la reconquête. Œuvre des artisans musulmans demeurés en terre reconquise, il produit une synthèse magistrale entre les esthétiques arabes et occidentales, en intégrant notamment l’art wisigoth. Avec une très grande présence de l’arc en fer à cheval et de la voûte à stalactites pour les plafonds. À Séville, le patio principal de la Casa de Pilatos, permet d’en apprécier la finesse, tout comme le Palais de la comtesse de Lebrija, l’un des meilleurs exemples du Mudéjar du XVe siècle.