Découvrez DJIBOUTI : Littérature (BD et actualité)

La notion de littérature djiboutienne ne peut s’entendre qu’au pluriel, et cette pluralité ne s’appréhender que comme le gage d’une richesse culturelle. Dans un pays dont les frontières ont été définies arbitrairement suite à la colonisation de la fin du XIXe siècle, deux ethnies majoritaires ont été réunies, les Issas, qui parlent le somali, et les Afars qui usent d’une langue éponyme. Ces idiomes s’écrivaient déjà, notamment grâce à l’alphabet arabe, mais l’arrivée du français accéléra la transition de la tradition orale vers la littérature écrite, d’une part parce que la scolarisation enfantine, instaurée tardivement, a fini par se développer, d’autre part parce que la presse, tout d’abord réservée aux colons, a ouvert ses colonnes aux plumes autochtones. De ce faisceau de circonstances émerge une littérature djiboutienne de langue française dont Abdourahman A. Waberi est le digne représentant au niveau international.

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La tradition orale

Il se murmure qu’une ogresse arpentait la région. Corps de vieille femme, tête de hyène, Bouti dévorait ici un enfant isolé, semait là terreur et confusion. Quand elle tua une famille entière, les sages se réunirent et convoquèrent les guerriers afin qu’ils mettent fin à ses agissements. De la vengeance obtenue naquit un mythe, celui de la défaite de Bouti (Djab-Bouti) que les Français comprirent - phonétiquement - Djibouti. Les légendes cohabitaient avec les anecdotes chez les peuples nomades qui arpentaient sans cesse la Corne de l’Afrique, mais la riche tradition orale sous-entendait aussi des règles et des métriques qui font qu’il est impossible de ne pas la rapprocher de l’art poétique. À l’instar de ces vers afars où le rythme, bien qu’intuitif, prône l’harmonie, ou encore de ces poèmes somalis, épiques et politiques (gabay), qui se construisent en répons entre deux interlocuteurs et dont la longueur défie les meilleures mémoires. Enfin, il ne faudra pas oublier les chants qui cadencent la journée de marche ou se dédient au troupeau selon un rituel précis, et ceux qui rythment les activités quotidiennes, du barattage à l’endormissement des petits. Cette richesse immatérielle - ne juge-t-on pas un membre du clan au nombre de vers que lui a légué son parent en héritage ? - a tardivement été reconnue, mais avec l’avènement de l’écriture qui menaçait l’oralité les chercheurs ont désormais à cœur de la préserver. L’un des plus éminents d’entre eux est peut-être Ali Moussa Iye, qui a coordonné le programme Culture de la Paix à l’Unesco et a évoqué le Xeer Issa (droit coutumier) dans un ouvrage devenu best-seller, Le Verdict de l’arbre. Il a par ailleurs préfacé le récit miraculeusement sauvegardé d’un petit berger, né aux alentours de 1917, qui quitta le désert pour rejoindre la côte. Le magnifique témoignage de Houssein Meraneh Mahamoud, publié en 2005 par les éditions Menaibuc, se découvre également sur Internet sous le titre Dardaaran : testament d’un nomade revenu des mers.

Au début du XXe siècle, dans ce territoire occupé par les Français depuis 1884, l’écrit n’est donc l’apanage que des colons ou des voyageurs, cela est d‘autant plus vrai dans les années 1930 durant lesquelles plusieurs auteurs évoquent le petit pays et mettent leurs pas dans ceux qu’Arthur Rimbaud avait laissés à la fin du XIXe siècle. Citons notamment le journaliste Joseph Kessel et son confrère Albert Londres qui publie en 1931 un reportage intitulé Pêcheurs de perles, Henry de Monfreid qui commence à se forger une réputation d’aventurier dès son premier récit autobiographique, Les Secrets de la mer rouge, publié la même année, ou le jeune Paul Nizan et son Aden Arabie dont l’incipit est resté célèbre (« J’avais vingt ans. Je ne laisserai personne dire que c’est le plus bel âge de la vie. »). À la même période, au niveau local, il faut noter quelques timides tentatives : de petites productions théâtrales éclosent et une minuscule école primaire est créée en 1921. Le français devient langue d’enseignement, sur le modèle de ce qui se fait en Éthiopie, qui n’est pourtant pas une colonie… Mais les conflits, qu’ils soient régionaux - les Italiens occupent l’Éthiopie dès 1936 et interdisent l’usage du français - ou internationaux - la Seconde Guerre va se traduire par un blocus -, enrayent ces processus littéraires, externes et internes. Il faudra alors attendre 1949 pour qu’une classe de sixième soit ouverte, et ce n’est que dix ans plus tard que sera publiée, aux éditions Présence Africaine, ce qui est considéré comme la première œuvre djiboutienne : Khamsine de William J.-F. Syad. Préfacé par Léopold Sédar Senghor, ce recueil de poésies évoque le destin d’un peuple à la recherche de son identité. Encore une décennie passe et enfin la presse, créée par et pour les colons, s’ouvre aux talents locaux. Ainsi, Abdoulahi Doualé Wais campe en 17 épisodes les aventures faussement humoristiques de Gel-cun qui peuvent se lire comme une critique acérée du sort réservé aux peuples nomades, et un autre instituteur, Houssein Abdi, en 1972, consacre trente pages à une description du pays vu par les yeux d’un enfant. Jean-Dominique Pénel, docteur en littérature spécialiste de la région, a fait paraître chez L’Harmattan en 2020 une nouvelle édition de son ouvrage de référence qui dissèque cette période charnière : Djibouti 70, repères sur l’émergence de la littérature djiboutienne en français dans les années soixante-dix.

L’indépendance

À l’issue de trois référendums, en 1958, 1967 et 1977, Djibouti accède enfin à l’indépendance et la littérature se libère progressivement de ses chaînes, bien que le pays soit toujours la proie de crises politiques. Le plus célèbre de ses émissaires est Abdourahman A. Waberi, né en 1965, qui, après des études en France, se partage désormais avec les Etats-Unis où il est enseignant. Son premier ouvrage, Le Pays sans ombre, paraît en 1994 au Serpent à plumes. Dans ce patchwork de dix-sept nouvelles, l’auteur évoque aussi bien le passé de son pays natal que les affres de son présent. Un portrait sans concession qu’il poursuivra en 1996 avec Cahier nomade, puis en 1998 avec Balbala. Si Waberi s’intéressera ensuite à d’autres horizons, notamment au Rwanda, il ne perdra jamais de vue la question de la place de son pays dans le monde, multipliant les références au mythe original et à l’environnement inhospitalier. Une exploration perpétuelle qui se déclinera chez plusieurs éditeurs, de Gallimard en 2003 (Transit), à Zulma (La Divine chanson, 2015), en passant par Lattès (Passage des larmes, 2009) ou Vents d’ailleurs chez qui il s’autorisera une incartade en poésie avec Mon nom est aube en 2016. Il a par ailleurs écrit en compagnie de son ami Alain Mabanckou un Dictionnaire enjoué des cultures africaines pour les éditions Fayard en 2019.

Si ses concitoyens sont, pour l’heure, moins connus sous nos latitudes, la littérature djiboutienne jouit pourtant d’un vrai dynamisme depuis les années 1990, notamment grâce aux associations qui se sont montées en vue de promouvoir les jeunes auteurs ou d’encourager les troupes de théâtre à se développer. Certains écrivains ont bénéficié d’un bel écho et publient chez L’Harmattan, à l’image du nouvelliste Idriss Youssouf (La Galaxie de l’absurde, 2000), de Chehem Wattam qui a dépeint la confrontation entre les peuples nomades et la modernité dans Pèlerin d’errance en 1997, du poète Isman Omar Houssein né en 1980 ou de Ilyas Ahmed Ali qui a imaginé des histoires extraordinaires dans Le Miroir déformant. Les femmes ne sont pas en reste et suivent la voie ouverte par la dramaturge devenue ministre Aïcha Mohamed Robleh et par Mouna-Hodan Ahmed qui a fait paraître Les Enfants du khat en 2002.

Top 10 : Lecture

La littérature de Djibouti

Bien que la littérature djiboutienne soit représentée par un auteur traduit dans une dizaine de langues, Abdourahman A. Waberi, les éditions L'Harmattan restent un vivier incontournable pour qui s'intéresse aux littératures émergentes. Mais les amateurs de poésie ou les férus de BD trouveront aussi leur compte.

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Poésie

Dans les bras nus du khamsin. Un recueil qui porte le nom du vent du désert, comme la promesse d’une balade poétique au rythme des caravanes de sel. Abdi Ilmi Achkir, éditions L’Harmattan.

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Bande dessinée

Crocodiles d'Ambouli. Il était une fois un mendiant sur les rives de l'oued Ambouli, un jour ses animaux de compagnie sont tués,... De tristesse et de colère, il jette un sort à tout le village. Omar Youssouf Ali, éditions Le Francolin.

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Essai littéraire

Djibouti 70. Retour sur une décennie féconde qui a assisté à l’émergence d’une littérature djiboutienne d’expression française trop méconnue. Jean-Dominique Pénel, éditions L’Harmattan.

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Société

Les Enfants du khat. Chronique de la vie quotidienne à Djibouti, d'une société sous l'emprise du khat et d'une jeunesse à l'avenir compromis. Mouna-Hodan Ahmed, éditions Sépia.

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Nouvelle voix

Pourquoi tu danses quand tu marches ? Quand sa fille lui demande pourquoi il boîte, le narrateur n’a d’autres choix que de parcourir ses souvenirs d’enfance. Abdourahman A. Waberi, éditions JC Lattès.

Roman

Djibouti. Un premier roman qui avait été remarqué et mettait en scène une errance hallucinée, par un jeune auteur né en 1989. Pierre Deram, éditions Buchet-Chastel.

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Beau livre

Djibouti : de roc, de sable et de sel. Plus de 150 pages et autant de photographies, pour une escale intime dans un territoire qui allie désert et littoral. Franck Gouéry et J.-B. Jeangène-Vilmer, éditions Non Lieu.

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Théâtre

La dévoilée. La place de la femme, le poids de la famille et de la belle-famille sont mis à nu à travers une comédie légère où les personnages sont un concentré de la société djiboutienne. Aïcha M. Robleh, éditions L'Harmattan.

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Roman graphique

À la poursuite de Djibouti. Des années après la mort de son frère dans un attentat à Djibouti, au moment de l'indépendance en 1977, Maurice décide de partir retrouver l'ombre de ce frère disparu trop tôt. Marie Détrée, éditions Elytis.

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Récits de voyage

Djibouti, l’ignoré. À travers le prisme du récit des voyageurs qui ont parcouru Djibouti au fil des siècles, l’auteure dresse un fascinant portrait du pays. Marie-Christine Aubry, éditions L’Harmattan.

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