CANTILLON

Gueuze, Kriek, Rosé de Gambrinus, Faro, Iris, Vigneronne, Saint-Lamvinus, Fou'Foune, Lou Pepe,...

Deux mots viennent à l'esprit lorsqu'on évoque la brasserie : "familiale" et "naturelle". Familiale car la fringante centenaire n'a jamais changé de mains, le "patron" actuel étant l'arrière petit-fils de Paul Cantillon. Naturelle car la production de bières ne recourt à aucune sorte d'additifs, utilise la fameuse fermentation spontanée et est certifiée bio.
Nous parlons ici d'une brasserie mythique, célébrée jusque dans le pays de l'Oncle Sam. Sauvée d'une inéluctable disparition en 1968 par Jean-Pierre Van Roy, la brasserie Cantillon est aujourd'hui considérée en Belgique et dans plus de vingt pays comme une référence en matière de fermentation spontanée et donc de lambic et gueuze de tradition. Et nombre de bonnes tables étoilées n'hésitent pas à l'afficher sur leur carte. Jean-Pierre est officiellement retraité, ce qui ne l'empêche pas d'avoir des idées et de l'énergie à revendre, aux côtés de son fils Jean, qui a pris les commandes de la petite brasserie de la rue Gheude à Anderlecht. Il continue donc de hanter les dédales de « sa » brasserie en lui offrant la plupart de son temps libre.
L'histoire débute en 1900 lorsque Paul Cantillon quitte les lointains faubourgs de Lembeek pour s'installer à Anderlecht, dans le quartier de Cureghem, afin d'y installer sa brasserie. Le choix de l'endroit est motivé par des raisons fiscales mais aussi par la proximité de la gare du Midi, de la chaussée de Mons et des nombreux cafés de la capitale, à portée de charrette pour les livraisons.
La Gueuze Cantillon 100% lambic est évidemment élaborée par assemblage de deux ou trois millésimes de lambics différents. Une fois mélangés, ils sont mis en bouteilles, conservés en cave pendant douze mois en moyenne. C'est au cours de cette période de garde que la seconde fermentation s'en donne à coeur joie pour transformer les sucres résiduels en gaz carbonique. Une production standard est impossible à réaliser, en raison de la variation des conditions climatiques et des particularités de chaque fût utilisé, se plaît à souligner Jean Van Roy. La brasserie Cantillon utilise 850 kg d'orge malté et 450 kg de froment pour élaborer chaque brassin.
La Kriek 100% lambic nécessite 200 grammes de de griottes (en provenance de Pepingen, dans le Pajottenland) pour un litre de lambic âgé d'un an et demi. Une première fermentation en fûts lui donne son goût et sa couleur. Dès octobre, la fermentation secondaire en bouteilles démarre, amenant une saturation naturelle au bout de trois à cinq mois. La Kriek, bière d'été par excellence, est donc fin prête pour la dégustation dès les premières chaleurs de l'année suivante. Quant au lambic aux framboises, il s'appelle ici Rosé de Gambrinus, pour se démarquer des bières édulcorées.

Gueuzes, Krieks mais pas seulement...

Relancée en 1973 après une quarantaine d'années d'absence chez Cantillon, la Rosé (100% framboises) est élaborée de manière semblable à la Kriek et il est préférable de la consommer jeune. Les framboises utilisées proviennent essentiellement de Hongrie et de Serbie.
Anecdote : cette bière a eu son heure de gloire dans la revue Play-Boy, pour son étiquette -oeuvre de feu le peintre Raymond Coumans- un peu "légère" aux yeux du public américain.
A côté de ses productions " classiques", Cantillon élabore également la Grand Cru Bruocsella, avec des lambics âgés de trois ans, et une bière unique au monde : l'Iris. De fermentation spontanée elle aussi, elle est toutefois brassée exclusivement à base de malt -type Pale-Ale-, alors que le lambic contient normalement 35% de froment. Mûrie pendant deux ans en fûts et refermentée en bouteille, elle est également aromatisée de houblon frais, ce qui lui confère une amertume particulière.
Pour la petite histoire, sachez aussi que l'iris est la fleur emblème de la région de Bruxelles-Capitale. Evoquons encore la Vigneronne, élaborée avec de vrais raisins blancs d'Italie depuis 1973, la Saint-Lamvinus issue de la macération des cépages merlot et cabernet-franc, l'abricotée (et coquine !) Fou' Foune ou encore les cuvées particulières Lou Pepe et nous aurons fait le tour des différents brassins de la maison, au demeurant toujours aussi accueillante. Ce n'est pas tout : les Van Roy ont décidé de faire vieillir des lambics dans des amphores. A découvrir sur place, comme d'autres cuvées étonnantes...
Car Cantillon n'est pas engoncée dans un classicisme étouffant. La preuve, elle a récemment lancé deux nouvelles bières : l'une à la rhubarbe et l'autre à la fleur de sureau. La première s'appelle la Nath' (un clin d'œil à l'épouse de Jean). En hommage à son métier d'instit' maternelle, la Nath' aura une nouvelle étiquette chaque année, dessinée par des enfants. La seconde se nomme la Mamouche, en référence à la mère de Jean.
Pas mal de gens viennent de très loin, notamment de Chine, du Japon ou des USA et Cantillon est un parfois non pas une étape mais le but du voyage. Le succès est tel que la vente est limitée sur place à trois bouteilles maximum par personne... autant le savoir ! 30% de la production est consommée ou emportée en direct, 50 à 55% est vendu à l'étranger et le solde est commercialisé en Belgique... mais (plus) rien en grandes surfaces. Cantillon expédie évidemment ses flacons aux quatre coins du monde et est présent dans tous les Etats des USA, malgré une production limitée, que les clients s'arrachent.
Depuis quelques années, la brasserie stocke également ses lambics dans un bâtiment proche de la brasserie pour assurer leur vieillissement. Cet espace supplémentaire de garde a permis d'augmenter progressivement le nombre de brassins à 44, au lieu de 34. Cela a du se faire en trois "saisons" de brassage ; n'oublions pas que les lambics traditionnels ne sont brassés qu'en saison froide car la fermentation spontanée ne supporte pas les atmosphères trop chaudes. La production annuelle plafonne désormais deux mille huit cents hectolitres et c'est le maximum que la brasserie peut atteindre !