QUARTIER DE L'INOPOS

C'est l'un des plus beaux et des plus importants du site. Il faut imaginer l'importance de cet espace, adossé au mont Cynthe et légèrement en pente. Réputé pour ses mosaïques, ce quartier mêlant îlots d’habitation et temples orientaux doit son nom au ruisseau sacré, aujourd’hui asséché, qui descendait du mont Cynthe. Cela peut faire sourire, mais les anciens Grecs voyaient l’Inopos comme une résurgence du Nil, donnant même à l’unique petit cours d’eau de Délos le statut de dieu-fleuve. Rien que cela...

Maison aux Masques et maison aux Dauphins. Une première halte de toute beauté vous amène déjà ici. Le sentier venant du quartier du Théâtre passe entre ces deux riches maisons isolées abritant des mosaïques spectaculaires. La plus grande, sur votre droite, est celle dite aux Masques. Il s’agit en réalité d’un îlot d’environ 1 ha regroupant quatre habitations construites entre 150 et 100 av. J.-C. Attardez-vous autour de l’atrium restauré de l’habitation principale : plusieurs salles ici sont ornées de mosaïques. La plupart sont sur le thème du théâtre, avec notamment des masques de comédiens. Cependant, on y verra aussi la danse du satyre Silène et une magnifique représentation d’Apollon apprivoisant une panthère en Inde. En ressortant, tout de suite à gauche du sentier, vous ne manquerez pas la maison aux Dauphins qui s’étend sur 315 m² et date elle aussi du II^e siècle av. J.-C. Ses murs conservent des fragments d’enduit et de peinture décorative. Son atrium abrite surtout une très rare mosaïque représentant quatre dauphins portant les attributs de dieux grecs. D’une part, celle-ci est circulaire est non pas rectangulaire. Et, surtout, cette rosace fait partie des six mosaïques de l'Antiquité grecque à être signées. L’artiste qui a réalisé l’œuvre est un Phénicien nommé Asklepiadès d’Arados. Arados, c’est le nom de l’île syrienne aujourd’hui appelée Arouad. Les historiens imaginent donc que le propriétaire de la maison était lui-même un négociant phénicien, ce qui est tout à fait possible dans ce quartier très « oriental ».

Terrasse des dieux étrangers. Au pied du mont Cynthe et 70 m à l’est de la maison aux Dauphins commence une succession de temples et sanctuaires en ruine honorant des divinités orientales. Au cœur de cette terrasse qui s’étire sur 220 m de longueur du sud au nord, un seul petit temple grec, l’Héraion. Il est dédié à Héra, la femme et sœur de Zeus. Datant du VI^e siècle av. J.-C., l’édifice est signalé par deux colonnes relevées en façade. Il resta longtemps isolé avant que les marchands syriens, phéniciens et égyptiens viennent s’installer dans le quartier de l’Inopos à partir du III^e siècle av. J.-C. Les conquêtes d’Alexandre le Grand (334-323 av. J.-C.) avaient alors resserré les liens entre la Grèce et l’Orient, et Délos, plaque tournante du commerce en Méditerranée, attirait une nouvelle population dont les coutumes étaient d’autant bien acceptées que se développait un syncrétisme gréco-oriental. Du sud au nord, se succèdent deux mini-sanctuaires où étaient honorées Isis, Sérapis et Anubis, divinités égyptiennes hellénisées. Le second abrite un temple d’Isis dont la façade a été restaurée. Puis, de part et d’autre du sentier, vous trouverez deux temples dédiés uniquement à Sérapis (Sarapieion B et Sarapieion C). La terrasse s’achève avec le sanctuaire des dieux syriens Atargatis et Hadad. Là, dans un petit théâtre encore bien dessiné, le public assistait à des orgies rituelles données en l’honneur d’Atargatis, déesse de la fertilité assimilée à Aphrodite. Par ailleurs, non loin de là, sur les pentes du mont Cynthe, subsistent les vestiges de deux autres bâtiments religieux « orientaux » : le Samothrakéion, érigé dès le IV^e siècle av. J.-C., où étaient honorés les Grands dieux de Samothrace, les Cabires, un vieux culte initiatique mal connu importé par les Phéniciens ; le sanctuaire des dieux d’Ascalon, où la petite communauté arabe de Palestine, installée à Délos vers 170 av. J.-C., honorait Palestinè Aphrodite et Poséidon d'Ascalon.

Vers le musée ou vers le mont Cynthe. Au niveau de la terrasse des dieux étrangers, vous avez le choix : poursuivre à gauche vers le Musée archéologique pour découvrir le reste du quartier l’Inopos ou grimper à droite vers le mont Cynthe. Notez que le mont Cynthe est le point "culminant" de Delos, même s'il toise l'île du haut de ses "seulement" 115 m, au sud-est du sanctuaire d'Apollon. Ce promontoire, où s'élevait un sanctuaire dédié à Zeus et Athéna, a aussi valu à l'île le nom de Cynthia.

Réservoir de l’Inopos. En poursuivant vers le musée, le sentier longe le vallon de l’Inopos où un barrage et un bassin de retenue captaient l’eau du ruisseau intermittent. Le réservoir lui-même date de la fin du V^e siècle. Construit en blocs de poros, le tuf local, et scellé au plomb, il permettait de stocker l’eau en été, lorsque l’Inopos était asséché. L’ensemble fut complété par un aqueduc romain au début de notre ère.

Maison de l’Inopos et maison de l’Hermès. Vous trouverez ici de belles maisons en grande partie restaurées, ce qui en fait une étape particulièrement intéressante sur le site. Construites de part et d’autre du vallon de l’Inopos, ces deux grandes maisons datent du II^e siècle. Celle de l’Hermès comptait trois étages et deux sont toujours existants. Elle fut nommée ainsi suite à la découverte en 1948 d’une tête barbue du dieu. Exposée au musée de l’île, elle est attribuée à Callimaque, grand sculpteur athénien du V^e siècle av. J.-C.