Guide de voyage Frégate
Enserré dans un anneau de corail, ce gros rocher granitique et verdoyant réveille assurément le Robinson d'opérette qui sommeille en chacun de nous. À 56 km de Mahé, l'île seychelloise la plus à l'est de l'archipel se révèle en effet un véritable éden de 3 km2. Un beau jour de mai 1744, Lazare Picault la découvrit, notant alors dans ses livres de bord la présence de nombreuses tortues de mer et d'innombrables oiseaux, de frégates surtout. Il baptisa donc ce morceau de terre l'île aux Frégates. Eau douce et nourriture à foison (tortues de mer et de terre, poissons et fruits) y attireront plus tard les pirates chassés des Caraïbes, puis de Madagascar, et à la recherche d'un abri. Plusieurs vestiges de leur passage furent mis au jour au siècle dernier sur la plage de Grand Anse : poteries, couteaux, sabres, haches et pièces de monnaie. On découvrit aussi des boulets de canon et trois tombes creusées dans le corail qui renfermaient des épées et des ossements. Aujourd'hui, quelques cavernes encombrées de roches et, à Anse Parc, quelques pierres entassées et appelées mur du pirate attestent encore de la présence de ces forbans, alimentant la légende selon laquelle rôderait parfois sur cette plage le fantôme d'un pirate à la recherche du trésor perdu... L'île a d'ailleurs attiré maints aventuriers, Ian Fleming en tête. Détenteur d'anciennes cartes de l'endroit, le père de James Bond aurait arpenté l'île de long en large, convaincu qu'elle recelait un trésor. Il est vrai que, perché sur les hauteurs du mont Signale (125 m), là où le regard se noie dans l'horizon, on imagine sans peine les forbans scrutant le lointain pour y repérer les navires marchands sillonnant l'océan. Il était facile aussi, sur ce lopin de terre, de trouver un endroit pour cacher un hypothétique butin. En dénicher un, à supposer qu'il existe, semble moins évident. Le mystère demeure et le rêve continue, avis aux amateurs !
Une nature généreuse. Pourtant, un trésor inestimable se trouve bien là, visible à l'oeil nu, à portée du premier individu qui débarque parmi les cocotiers, filaos, takamakas, papayers, mandariniers, bananiers, avocatiers, citronniers, manguiers, corossoliers, orangers, bigaradiers, caféiers, lianes de vanille, fleurs d'ylang-ylang et autres. Peter Hutley, qui acheta l'île en 1972, entreprit d'en faire un jardin. En quelques années, Frégate se couvrit d'arbres fruitiers, de plants de légumes, de massifs de fleurs ; de nombreux ouvriers contribuèrent à rendre l'île prospère. Les jardins furent, hélas, bientôt laissés à l'abandon et les herbes folles apparurent vite. Mais de savoureux héritages subsistent de cette période heureuse. Ah, quel plaisir, après avoir gambadé sur le glacis Cafoule, de se désaltérer avec une orange cueillie à même l'arbre ! Repaire de pirates, prolifique jardin et paradis des oiseaux, l'île a toujours été mystérieuse. Planant dans un ciel bleu infini ou sautillant dans les feuillages verts, des centaines de cardinaux, de tourterelles-coco, de sternes, de puffins et de frégates animent les lieux - ces aigles des mers au plumage vert sombre et à la queue fourchue ont près de 2 m d'envergure. On peut aussi y admirer le pigeon hollandais au brillant plumage bleu de jais et y entendre un oiseau rare au chant mélodieux, la pie chanteuse, cette dernière ayant même décidé de choisir Frégate pour dernier refuge, un zwazo dont il ne restait qu'une vingtaine de spécimens, en 1992, avant que l'association BirdLife ne vole à son secours. Aujourd'hui, elles seraient une centaine à y chanter. D'autres scientifiques, loupe à la main, étudient à Frégate une autre rareté : le tenebrionid géant, ou bib armé, sorte de scarabée creusant des minuscules tranchées sur le tronc des arbres. À cette faune riche s'ajoutent des scolopendres géantes, des araignées énormes et quelques scorpions venimeux. Pas d'inquiétude toutefois ! On croise davantage l'une des inoffensives et grosses tortues de terre qui peuplent l'île. Importées d'Aldabra dans les années 1950 et, pour certaines, centenaires, elles se la coulent douce depuis, se gavant en permanence de feuilles et de fruits tombés à terre.
Le rêve d'Otto Happel. Frégate l'écologiste... et Frégate l'hédoniste ! Car les millionnaires côtoient ici les naturalistes. À la rustique Plantation House, fermée en 1995, a en effet succédé l'un des plus éblouissants hôtels de la planète. Depuis octobre 1998, c'est même l'une des destinations les plus private de l'océan Indien (avec North Island). Un hôtel ? Pas vraiment d'ailleurs, puisqu'on est là sur une île privée, dont le propriétaire entend faire partager les délices à quelques hôtes fortunés, c'est-à-dire des privilégiés dont les dollars permettent de payer le personnel nécessaire à l'entretien de ce parc paradisiaque de 300 ha. Otto Happel s'est attaché à ce petit éden flottant dès ses jeunes années. Ayant exaucé ses rêves, fortune faite, il le traite comme un hobby, se le destinant en priorité et y accueillant ses amis célèbres comme ce fut le cas pour le changement de millénaire. On y a vu entre autres stars Richard Branson, Pierce Brosnan, Bill Gates, Serge Gainsbourg, Paul McCartney et Brad Pitt. L'industriel allemand (constructeur de tours de refroidissement pour centrales nucléaires) est ici chez lui, rien n'étant trop cher pour que Frégate soit l'île rêvée. Otto Hapel a même eu raison des éléments en y construisant un port de plaisance pour y ancrer, entre autres, son superbe yacht (de 52 m de long !). Les travaux furent pharaoniques, l'investissement total du chantier Frégate Island Private s'étant élevé, dit-on, à plus de 40 millions de dollars. Ce fut en effet un chantier d'envergure, trois bonnes années ayant été nécessaires pour que prenne forme, avec des travailleurs sud-africains, le kolossal projet d'Otto Hapel, qui a non seulement reboisé l'île (60 000 arbres y ont été plantés) mais l'a aussi civilisée, en y créant des petites routes bitumées et en y développant l'agriculture. Les fameux blocs de roche granitique seychelloise servent aujourd'hui d'écrin aux villas qui se succèdent à distance sur cette corniche panoramique, chacune d'elles permettant de s'octroyer quelques rochers en toute intimité. Ce refuge de 17 villas a fermé ses portes en février 2022 pour une rénovation qui va s'étendre a priori jusqu'au milieu de l'année 2025. Ce sanctuaire promet de rester exclusif et préservé et ce sont 18 villas beaucoup plus grandes qui vont se fondre à nouveau dans la nature. Habillées de verre, de pierre et de bois clair, elles seront à la pointe en matière d'économie d'énergie, notamment grâce au développement de l'énergie solaire. Le chantier, qui promet d'être très respectueux de la nature, va donc durer plus de deux ans et devrait livrer un nouveau site d'exception sur la carte des paradis de l'archipel.
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Guide SEYCHELLES
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