Découvrez TANGER : Architecture (et design)

Lumineuse et mystérieuse, telle est « la blanche cité d’Hercule ». Impossible de ne pas être fasciné par le dédale labyrinthique de sa médina ou par son enchevêtrement étrangement harmonieux de styles architecturaux retraçant sa riche histoire… Une histoire qui remonte à l’Antiquité et dont les alentours de la ville conservent d’impressionnants témoins. Puis Tanger a vu se développer au fil des siècles un style hispano-mauresque dont la richesse décorative souligne les splendeurs d’une fascinante architecture islamique. La ville nouvelle, elle, offre un étonnant mélange des genres entre folies historicisantes et lignes Art déco. Aujourd’hui, Tanger a pris conscience de la nécessité de protéger et valoriser son patrimoine, mais la ville n’en est pas moins tournée vers l’avenir, comme le prouve le gigantesque Tanger Med au schéma directeur dessiné par Jean Nouvel. Alors, à vous désormais de tenter de percer les secrets de la belle Tanger !

Trésors antiques

Non loin de Tanger, entre Larache et Asilah, se cache l’un des sites archéologiques les plus étonnants de tout le pays : le Cromlech de M’Soura. 170 menhirs, en position dressée pour la plupart, et dont la hauteur varie de 50 cm à 6 m, y sont placés en cercle autour d’un tertre funéraire. Les alentours de Tanger abritent également d’incroyables trésors antiques. Les ruines de la cité de Cotta sont à voir sur le Cap Spartel. Vous y découvrirez notamment les vestiges d’un temple, de thermes et de fermes, ainsi que de grandes cuves cimentées qui témoignent de l’existence d’huileries et d’usines à garum (condiment très prisé par les Romains et fabriqué à partir de laitance de poissons).

Mais le site qui illustre le plus spectaculairement toute l’ingéniosité et la splendeur de l’architecture romaine est sans conteste le site archéologique de Lixus, non loin de Larache. C’est là que fut retrouvée la plus importante usine de salaison du Maroc qui comprend une dizaine d’ateliers et près de 150 bassins. En parallèle de ces installations quasi industrielles s’est développée une authentique cité avec son théâtre qui possède non seulement un hémicycle en gradins, mais aussi, chose plus rare, une arène ; et ses thermes avec un tepidarium (salle tiède) dont on peut admirer le superbe pavement en mosaïques réalisé en marbre, gré et céramique, comprenant des médaillons aux motifs géométriques et floraux et une magnifique représentation de Neptune. L’appareillage cyclopéen (en pierre massive) des fondations de l’Acropole témoigne de l’importance de cet espace où se déploie une série de temples dont le Temple F à la cella (sanctuaire contenant la statue de la divinité célébrée) bordée d’élégants portiques.

Splendeurs hispano-mauresques

A Tanger, comme dans les villes alentour, se sont développés un urbanisme et une architecture profondément influencés par le style hispano-mauresque qui fut tout à la fois déployé par les Arabes revenus au Maroc après avoir été chassés d’Andalousie, et par les Espagnols eux-mêmes, qui gardèrent longtemps la mainmise sur la zone. Cet héritage stylistique se lit notamment dans la grande richesse décorative des édifices où se mêlent sculpture de bois, ferronnerie d’art, splendides zelliges (céramiques), décors de stucs et de plâtres, jeux d’arcatures aux motifs géométriques ou floraux sculptés, et dans une architecture de l’eau où règnent fontaines, patios et bassins.

Courant sur plusieurs kilomètres, étendant leurs silhouettes massives et crénelées, dont les parties les plus anciennes furent édifiées au XVe siècle par les Portugais avant d’être renforcées au XVIIe siècle par Moulay Ismaïl (tout comme ceux d’Asilah et de Chefchaouen), les remparts de la ville témoignent d’une puissante architecture défensive dont les portes monumentales appelées Bab sont les plus fières représentantes. Souvent encadrées de bastions et couronnées de merlons, ces portes impressionnent également par leur répertoire décoratif qui mêle jeux d’arcatures (en plein cintre, en fer à cheval…) et motifs floraux ou géométriques. A Tanger, la Bab Al-Fahs est un superbe vestige de cette puissance passée, tout comme la Porte de la Mer à Asilah. Mais c’est sans doute la ville de Tétouan qui possède le plus bel exemple de cette architecture défensive avec sa muraille historique courant sur près de 5 km et percée de 7 portes ouvragées, dont la très belle Bab Al-Oqla.

Chefchaouen et Tanger notamment possèdent également un autre type d’architecture fortifiée : la kasbah, tout à la fois citadelle et palais du souverain, édifiée sur les hauteurs de la médina. A Tanger, la kasbah abrite l’un des plus beaux édifices de la ville : le Dar el-Makhzen, superbe palais dont vous admirerez les revêtements en zellige, les plâtres ciselés, les coupoles en bois peint ou sculpté, les colonnes galbées, les chapiteaux en marbre blanc des colonnes de son patio, son jardin aux accents andalous et surtout l’ancien trésor, salle hypostyle au plafond de cèdre peint supporté par 16 colonnes. C’est à l’ombre de ces puissantes fortifications que se déploient les légendaires médinas. Passages voûtés ou à encorbellements, venelles étroites, arcades surplombant les ruelles, et volées d’escaliers s’y entremêlent dans un dédale labyrinthique desservant places (souvent bordées d’arcades à la mode espagnole), marchés et fontaines aux élégants décors de céramiques tout en courbes et entrelacs. Pour se repérer, certains avaient même imaginé un système spécifique de pavage des rues, comme à Tétouan, dont les rues principales menant aux portes de la médina se distinguaient par 4 rangées de pavés. Ce dédale revêt un caractère d’autant plus mystérieux que les murs longeant les ruelles y sont quasiment totalement aveugles. Derrière d'imposantes portes élégamment décorées de ferronneries et de boiseries sculptées, de peintures et d’impressionnants clous en cuivre, et souvent protégées par des porches sculptés ou des auvents en bois de cèdre et recouverts de tuiles vernissées, se découvre un univers unique et intime. Tout se joue à l’intérieur, autour d’un jardin orné d’une vasque ou d’une fontaine. Cette oasis de fraîcheur est bordée de galeries desservant les différentes pièces de la maison. C’est ce jardin qui distingue les riads des dars, maisons simples de plain-pied ou à un étage organisées autour d’une cour intérieure ouverte. Les toits de ces demeures sont le plus souvent aménagés en terrasse et leur juxtaposition crée comme une seconde ville suspendue. A Chefchaouen, cet habitat urbain possède deux autres étonnantes caractéristiques : des toits recouverts de tuiles romaines donnant à l’ensemble un aspect résolument méditerranéen, et surtout un revêtement oscillant entre le bleu et le mauve sensé tout à la fois préserver la fraîcheur et protéger des insectes !

C’est également au cœur de cette médina que se déploient les splendeurs de l’architecture islamique au premier rang desquelles les mosquées. Ces dernières s’organisent autour d’une cour bordée de portiques avec en son centre une fontaine ou un bassin à ablutions. La vaste salle de prière, souvent plus large que profonde, abrite deux éléments phares et souvent objets de toutes les attentions décoratives : le mihrab, niche creusée dans le mur indiquant la direction de La Mecque, et le minbar, la chaire à prêcher. A l’angle des mosquées, le minaret, d’où le muezzin effectue les appels à la prière, impose avec élégance sa silhouette carrée ou octogonale, parfois ornée de faïences ou de motifs géométriques sculptés, couronnée de merlons et surmontée d’un lanternon que surplombe parfois une décoration faite de 3 ou 4 sphères de cuivre superposées de taille décroissante baptisée jammour.

Parmi ces chefs-d’œuvre de l’Islam, ne manquez pas à Tanger la Mosquée Sidi Bou Abid et son minaret entièrement recouvert de faïences polychromes, la Grande Mosquée (construite en lieu et place d’une ancienne cathédrale portugaise !) et le superbe minaret de la Casbah avec ses faïences et merlons. A Tétouan, ne manquez pas la très belle Mosquée Sidi Es-Saïd au minaret décoré de zelliges et la Mosquée Sidi Ben Messaoud à la superbe entrée sculptée. Mais c’est bien Chefchaouen, considérée comme un authentique bastion de la foi, qui abrite le plus grand nombre de mosquées, sanctuaires et minarets aux formes variées oscillant entre formes massives et carrées, et formes élancées et polygonales. La médina abrite également des médersas (écoles coraniques), elles aussi organisées autour d’une cour intérieure ornée d’un bassin à ablutions et ceinte d’élégantes arcades ; des fondouqs, ces hôtels-entrepôts comprenant des boutiques en rez-de-chaussée et des galeries desservant des chambres à l’étage ; des bains et hammams ; et bien sûr les légendaires souks. Malgré leur apparence parfois quelque peu désordonnée, ces hauts lieux de commerce et d’échange obéissent à une organisation très logique, chaque pôle artisanal possédant sa zone. Les allées des souks sont souvent couvertes de treilles permettant de garantir ombre et fraîcheur.

Mélange des genres

A partir du XIXe siècle, la présence des Européens, et des Français notamment, se traduit par un phénomène d’occidentalisation de l’urbanisme et de l’architecture. Des villes nouvelles sortent de terre à l’extérieur des médinas suivant des plans réguliers rythmés par de larges artères bordées d’édifices où l’on voit apparaître de grandes fenêtres, des balcons et souvent des toits mansardés. Ces nouveaux quartiers succombent d’abord aux sirènes d’un éclectisme résolument historicisant. Les quartiers de la Montagne (qui possède un cimetière pour chiens… sans doute le plus européen des ajouts urbains !) et de Marshan (le quartier des légations) se parent d’authentiques folies architecturales, entre villas néo-mauresques, villas alsaciennes et palais coloniaux comme la Villa Mabrouka ou le Palais Mendoub. Les plus étonnants représentants de cette fièvre éclectique sont sans doute l’église Saint-Andrew qui mêle les lignes très sobres de l’anglicanisme à un décor résolument baroco-mauresque, et bien sûr l’ancienne légation allemande baptisée « les Terrasses Renchhausen » aux lignes mêlant harmonie classique et décor très rococo prussien. Ceuta possède également de beaux exemples de cet éclectisme, mais ici résolument influencé par l’Espagne dont la ville est une enclave. N’y manquez pas la Plaza de los Reyes avec son arc de triomphe et la Maison des Dragons, mêlant décors et arcades mauresques et toiture mansardée à l’Européenne.

Sous l’impulsion de l’architecte espagnol Diego Jimenez Armstrong, Tanger va se parer des couleurs de l’Art nouveau, dont le plus beau représentant est le Grand Théâtre Cervantès couvert des sculptures du Sévillan Candido Mata Canamaque ; avant de se transformer dans un tourbillon Art déco, que certains voient comme le parfait trait d’union entre les formes géométriques de l’art islamique et les lignes épurées du modernisme européen. Parmi les plus beaux représentants de ce courant, notons : la Cinémathèque à la façade colorée et au sol en terrazzo (matériau constitué de fragments de granit et de marbre colorés) ; et l’Hôtel El-Minzah qui mêle sobriété des lignes extérieures et riche patio andalou.

Le quartier de Marshan abrite également de nombreux immeubles de style paquebot, une variante de l’Art déco, que l’on reconnaît à ses fenêtres hublots et aux courbes des balcons ouvragés tels ceux des cabines de bateau. Les grandes artères de la ville nouvelle vont ensuite se transformer en authentiques laboratoires de la modernité dont les plus étonnants représentants sont les édifices publics aux lignes fonctionnalistes empruntées à Le Corbusier, le Cinéma Roxy avec son imposante façade pavée de verre qui oscille entre le style Bauhaus et le style international, ou bien encore les immeubles des 60s que l’on reconnaît à leurs halls d’entrée tout en marbres, bronzes et boiseries, sans oublier l’étonnante Cathédrale Notre-Dame de l’Assomption, tout en béton bleu et blanc qui annonce l’avènement du brutalisme. Autant de styles qui confèrent à Tanger une atmosphère unique.

Effervescence contemporaine

Dès les années 60, un exode rural massif entraîne une croissance urbaine que la ville ne parvient pas à juguler, voyant se multiplier d’immenses bidonvilles où villas et HLM de piètre qualité côtoient des habitations précaires faites de tôle et de bois. Selon les mots du grand écrivain Tahar Ben Jelloun, « ces villes nouvelles étaient alors dominées par les désordres et l’improvisation ». Une situation qui n’empêche pas le développement du tourisme de masse qui entraîne une bétonisation du littoral et la création de gigantesques complexes hôteliers avec hôtels, casinos et marinas comme sur le Cap Malabata. Mais dès cette période, certains optent pour des projets différents, plus personnels. Mohammed Benaïssa, le maire d’Asilah, décide de transformer sa ville en œuvre d’art et de créer de nombreuses manifestations culturelles, comme celles du mois d’août qui invitent des artistes du monde entier à couvrir les murs de la médina de leurs œuvres et même à en repenser le pavage. A Ceuta, c’est le célèbre architecte Cesar Manrique, à qui l’on doit certains des plus beaux projets architecturaux des Canaries, qui imagine le Parque Maritimo del Mediterraneo. Manrique s’est inspiré des remparts de la ville pour redessiner le front de mer en y intégrant deux piscines d’eau salée, des hôtels et restaurants et même une petite île artificielle pour le casino.

Les années 80 marquent pour Tanger les débuts d’une prise de conscience : celle de la nécessité de préserver le patrimoine ancien et de mener campagne contre la bétonisation à outrance du littoral. C’est grâce à l’action de nombreuses associations de protection que le port de pêche originel de la ville a pu être restauré au pied de la médina et que le grand port commercial a été déplacé à près de 40 km de là. Ce gigantesque complexe maritime baptisé Tanger Med porte la marque du célèbre architecte Jean Nouvel. C’est lui qui a dessiné le schéma directeur de Tanger Med I et II, et c’est à lui que l’on doit le centre d’affaires du complexe qu’il a organisé autour de cours et terrasses et dont la façade, d’une blancheur immaculée s’étendant sur 450 m de long et 50 m de large, est rythmée de motifs en moucharabiehs sculptés comme de la dentelle. Le projet « Tanger Métropole 2014-2017 », dont les effets se font sentir aujourd’hui encore, a également permis de booster le développement urbain, tout en essayant d’appliquer à la ville un plan directeur raisonné avec destruction des bidonvilles et création de cités populaires mieux reliées à la ville, telle la Nouvelle Ville Ibn Batouta, proche de l’aéroport, qui dispose d’un nouveau stade et surtout d’un nouveau CHU qui s’inspire de l’architecture locale avec ses moucharabiehs, son grand auvent et son parvis monumental conçu pour contrer la chaleur et filtrer la lumière. De nouveaux édifices sont également apparus en cœur de ville comme le Tanger City Center avec sa façade revêtue d’un écran de verre fumé, ou bien encore la nouvelle gare aux volumes simples et aux tours carrées décorées de mosaïques rappelant l’architecture islamique. En parallèle, certains architectes font le choix de la réhabilitation pour permettre à la ville de renouer avec son histoire. C’est notamment le cas avec le musée d’art moderne ouvert fin 2021 dans l’ancienne prison de la Kasbah dont la structure originelle a été conservée, et avec le projet qui vient d’être lancé pour redonner son éclat aux anciennes Arènes de la ville, dont la structure originelle en brique sera conservée tout en étant protégée par une structure légère pensée sur le modèle des velums romains. Ce projet est d’ailleurs l’un des premiers à avoir fait l’objet d’un concours d’architecture… le début d’une nouvelle aventure pour Tanger !

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