Découvrez MOSCOU (МОСКВА) : Beaux-Arts (Peinture / Sculpture / Street Art / Photo)

La puissante capitale russe se transforme à vive allure. Entre histoire et modernité, la ville où art et politique s’entremêlent depuis des siècles se convertit à l’esprit arty typique des métropoles occidentales. Ses entrepôts sont aménagés en plateformes culturelles tournées vers le monde. Car Moscou est désormais le rendez-vous des collectionneurs d’art contemporain. Celle qui fut surnommée la Troisième Rome propose une multitude de musées qui valorisent les avant-gardes qui ont révolutionné l’histoire de l’art international. La Russie est également la patrie des icônes. Pour compléter les collections d’images saintes de la capitale, un parcours dans l’Anneau d’Or s’impose. Cette vaste région aux terres fertiles a vu émerger au Moyen Âge de somptueuses cités princières. Poètes, musiciens, peintres et écrivains se sont longuement inspirés de ses espaces verdoyants et ont contribué à rendre chaque étape unique.

Moscou médiévale

La capitale russe naît d’une agglomération fortifiée au Xe siècle. Son développement est retracé au musée d’Archéologie installé en sous-sol sur le site même des fouilles. Considéré comme le fondateur de Moscou, Youri Dolgorouki bâtit en 1156 un kremlin incluant le jeune bourg marchand. Par la suite, le joug tatar repousse les princes russes hors des villes, le long de la Volga. Alexandre Nevski, héros national et figure sainte, installe son fils Daniel à Moscou.

L’art des icônes se diffuse en Russie à compter du XIe siècle. Ces images, qui ont pour vocation d’accompagner la prière, sont peintes par des moines. Les religieux sédentaires copient les traditions locales tandis que les plus nomades intègrent de nouvelles influences. Le musée Andreï Roublev conserve des œuvres religieuses de réputation mondiale allant du XIe au XVIIe siècle, telles que des peintures des ateliers de Macaire (région de Moscou) et l’icône maniériste intitulée Sauveur de Gavchinki. De Roublev, la galerie Tretiakov possède dans son exceptionnelle collection d’icônes dont La Trinité. Également appelée l’Hospitalité d’Abraham, elle montre trois anges auréolés d’harmonie et de paix.

Âge d’or de l’icône orthodoxe

L’icône orthodoxe atteint son âge d’or aux XIVe et XVe siècles, alors que l’Europe occidentale délaisse cet art. Plusieurs écoles d’iconographie voient le jour, notamment à Kiev, Souzdal et Moscou, qui s’affirme comme un grand centre de production. Ivan Ier obtient le soutien de l’Église et Moscou devient en 1327 la capitale d’un territoire en extension. Pendant plus de quarante ans, Ivan le Grand mène une politique d’unification. Le pays ainsi consolidé s’ouvre aux apports extérieurs.  

En 1395, le prince Vassili rapporte à Moscou l’icône byzantine représentant la Vierge Marie et l’Enfant Jésus, offerte à la Russie par Constantinople. Cette même année, l’impitoyable Tamerlan convoite la capitale. Au lieu de prendre les armes, les Moscovites prient Notre-Dame de Vladimir. Tamerlan se ravise et Moscou échappe au pire. Puis en 1451 et 1480, les Mongols menacent d’incendier Moscou. De nouveau, les orthodoxes prient l’icône et la Vierge Marie exauce leurs vœux. Dès lors, les Russes vouent à l’icône une réelle vénération.

La grande époque de l’icône orthodoxe s’essouffle au XVIe siècle. Néanmoins ces images saintes restent un élément traditionnel présent dans tous les foyers russes. Au début du XVIIe siècle, l’accession de Michel Romanov sur le trône marque le début d’une période de stabilité. Le dernier tsar de la Russie médiévale, Alexis Romanov, s’éteint en 1676.

Temps modernes

Moscou est entièrement reconstruite au cours du XIXe siècle. Au tournant du siècle est édifié le Musée Alexandre III, rebaptisé musée des Beaux-Arts Pouchkine. Conçu comme un centre d’études, des répliques des chefs-d’œuvre de la sculpture mondiale sont commandées aux meilleurs ateliers européens pour servir de modèle aux élèves. De nos jours, sa collection riche en originaux englobe 670 000 pièces couvrant toute l’histoire de l’art : Égypte antique, Renaissance italienne et flamande, mais aussi Van Gogh, Chirico, Dufy, Gauguin, Braque et bien d’autres.

Entre 1907 et 1917, une avant-garde d’un dynamisme sans précédent se met au service de la société émergente. Ces artistes aspirent à produire un art collectif qui transmette un message politique au grand public. La solution est apportée par le théâtre. Tatline, Natalia Gontcharova et Malevitch réalisent des décors de spectacle.

La première œuvre abstraite est peinte en 1913. Par qui ? Difficile d’affirmer avec certitude si la Composition de Kandinsky a réellement précédé l’esquisse du Carré noir sur fond blanc réalisée par Malevitch pour le décor de l’opéra futuriste la Victoire sur le Soleil. Une chose est sûre, l’abstraction a bouleversé la notion d’art. 

Malgré le contexte d’instabilité et de fragilité économique, l’avant-garde jouit d’une liberté inédite. Ses représentants fondent 36 musées et révolutionnent le système d’enseignement. À Moscou, l’unité artistique dirigée par Tatline regroupe Kandinsky, Malevitch et Rozanova. Dans les collections qu’ils constituent, la préférence va au futurisme et au suprématisme. La Russie devient le premier pays à exposer de l’art abstrait. Ce réseau emmené par Rodchenko élit Moscou parmi les 13 « musées de culture artistique ». Les jeunes artistes qui soutenaient le suprématisme s’en détournent pour former autour de Tatline le constructivisme, un art anonyme qui fait appel à la technique de l’artiste-ouvrier.

Malevitch se marginalise. Néanmoins, en 1919, à la 10e exposition d’État « création abstraite et suprématisme », il montre ses carrés blancs sur fond blanc auxquelles Rodchenko répond avec ses carrés noirs sur fond noir. L’avant-garde russe occupe une place de choix au musée d’Art moderne – MMOMA qui abrite également des sculptures et lithographes de maîtres du XXe siècle et de l’art actuel.

Art et politique

Avec l’avènement au pouvoir du Parti communiste, les icônes sont prohibées, au même titre que tout symbole religieux. En 1918, Lénine transfère la capitale de la Russie soviétique à Moscou. De nombreuses églises historiques sont rasées pour faire de la place à ses grands projets. Sous Staline, des gratte-ciel sont érigés et les avenues prolongées avec magnificence pour concurrencer l’Amérique. 

Rodchenko (1891-1956) peintre, sculpteur et designer associé au constructivisme a fortement influencé la photographie. Il se tourne vers cette discipline en 1924 pour prolonger ses expériences picturales en variant les points de vue et le cadrage. Il réalise également des portraits et est chargé de couvrir la construction du canal de la mer Blanche à la Baltique. Ce faisant, il continue de publier des albums à la gloire de l’Union soviétique. Sa collection privée se trouve au musée Pouchkine de Moscou.

À l’opposé, les pictorialistes Alexandre Grinberg, Max Penson, Iouri Eremine et Nikolai Svichov-Paola recherchent l’esthétique. Max Penson s’intéresse à la photographie dès 1921. Ce courant rapproche la photographie de la peinture pour sa valeur artistique qui repose sur l’intervention « humaine », à savoir les manipulations et les traitements apportés à l’image. La Maison moscovite de la photographie abrite des collections classiques et contemporaines d’artistes majoritairement russes. Ouvert aux photographes étrangers, le Centre de la Photographie Lumière organise des expositions temporaires pointues.

De nos jours

Le foisonnement de galeries et de centres d’art contribue au nouvel art de vivre trendy de Moscou. Seul bémol : inutile de traquer le street art. Suite à un récent décret, les rares œuvres urbaines sont systématiquement effacées. En revanche, les jeunes institutions moscovites aiment la jeune génération. Le musée d’Art contemporain Garage s’attache à faire connaître au grand public des œuvres d’art contemporain du monde entier. Le Centre d’art contemporain Winzadov, installé dans une ancienne brasserie reconvertie, réunit galeries d’art moderne russe, ateliers d’artistes, un café et une salle de concert. Plusieurs grands projets sont en préparation, tous financés par des hommes d’affaires, comme le très attendu centre d’art contemporain qui verra le jour au cœur de la ville.

Anneau d’Or

La région luxuriante de l’Anneau d’Or s’étend entre la Volga et la Kliazma. Elle abrite de remarquables cités princières bâties entre le XIIe et le XVIIe siècle. Plusieurs siècles de l’histoire russe se retracent dans ces musées de plein air qui foisonnent de joyaux de toutes les disciplines artistiques.

Accessible en train de banlieue, Serguiev Possad est l’unique cité de l’Anneau d’Or intégrée à l’oblast de Moscou. Au sein de son monastère, célèbre pour ses coupoles bleues étoilées, la cathédrale de la Trinité est parée de fresques du grand peintre Andreïv Roublev.

Plus loin, dans la région de Iaroslavl, Pereslavl Zalesski s’impose comme l’une des plus anciennes cités du circuit. Au bord de la rivière, la cathédrale de la Transfiguration du Sauveur, où le prince Alexandre Nevski aurait été baptisé, abrite des fresques récemment restaurées. Le cours de la Volga se poursuit jusqu’à Iaroslav, prisée pour ses ornementations murales. En 1658, l’incendie de la ville épargna miraculeusement l’intérieur de l’église du Prophète-Élie. Après quoi elle fut décorée de fresques signées par deux artistes de Kostroma : Nikitine et Savine. Autour de l’iconostase sculptée, leurs œuvres illustrent la vie du prophète parmi des scènes de la vie rurale. 

Le Musée d’art présente les icônes de l’école de Iaroslav dont le célèbre Christ Pandokrátor du XIIIe siècle. Également une galerie de portraits anciens de petits bourgeois locaux et une salle d’avant-garde russe. 

Deux sculptures publiques à voir : le monument aux morts qui montre le soldat allié à l’ouvrière. Plus moderne, la sculpture noire de la Trinité réalisée par Mukhin en 1995 à l’occasion du millénaire de l’évangélisation de la Russie. Il émane des trois silhouettes épurées une profondeur bouleversante.

La petite ville de Rostov renferme plusieurs musées intéressants dont le musée régional des Beaux-Arts riche de plusieurs collections : art russe du XVIe au XIXe siècle, icônes anciennes, art profane ancien, mais surtout toiles, dessins et sculptures du début du XXe siècle. Après un détour par le musée des Émaux, ne manquez pas les trois églises typiques du baroque moscovite, entièrement recouvertes de fresques.

Kostroma, berceau de la maison des Romanov et destination la plus éloignée de Moscou. Le monastère de l’Épiphanie d’Anastasia abrite l’icône de la mère de Dieu Fedorov, vénérée par la communauté orthodoxe. Datée du Xe siècle, elle aurait été peinte par l’évangéliste Luc. L’église de la Résurrection de la Debra semble irréelle avec ses façades sculptées et ses fresques colorées. Les insertions qui ornent ses portes à l’effigie d’une licorne, d’une sirène et d’un aigle à deux têtes sont associées à la fête de la Résurrection.

Moins touristique, Ivanovo, capitale du calicot, possède un riche musée des Beaux-Arts englobant des antiquités, de l’art européen des cinq derniers siècles et de nombreux maîtres russes.

Vladimir fut fondé en 1108. L’ancien village fortifié a vu éclore une ville moderne jalonnée de précieux vestiges. Une longue promenade vous conduira de ses nombreuses portes aux diverses cathédrales de la place Sobornaya. La cathédrale de la Dormition abrite de précieuses fresques réalisées par Andreï Roublev, le plus célèbre peintre d’icônes russes. À l’extérieur, le monument du prince Vladimir et de saint Théodore se dresse sur les hauteurs du parc Pouchkine, en surplomb de la rivière Klyazma. La statue en bronze montre le prince à cheval accompagné d’un évêque à pied. Tout près, la paisible bourgade de Souzdal à l’architecture en bois offre une image quasi intacte de la Russie du XIIe siècle.

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