Statue en bronze doré de Johann Strauss à Vienne. (c) Shutterstock - dezign80.jpg
Danseuses lors d'un bal. (c) shutterstock - ondrejsustik.jpg
L'Hôtel de Ville où à lieu le Bal des Fleurs. (c) iStock.com - spastonovjpg.jpg

Comment la valse devint honorable

Pourtant, jusqu'au XVIIIe siècle, les bals se limitaient à l'aristocratie. La cour des Habsbourg dansait et contre-dansait à la française. C'est l’empereur Joseph II qui amorça leur démocratisation en les ouvrant au reste de la société. Et la contredanse fit place au quadrille. Mais il fallut un certain temps avant que la valse à la viennoise devienne la reine du bal. Cette danse de couple, enivrante et fort peu distanciée, fut mal accueillie par une bonne société indignée. Le bal n'était plus une affaire de convenance et de savoir-vivre si la romance s'y invitait... Et quel tourbillon !

C'est en 1814, à l'occasion du congrès de Vienne, que la valse fut reconnue comme une danse de salon honorable. Convoquant les nations européennes, ce congrès avait pour mission la réorganisation l’Europe après la chute de Napoléon. Parallèlement, on organisait de nombreux bals où l'on dansait la valse à qui mieux mieux. Dès lors la valse était entrée dans les mœurs. Le compositeur viennois Johann Strauss père (1804-1849) mit cette danse à l'honneur en composant plus de 150 valses et la fit connaître en Europe en voyageant avec son orchestre. Dès lors, les amoureux valsèrent et la valse devint l'un des symboles de Vienne. Aujourd'hui, elle garde la vedette tout au long de l'hiver. La saison des bals à Vienne débute le 11 novembre, avec le bal des Ramoneurs.

Les différentes couches de la société se croisent dans les bals viennois. Certains dansent sur une valse à trois temps, alors que d'autres bougent sur du disco dans la salle voisine. De nombreux bals ont lieu dans les salles prestigieuses des palais, décor qui participe grandement à leur charme. Le plus célèbre d'entre eux, le bal de la Saint Sylvestre, grand événement mondain, a lieu fin décembre dans le salon doré du Wiener Konzerthaus. En janvier et février la saison bat son plein. Le bal le plus élégant est celui de l'Opéra. Le plus sucré celui du Bonbon, au Wiener Konzerthaus, connu pour son ambiance informelle et drôle. Au Kursalon, on danse sur les valses de Strauss à l'occasion du bal Johann Strauss. Lors du bal des Fleurs, l'hôtel de ville se transforme en un océan fleuri. Il y a aussi le bal des juristes, celui des médecins, des cafetiers, des végans, de l'extrême-droite, des sciences ou des haltérophiles sans oublier ceux, excentriques et festifs, de la communauté LGBTQ. Mais aussi original soit-il, le bal intégrera quelques valses et rites protocolaires et s'attachera à faire fructifier ses recettes. Les bals sont un enjeu économique. De nombreux secteurs profitent de leurs retombées : l’hôtellerie, la restauration, les tailleurs, les coiffeurs, les fleuristes. Les participants consacrent en moyenne un budget de 300 euros par bal, entrée, boissons, repas compris. Sachez toutefois que cette somme couvre à peine l'entrée des bals les plus prestigieux comme celui de l'Opéra. Certains bals sont plus démocratiques, comme le bal Arc-en-ciel dont l'entrée ne dépasse pas 60 euros.

Tenue de soirée exigée

En achetant sa place et en se soumettant à l'étiquette, tout le monde peut ainsi aller danser dans un bal de la Hofburg ou dans des salles moins prestigieuses. En dénominateur commun, une certaine tenue... et retenue. Code vestimentaire strict de rigueur et déroulé du bal respecté de l'ouverture à la fermeture. La tenue adéquate, c'est la robe de soirée pour les femmes, la queue-de-pie (cravate blanche) ou le costume noir (cravate noire) pour les hommes. Plusieurs loueurs viennent au secours de ceux qui n'ont pas de tels apparats dans leur garde-robe, dont le plus célèbre d'entre eux : la maison Flossmann. Les plus fortunés peuvent même passer commande, bien à l'avance, d'un frac sur mesure chez Lambert Hofer junior, le nec plus ultra du genre. Bien entendu, il faut aussi maîtriser la pratique des danses de salon, valse en priorité, polka piquée et quadrille aussi. Il existe des écoles de danse spécialisées dans l’art des bals et de l’étiquette. Une heure de cours à l'école de danse Rueff, ou bien chez Elmaye par exemple, vous aidera à faire bonne figure. Ce dernier, familier des touristes, enseigne dans différentes salles d'apparat pour vous mettre dans l'ambiance et propose un ball-Blitzkurs, cours accéléré de préparation au bal, une fois par semaine.

Parmi les rituels, hérités de la Cour du XVIIIe siècle, perdure la tradition délicieuse de la Damenspende, petit présent raffiné remis à chaque femme lors de son entrée dans la salle de bal. Selon la tradition, le bal est introduit en fanfare puis ouvert par la valse des débutantes et des débutants sur la musique d'un grand orchestre. Puis, à l'injonction Alles Walzer, tout le monde les rejoint sur la piste. Et aux douze coups de minuit, point de citrouille, mais les participants se placent pour le traditionnel quadrille, souvent celui de La Chauve-souris de Johann Strauss. Le maître de danse tente bien de coordonner les troupes, mais immanquablement le quadrille finit par sombrer dans un joyeux désordre. Au petit matin, la fin du bal a aussi son rituel : lumières tamisées et l'orchestre joue une valse lente pour la dernière danse. Puis la fête se termine traditionnellement autour du stand à saucisses ou d'un goulasch au restaurant.

Petit calendrier sélectif

Difficile de choisir son bal. Si vous êtes un ramoneur de Vienne, un cafetier, un confiseur ou un juriste, pas de problème le choix est vite fait, chacun a son bal dédié. Pour le reste, vous avez le choix des palais, du budget, avec des tarifs du simple au triple, du thème autour d'une corporation, d'un genre, d'une sophistication, de votre disponibilité... Et surtout réservez votre place à l'avance pour les bals les plus célèbres : de l'Opéra, des Cafetiers, des Confiseurs, du Philharmonique. Et si vous voulez en cumuler plusieurs en quelques jours, sachez que le dernier week-end avant Mardi gras est particulièrement chargé avec le bal du Bonbon qui a lieu depuis 1949 le dernier vendredi avant Mardi gras, puis le bal des Juristes qui se tient le lendemain et enfin le très fameux bal de l'Opéra, qui, lui, existe depuis 1877 et se déroule le dernier dimanche avant Mardi gras. Et le lundi, c'est le bal Rudolfina Redoute des étudiants !

Le  bal de la Saint-Sylvestre (www.hofburgsilvesterball.com) célèbre la nouvelle année au Palais impérial de la Hofburg, le 31 décembre.

Le Zuckerbäckerball, bal des Confiseurs (www.zuckerbaeckerball.com). Il se déroule mi-janvier, également dans la Hofburg, depuis plus de 120 ans. C'est l’un des bals les plus appréciés et pas uniquement des gourmands. Les confiseurs agrémentent leur bal d'une multitude de pâtisseries, chocolats et d'une grande tombola.

Philharmonikerball, bal du Philharmonique (www.wienerphilharmoniker.at). Parmi les plus chics de la saison, il a lieu fin janvier. Le Philharmonique de Vienne invite la bonne société à danser dans la salle dorée de son Musikverein. L'ouverture du bal se fait sous la baguette d'un chef d'orchestre, invité d'honneur, dirigeant un morceau choisi de son répertoire. Puis 3 000 danseurs entrent dans la danse.

Le bal des Médecins (www.aerzteball.at) se tient à la Hofburg fin janvier depuis plus de 70 ans.

Le bal des Chasseurs (www.verein-grueneskreuz.at), proche de l'extrême-droite, se déroule également à la Hofburg, le lendemain du bal des Médecins, en tenue traditionnelle depuis un siècle déjà. Homme en culotte de peau, femme en dirndl.

Le Kaffeesieder-Ball, bal des Cafetiers (www.kaffeesiederball.at). Début ou mi-février dans la Hofburg. L’aura du bal des Cafetiers, connu pour son ambiance, dépasse largement la corporation des cafetiers. Quelques chiffres ? 6 000 danseurs, une dizaine d'orchestres, 24 salles aménagées, de nombreux vestibules et couloirs, 135 € le ticket d'entrée.

Le bal Johann Strauss (www.johannstraussball.com) a lieu traditionnellement mi-février au Kursalon de Vienne, où les frères Strauss connurent leurs plus grands succès.

Le bal du Bonbon (www.bonbonball.at), le troisième vendredi de février, est assurément le bal le plus sucré, réputé pour son atmosphère détendue et drôle, rassemble les danseurs les plus gourmands au Wiener Konzerthaus.

Le bal des Juristes (www.juristenball.at) a lieu le lendemain du bal du Bonbon. Depuis plus de 30 ans à la Hofburg dans un registre conservateur et traditionnel, c'est aussi un événement de charité. Chaque année des artistes se produisent gratuitement et permettent de récolter des milliers d'euros au profit d'une ONG différente, contre la violence, pour l'éducation des femmes, la protection de l'enfance...

L’Opernball, bal de l'Opéra (www.wiener-staatsoper.at). Le bal mondain et VIP de la république d’Autriche et des artistes de l’Opéra national se tient fin février. Cet évènement caritatif rassemble plus de 5 000 convives de tous les pays. En tenue de soirée sous les dorures et la coupole majestueuse, ils assistent à la polonaise d’ouverture avec une coupe de champagne en admirant le défilé de 140 débutantes au bras de leurs cavaliers. Retransmis à la télévision.

Le bal Rudolfina Redoute (www.rudolfina-redoute.at) est organisé à la Hofburg lors du lundi gras. C'est un bal masqué traditionnel organisé par une confrérie étudiante, qui existe depuis l’empire austro-hongrois et est organisé lors du lundi gras. Ce sont les demoiselles, visage masqué, qui invitent les hommes à danser.

Les bals de la communauté LGBTQ

Active sur la scène artistique et culturelle, la communauté LGBTQ de Vienne programme ses bals, ouverts à tous. La réciproque commence juste.

Le bal Arc-en-ciel (www.regenbogenball.at) est un classique, en tenue de soirée, mais avec des animations déjantées et colorées, qui a lieu fin janvier au Parkhotel Schönbrunn depuis 25 ans.

Encore confidentiel il y a peu, le Bal créatif (www.clubkreativ.at), autre rendez-vous de la communauté LGBTQ et de ses amis, affiche désormais complet des semaines à l'avance. Il se tient à l'École professionnelle Hans Mandl.

La drag-queen Miss Candy reçoit au Palais Auersperg pour le Bal des Roses (www.rosenball.eu) alors que se tient dans le palais d'en face le Bal de l'Opéra, bal en noir et blanc. Ici, les invités délaissent smoking, robe de soirée et valse à trois temps pour danser sur de la house music en vêtements colorés.

S'ajoute un bal hors saison : le Diversity Ball (www.diversityball.at) qui se déroule au Kursalon dans le Stadtpark, sous le signe de la diversité et du respect mutuel.