Peut-être l'ignorez-vous : les Romains firent de Narbonne la capitale d'une immense région s'étendant des Pyrénées jusqu'aux Alpes, et même le deuxième port de Méditerranée occidentale (après celui de Rome bien sûr)... Et si vous cherchiez dans la ville actuelle les traces du passé romain de Narbonne ? Elles sont nombreuses ! Narbo (l'eau) Martius (le dieu de la guerre et de l'agriculture), le nom antique de la ville de Narbonne, a été fondée en l'an 118 av. J.-C. La célèbre Via Domitia, qui passait au centre même de Narbonne, reliait la ville à l'Italie et à la péninsule Ibérique par un réseau de routes et de chemins. Plus de 35 000 habitants y vivaient. Ce sont d'ailleurs les Romains qui, en adeptes de la viticulture, ont planté il y a plus de 2 000 ans le vignoble de Narbonne, l'un des plus anciens de France. Mais le passé riche et glorieux de Narbonne la Romaine a été un peu oublié de nos livres d'histoire. Voici pourquoi !

Un passé glorieux mais méconnu...

Contrairement aux villes de Nîmes ou d'Arles, qui disposent encore aujourd'hui de vestiges spectaculaires en plein air laissant imaginer la splendeur passée, à Narbonne, la plupart des monuments emblématiques de la période romaine ne sont plus visibles. C'est plutôt dans son sous-sol que la ville conserve les traces de son histoire antique. Si bien que peu de gens ont véritablement conscience du passé glorieux de Narbo Martius. Figurez-vous que la cité avait un amphithéâtre aussi grand que ceux des deux autres cités, et que son Capitole était deux fois plus grand que la Maison carrée de Nîmes. Mais au fil des ans, Narbonne a subi les assauts du temps, des invasions barbares et d'autres évènements, qui expliquent que la plupart des monuments antiques se retrouvent aujourd'hui réduits à leurs fondations et enfouis à 1 ou 2 mètres, sous la ville actuelle ou dans les étangs... Ce n'est pas tout : l'un des matériaux les plus utilisés à Narbo Martius, bien plus qu'à Nîmes ou Arles, était le marbre. Ce qui valut malheureusement à la plupart de ses monuments d'être détruits et de servir de carrière, pour construire d'autres bâtiments ou renflouer les quais de ses ports.

Des fouilles archéologiques d'une ampleur inédite

En 2010, des fouilles archéologiques d'une ampleur hors du commun ont débuté tout autour des étangs de Narbonne. Un chantier titanesque, qui a permis de découvrir des maisons du Clos de la Lombarde ou encore un tronçon de la Via Domitia en plein coeur de ville et de dégager des vestiges des remparts. Les découvertes réalisées par les archéologues permettent de reconstituer, à l'aide des outils numériques actuels, les richesses du passé, des embarcadères aux fresques d'époque, du Capitole à la villa impériale.

Narbo Via, un pôle culturel hors du commun

Un nouveau musée, situé au bord du canal de la Robine, redonne vie à ce passé de capitale romaine de Narbonne. Il devait ouvrir ses portes aux visiteurs fin 2020 ; il a finalement ouvert, Covid-19 oblige, au printemps 2021. Son objectif est simple : faire revivre la prestigieuse cité de Narbo Martius ! Ce pôle culturel, composé du musée Narbo Via, des galeries souterraines de l'Horreum et du site-musée archéologique d'Amphoralis, a vocation à devenir une référence nationale en matière de recherche archéologique et d'histoire antique, mais aussi un joyau régional en matière de patrimoine archéologique et méditerranéen.

- Le musée Narbo Via. Situé à l'entrée Est de la ville et le long du canal de la Robine, le musée Narbo Via propose aux visiteurs de découvrir à quoi ressemblait la cité de Narbo Martius sous l'Empire romain : organisation sociétale, urbanisme et architecture (vestiges monumentaux et décors fastueux des maisons du Clos de la Lombarde, plus belle collection de peintures gallo-romaines hors d'Italie) ; vie économique et portuaire, avec en filigrane un état des lieux des recherches et des fouilles en cours sur le territoire. Au-delà du parcours permanent, des expositions temporaires, ateliers, projections de films, nocturnes festives, découvertes des coulisses et des réserves du musée, visites des chantiers de fouilles sur le territoire auront également lieu... Ses jardins, avec leurs événements et spectacles de plein air, sa librairie-boutique et son restaurant parachèvent la vocation de ce lieu de vie ouvert sur la ville. Narbo Via étant également un pôle de recherche archéologique, il dispose d'un atelier de restauration (céramiques, mosaïques, enduits peints, fragments lapidaires) et d'une salle d'étude pour les collections ainsi que pour le mobilier archéologique, et d'un auditorium de 200 places qui accueille des conférences et des colloques. Véritable colonne vertébrale du bâtiment, un mur monumental composé de 760 blocs de pierre, issus pour la plupart des nécropoles romaines de la ville antique, ouvre le parcours des collections. Ce mur lapidaire armé de plusieurs grands écrans permet de restituer aux visiteurs la mémoire et la monumentalité de la ville romaine.

- L'Horreum (" entrepôt " en latin), au coeur de la ville moderne, se compose de galeries souterraines construites au Ier siècle avant notre ère et situées à 5 mètres au-dessous du sol actuel. On ne sait pas exactement à quoi servaient ces galeries : de fondations à des bâtiments ? de lieux de stockage pour les denrées vendues sur le marché voisin ? Ces galeries ont été classées au titre des Monuments historiques en 1961 puis aménagées et ouvertes au public en 1976. Avec les vestiges archéologiques du Clos de la Lombarde, l'Horreum est l'un des rares monuments romains visibles et visitables au centre de Narbonne. Ses bas-reliefs d'origine funéraire sont de véritables trésors évoquant d'anciens monuments disparus : amphithéâtre, théâtre, thermes, temples... La visite son et lumière évoque l'ambiance des marchés romains, des combats des gladiateurs, du forum...

Amphoralis. Le musée des potiers gallo-romains, situé à Sallèles d'Aude, à quelques kilomètres au nord de Narbonne, constitue un site unique où se mêle vestiges archéologiques d'un village de potier, musée moderne avec des outils de découvertes high tech, promenade au milieu des restitutions et des jardins romains reconstitués. Dans les années 1970, un couple de viticulteurs découvre tout à fait par hasard, en labourant profondément une de ses parcelles, de nombreux tessons de poteries antiques. Il y a quelque chose sous les vignes ! Plus question de creuser... Pendant une vingtaine d'années, les archéologues vont alors patiemment déterrer les vestiges d'une fabrique antique de poteries, avec notamment des fours exceptionnellement bien conservés. C'est ici qu'étaient produites les amphores gauloises à fond plat, destinées au transport des vins, mais aussi différents matériaux de construction (briques, tuiles) et de la vaisselle du quotidien. Ce complexe artisanal est une rétrospective du mode de vie de générations de potiers pendant plus de trois siècles (Ier au IIIe siècle de notre ère). Dans le parc, un parcours extérieur mène aux restitutions de fours et d'une habitation gallo-romaine, construits à l'identique des vestiges retrouvés. De nombreuses animations y sont organisées, notamment pour les enfants.

La Via Domitia

Cette grande voie commerciale reliait Narbonne à l'Italie d'un côté, et à la péninsule Ibérique de l'autre au IIe siècle avant J.-C. Elle a été découverte en 1997 tout à fait par hasard, sur la place de l'Hôtel-de-Ville, alors que la municipalité entreprenait des travaux d'urbanisme. Cette route devait notamment permettre aux armées romaines de circuler et de fonder facilement des garnisons destinées à protéger les villes romaines. Petit à petit, les marchands l'utilisèrent aussi pour le transport de leurs marchandises. Dans les villes qu'elle traverse, la Via Domitia était pavée ou dallée. Il suffit dès lors d'imaginer les chars romains rouler sur ces pierres polies pour se replonger dans l'ambiance de l'époque. A noter que les routes modernes empruntent encore souvent le tracé de la Via Domitia (N85 - N100 - A9...).

Le Clos de la Lombarde

Ce site archéologique est en réalité un ancien quartier résidentiel antique, habité à l'époque par des notables de la Narbonne romaine, qu'ils soient fonctionnaires, militaires ou commerçants. On y devine leurs rues, leurs maisons, des thermes, des ateliers artisanaux et une basilique paléochrétienne. Situé au nord de Narbonne, en bordure de la Voie Domitienne, il est proche d'une vaste nécropole, occupée par de grandes domus, dont les fameuses peintures à fresque sont présentées au musée archéologique.

Merci les Romains pour le bon vin !

Dès la conquête romaine, la culture de la vigne, alors un privilège de Rome, est autorisée à Narbonne. C'est ainsi qu'a commencé l'histoire viticole de la région. Ce sont les Romains qui ont implanté les vignes à Narbonne, d'abord sur le massif de la Clape puis dans la plaine de l'Aude. Et ce sont les exportations viticoles qui ont notamment fait de Narbonne un des plus grands ports romains de Méditerranée ! Les vins de Narbonne alimentaient la Gaule mais aussi les camps sur les rives du Rhin et du Danube, la Bretagne (l'Angleterre) et Rome. On a même retrouvé des amphores à vin gauloises aux confins de la Méditerranée orientale : Turquie, Égypte, Soudan. Comme les Grecs avant eux, les Romains étaient de fins connaisseurs de la viticulture. Oliviers et vignes sont donc introduits à Narbonne au Ier siècle de notre ère. Planté il y a plus de 2 000 ans par les Romains, le vignoble de Narbonne est l'un des plus anciens de France. Jamais, depuis son implantation romaine jusqu'à nos jours, la production de vin ne s'est arrêtée. Les domaines vignerons que vous voyez aujourd'hui sont d'ailleurs souvent bâtis sur d'anciennes villas romaines.