Découvrez le SAINT-PÉTERSBOURG (САНКТ-ПЕТЕРБУРГ) : Le Mariinsky, l’excellence depuis 1783

L’histoire de Saint-Pétersbourg et celle du Ballet russe semblent se confondre tant elles sont liées et indissociables. Art de prédilection de la famille impériale et de la haute société russe, la scène d’opéra et de ballet disposa très tôt de moyens conséquents pour faire venir les grands maîtres étrangers (principalement français) afin de former une nouvelle élite de la chorégraphie et de la musique classiques. Et construire de magnifiques infrastructures pour en accueillir les représentations. Le théâtre d’opéra et de ballet de Mariinsky, fondé par l’impératrice Maria, femme d’Alexandre II, et nommé d’après elle, en est le plus prestigieux représentant. Rebaptisé Kirov pendant l’ère communiste, son théâtre et ses compagnies en tournée dans le monde libre furent un instrument de démonstration de son excellence. Ayant vécu comme tout le pays des années très difficiles durant la décennie 1990, le Mariinsky renaît alors tel un phénix sous l’impulsion de l’immense chef Valery Gergiev. En plus d’avoir ramené la compagnie au sommet mondial du ballet et de l’opéra classique, il l’a dotée d’un des meilleurs et des plus modernes complexes de salles de concert et scènes de théâtre au monde, le Mariinsky-2.

Saint-Pétersbourg, berceau du ballet russe

C’est à Saint-Pétersbourg que la première école de danse classique du pays ouvrit ses portes dès 1738. Aujourd’hui rattachée au théâtre d’opéra et de ballet Mariinsky, l’école Vaganova demeure la plus ancienne académie de ballet de Russie. Le maître français Jean-Baptiste Landé fut invité à la diriger dès l’origine et cette collaboration donnera naissance à une véritable tradition de griffe française dans l’art du ballet russe – jusqu’à la Révolution, les chorégraphes français dirigeront les spectacles et les troupes des théâtres russes.

La symbiose artistique entre le compositeur Piotr Tchaïkovski et le chorégraphe français Marius Petipa signe sans doute l’apogée de la collaboration franco-russe dans le ballet. C’est à ce tandem que nous devons Casse-Noisette, Le Lac des cygnes, La Belle au bois dormant ainsi que l’extraordinaire niveau atteint par le ballet russe et la formation de son image classique. Petipa et Tchaïkovski sont d’ailleurs inhumés côte à côte à la nécropole des Maîtres des arts de la laure de la Sainte-Trinité-Alexandre-Nevski à Saint-Pétersbourg.

Après la révolution, le changement du régime politique ne signera paradoxalement pas l’arrêt de mort du ballet, malgré son association nette avec le pouvoir impérial. Si le ballet impérial Mariinsky est renommé Kirov de 1922 à 1992 (en honneur au populaire membre du politburo qui sera assassiné en 1934 sur ordre de Staline à l’institut Smolny), il n’en reste pas moins choyé par l’État bolchevique. À Saint-Pétersbourg comme à Moscou, deux écoles de ballet sont formées pour conquérir le monde, et les dirigeants du Parti chercheront par tous les moyens à faire du ballet soviétique leur carte de visite – les artistes soviétiques passant la moitié de l’année en tournées à l’étranger, pouvant ainsi faire la promotion de leur pays. Une situation qui leur donna des idées et la fuite des danseurs russes durant les tournées résonna comme l’un des plus cinglants camouflets pour les dirigeants soviétiques de la deuxième moitié du XXe siècle. Ce fut notamment le cas de Rudolf Noureev et Mikhaïl Baryshnikov, étoiles du théâtre Mariinsky, qui trouvèrent refuge à l’étranger et continuèrent leur brillante carrière respectivement à Paris et à New York.

Valery Gergiev, un Maestro à l’inépuisable énergie

Celui qui est considéré par beaucoup comme le plus grand chef d’orchestre de notre époque a dévoué sa vie à l’art du ballet et de l’opéra et au Mariinsky. D’origine ossète, il remporte en 1976 à Berlin, à 23 ans à peine, le Concours international Karajan de direction d’orchestre. Personne ne sait encore qu’il deviendra le Karajan russe. Le Caucasien formé au Conservatoire de Saint-Pétersbourg intègre le Kirov en 1978 en tant que chef d’orchestre. C’est le début de ce qui sera l’engagement de sa vie, jamais démenti depuis plus de 40 ans : faire du Mariinsky un phare de la culture russe et mondiale. Sa direction d’orchestre habitée et passionnée est singulière. La plupart du temps sans baguette et avec ses seules mains, elle passe par une communication et un contact directs avec les musiciens. Bien que non encarté au PC (Parti communiste), son talent et le soutien des membres du Mariinsky font de lui le directeur artistique du Mariinsky en 1988. Après la chute de l’URSS, au cœur des années sombres, il devient directeur général du Mariinsky en 1996. Le théâtre manque cruellement d’argent et la compagnie vit un véritable exode de ses meilleurs artistes, ces derniers débauchés par les grandes compagnies occidentales. Gergiev refuse des ponts d’or et se promet de refaire du Mariinsky le meilleur orchestre et ballet de son temps.

Retour vers le futur

Il intègre et forme sans relâche de nombreux jeunes talents, lance de grandes tournées internationales et opérations de mécénat. Il fonde en 1998 l’Académie des jeunes chanteurs qui fait office de post-formation pour les plus belles voix sorties des conservatoires de toute la Russie. Il revient aux sources de la musique russe en exhumant les livrets d’origine des opéras (les textes et dialogues chantés ayant été modifiés sous l’ère bolchevique) en même temps qu’il internationalise le répertoire de l’orchestre. Un orchestre dont il sculpte le son, avec tout son savoir-faire artistique et technique, pour en faire le plus beau. Amoureux de l’acoustique, il rêve de salles parfaites, ultra-modernes et jamais vues. L’incendie du bâtiment où étaient stockés les costumes lui donne l’occasion de créer une nouvelle scène. Le nombre de places de cette salle-instrument en forme de violoncelle sera limité à 1 100, qui est la jauge d’une acoustique optimale selon les savants calculs des Japonais de Nakata Acoustics, mandatés par Gergiev. Inaugurée en 2006, elle est devenue la scène principale du Mariinsky et rivalise avec les plus modernes salles du monde.

Mais Gergiev ne s’arrête pas là et inaugure en 2013, le jour de ses 60 ans, le Mariinsky-2. Cet immense et futuriste complexe d’une superficie de près de 80 000 m² veut redéfinir les standards de l’opéra du XXIe siècle. Salle d’opéra de 2 500 places avec 8 plateaux de changement de décor, des fosses d’orchestre, un auditorium dernier cri, un amphithéâtre nimbé de verre sur le toit pour le festival des Étoiles des Nuits Blanches… La vieille garde crie au scandale devant cette architecture audacieuse, mais Gergiev rappelle les polémiques suscitées par la Pyramide du Louvre ou la Tour Eiffel. Le pari est réussi, tous les yeux sont à nouveau tournés vers le Mariinsky et l’on vient du monde entier y vivre chaque soir une expérience musicale et chorégraphique unique.

À savoir

www.ideaguide.ru : animée par des passionnés de culture et de ballet, l’agence de visites guidées francophones IdeaGuide propose notamment une visite guidée exclusive des coulisses du théâtre Mariinsky grâce à un arrangement spécial avec la direction du prestigieux théâtre. Il est nécessaire de les contacter en avance pour l’organiser. Pour plus d’information, rendez-vous sur leur site, intégralement consultable en français.

www.athema-association.com : l’ATHEMA (Association Française des Amis du Théâtre Mariinsky), basée à Paris, rassemble des amateurs d’opéra, de ballet et de musique classique. En plus d’être une mine d’informations sur la prestigieuse institution, elle organise toute l’année des événements liés à sa programmation ainsi qu’un voyage pour ses membres à l’occasion du Festival des Étoiles des Nuits Blanches, ponctué de rencontres inédites avec les artistes.

www.actes-sud.fr/node/62758 : Rencontre avec Valery Gergiev, entretiens avec Bertrand Dermoncourt (Actes Sud, 2018). Ce livre référence est le fruit de 10 ans d’entretien avec le charismatique et visionnaire chef d’orchestre. Il s’y confie avec sa personnalité, sa franchise et son érudition habituelles. Passionnant.
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