Démographie
Depuis le XIXe siècle, la population bavaroise a plus que doublé, passant de 5 millions vers 1900 à plus de 13 millions aujourd’hui en 2021. Pourtant, le solde naturel de la Bavière est négatif, c’est-à-dire qu’il y a chaque jour plus de décès que de naissances : en moyenne 344 décès par jour pour 293 naissances. Cette augmentation n’est possible que parce que l’immigration est supérieure à l’émigration et la part d’étrangers en Bavière atteint presque 10 % de la population totale. Cette croissance démographique s’est accompagnée d’un exode rural qui a surtout profité aux grandes villes et aux villes de taille moyenne. Aujourd’hui, 55 % de la population bavaroise vit dans une ville de plus 10 000 habitants (contre seulement 32 % en 1900). Cette augmentation globale masque des disparités locales : si, en Franconie, les villes de Nuremberg, Wurtzbourg ou Bamberg attirent toujours plus de monde, les zones rurales connaissent quant à elles un certain déclin. A l’inverse, le sud de la Bavière, et tout particulièrement la Haute-Bavière vit une expansion continue, en ville tout comme à la campagne. La métropole munichoise est à ce titre particulièrement dynamique. Avec 4 400 habitants au km², la capitale bavaroise est la ville la plus densément peuplée du pays et le nombre de ses résidents ne cesse d’augmenter, la cherté des loyers ne freinant en rien l’attractivité de la ville. A l’instar des autres Länder, la population bavaroise est âgée et vieillissante. Comme dans les autres pays développés de l’Union européenne, l’espérance de vie y est très élevée : 79,7 ans pour les hommes et 84,4 ans pour les femmes. La moyenne d’âge est de 46,6 ans et 34 % de la population bavaroise a plus de 60 ans.
Langue et dialectes
La langue officielle en Bavière est l’allemand, mais les fines oreilles percevront vite que l’on n’y parle pas seulement l’allemand standard. On y converse dans de nombreux dialectes. Pour simplifier un peu, on peut en distinguer trois : le bavarois à proprement parler, le francique et le souabe.
Le dialecte bavarois (Bairisch) est un régiolecte qui peut poser de sérieux soucis non seulement à tout étranger germanophone mais aussi aux visiteurs d'autres régions allemandes. En Bavière, il est seulement parlé en Haute-Bavière, en Basse-Bavière et dans le Haut-Palatinat, mais pas en Souabe ni en Franconie. Le bavarois a fortement reculé depuis la Seconde Guerre mondiale avec les déplacements de populations, mais il n’est pas complètement passé de mode. Les dialectes autrichiens sont très proches du parler bavarois, de sorte que les linguistes utilisent parfois l’expression « austro-bavarois » pour qualifier cette famille de dialectes. Donc, pour résumer, ce dialecte que l’on appelle « bavarois » n’a pas le monopole en Bavière et il est aussi utilisé en dehors des frontières bavaroises.
Dans le nord de la Bavière, le parler local appartient à la famille des dialectes « franconiens », on le désigne communément sous le nom « Fränkisch » en allemand. Là encore, ce dialecte ne correspond pas tout à fait aux frontières de la Franconie actuelle, même si on n’en est pas loin.
Il en va de même pour le souabe (« Schwäbisch » en allemand). Ses locuteurs sont répartis entre la Bavière et le Bade-Wurtemberg et dans une petite partie du Tyrol autrichien. Le Souabe appartient à la famille des dialectes alémaniques qui comprend aussi le suisse-allemand et l’alsacien. Mais pas sûr qu’un Colmarien, une Zurichoise et un Souabe bavarois se comprennent s’ils s’expriment dans leurs dialectes.
Il est intéressant de noter que la langue des signes utilisée en Bavière possède quelques signes qui lui sont propres. Pour ne citer que quelques exemples, les signes pour « dimanche », « raifort » et « charcutier » diffèrent entre les langues des signes pratiquées en Bavière et dans la reste de la République fédérale. Ces nuances sont toutefois anecdotiques et un sourd-muet de Munich et un autre de Brême se comprendront sans problème.
Immigration depuis 1945
En 1945, suite à la déroute allemande et à l’expulsion des populations germanophones de Pologne et de Tchécoslovaquie, la Bavière accueille 2 millions de réfugiés. Pour une population qui avoisine les 9 millions à l’époque, cette nouvelle communauté représente presque un quart de la population bavaroise d’alors. Parmi ces exilés, la grande majorité (1 million environ) sont des réfugiés sudètes, expulsés de Tchécoslovaquie, après que le pays a retrouvé ses frontières d’avant l’invasion de 1938. La Bavière est la région d’Allemagne à avoir accueilli le plus grand nombre de ces réfugiés, si bien qu’on a vite considéré les Sudètes comme la « quatrième tribu de Bavière » : en d’autres termes, les Sudètes sont perçus comme le quatrième groupe démographique après les Bavarois, les Franconiens et les Souabes. Pendant des siècles, les Sudètes avaient vécu et partagé leurs vies avec les tchécophones de Bohême, Moravie et Silésie du sud. Exilés, ces germanophones ont souvent été mal reçus dans les contrées qui devaient les accueillir. Le camp de Dachau a par exemple été utilisé pour loger des familles sudètes en attendant la construction de nouvelles habitations, pour lesquelles il a fallu parfois patienter pendant 10 ans. Plusieurs villes ou quartiers ont été créés spécialement pour loger ces nouveaux arrivants. C’est par exemple le cas du quartier Neugablonz à Kaufbeuren, nommé d’après la ville de Gablonz (aujourd’hui Jablonec nad Nisou) en Bohême. Cette immigration d’Allemands originaires des territoires de l’Est a également modifié le paysage confessionnel de la Bavière, des catholiques s’installant en Franconie et des protestants dans le sud. De manière générale, la question des DP (Displaced persons, personnes déplacées) a accompagné les années d’après-guerre. Beaucoup de ces DP ne sont restées que de façon transitoire en Bavière et se sont exilées pour les États-Unis ou la Palestine bien souvent.
Plusieurs années après la guerre, la Bavière - comme le reste de l’Allemagne de l’Ouest - connaît un regain de productivité que l’on a appelé « miracle économique ». Pour faire tourner les usines, la RFA fait appel à des travailleurs étrangers. Le gouvernement fédéral conclut des accords avec des puissances étrangères comme l’Italie (en 1955) la Grèce et l’Espagne (en 1960), la Turquie (en 1961) ou la Yougoslavie (en 1968) pour permettre la venue d’une main-d’œuvre bon marché en Allemagne. Ces travailleurs peu ou non qualifiés ont principalement œuvré dans les secteurs industriels et fait fonctionner la production à la chaîne. On a surnommé ces travailleurs Gastarbeiter, expression que l’on pourrait traduire de façon un peu maladroite par « ouvrier-hôte » ou « travailleur invité » car il était prévu que leur séjour en Allemagne soit temporaire. Nombre d’entre eux sont restés en RFA et ont été rejoints par leurs familles. On estime à 14 millions le nombre de Gastarbeiter venus travailler en Allemagne dans la seconde moitié du XXe siècle. Parmi eux, 3 millions sont restés en Allemagne. En Bavière, ils ont contribué activement à la réussite de grands travaux d’infrastructure. On peut même dire que sans ces travailleurs étrangers, Munich n’aurait ni métro ni installations olympiques.
Pendant 40 ans, la Bavière a partagé une frontière commune avec l’autre État allemand, la RDA. Entre la construction du Mur de Berlin en 1961 à sa chute en 1989, on estime à 1,5 million le nombre de citoyens est-allemands à avoir quitté la République démocratique d’Allemagne pour s’installer en République fédérale. Parmi eux, 200 000 ont choisi la Bavière pour s’installer. Le nombre de Bavarois à s’installer en RDA est assez anecdotique, mais chaque année entre 200 et 600 Bavarois faisaient le choix de quitter la RFA pour tenter leur chance chez le voisin socialiste.
Un phénomène assez méconnu dans les pays francophones est celui des Spätaussiedler (littéralement les « rapatriés tardifs »). C’est ainsi que l’on désigne des germanophones originaires d’Europe de l’Est et qui rejoignent l’Allemagne après 1950. Dans l’Europe orientale (Pologne, Roumanie, Russie, etc.) vivaient et vivent encore (parfois depuis le XVIIIe siècle !) des familles de langue allemande. Entre 1950 et 1987, 1,4 million de germanophones d’Europe de l’Est viennent s’installer en RFA. On appelle « Allemands de Russie » (Russlanddeutsche ; en français parfois aussi « Allemands de la Volga ») les germanophones qui vivaient en Russie et dans les pays satellites de l’URSS. De nombreuses familles allemandes avaient répondu à l’appel de la tsarine Catherine II au XVIIIe siècle et étaient venus s’installer dans l’Empire russe. Dans les années 1990, l’Allemagne conclut un accord avec la Russie pour permettre le « retour » (après tant de générations, peut-on parler de retour ?) de ces germanophones. Ce phénomène s’intensifie avec le délitement de l’URSS. L’Allemagne d’aujourd’hui compte de nombreuses célébrités de ces communautés de Russlanddeutsche : la chanteuse Helene Fischer ou l’actrice Emilia Schüle pour ne citer que deux exemples. On estime qu’en Bavière aujourd’hui, 250 000 personnes sont originaires d’URSS. Cette immigration des Russlanddeutsche s’accompagne alors d’une immigration juive et 90 % des juifs d’Allemagne d’aujourd’hui sont d’origine russe.
Dans les années 1990, les guerres de Yougoslavie entraînent de nombreux mouvements de populations. Avec 300 000 réfugiés yougoslaves, l’Allemagne est le pays d’Europe à accueillir le plus grand nombre de ces hommes, femmes et enfants fuyant la guerre et les massacres dans les Balkans. A titre de comparaison, les exilés yougoslaves à trouver l’asile en France sont un peu moins de 16 000. Des actes de violence racistes et xénophobes ont été commis à l’encontre de ces nouveaux venus. Sous la pression de l'opinion publique, les représentants des partis CDU/CSU, SPD et FDP se sont mis d'accord sur une nouvelle réglementation de la loi sur l'asile en décembre 1992. L'objectif était d'accélérer les procédures de demande d'asile mais les possibilités d'invoquer le « droit fondamental d'asile » de la Loi fondamentale ont été considérablement restreintes. A la fin de la guerre civile en 1995, beaucoup sont retournés dans les Balkans.
En 2004 et en 2007, la famille de l’Union européenne s’agrandit et s’enrichit de douze nouveaux membres : les trois pays baltes, la Pologne, la République tchèque, la Slovaquie, la Hongrie, la Slovénie, Malte, Chypre, la Bulgarie, la Roumanie. La Bavière, qui se trouvait longtemps aux confins de l’Union européenne, se trouve soudainement en son centre. Deux millions de personnes originaires de ces nouveaux pays européens sont venus en Bavière depuis 2004, même si les trois quarts ont, depuis, rejoint leur pays d’origine. Les entreprises bavaroises bénéficient de la main-d'œuvre, mais aussi des nouveaux marchés au sein de l'UE. Ce rebattement des cartes européennes a aussi un impact sur l’immigration en Bavière et sur le marché de l’emploi. Les travaux saisonniers, tels que la récolte des asperges dans la région de Schrobenhausen, sont souvent effectués par des cueilleurs roumains. Ailleurs, des jeunes femmes originaires d'Europe de l'Est sont employées dans le secteur des soins à la personne. Beaucoup de ces travailleurs européens sont contraints à des conditions de travail difficiles, souvent mal payés et parfois avec des contrats précaires, voire du « travail au noir ». Certains trouvent aussi du travail ou une formation et s’installent durablement en Bavière.
En 2015, l’Allemagne a accordé l’asile à un grand nombre de réfugiés syriens fuyant la guerre, la misère et la répression du régime de Bachar al-Assad. La chancelière allemande Angela Merkel, dans une formule qui est restée célèbre, Wir schaffen das (« on va y arriver »), saisit la chance d’accueillir une nouvelle population jeune. Il est difficile d’avoir des chiffres exacts, mais en 2015 la Bavière a accueilli environ 100 000 de ces réfugiés. La gare de Munich fut pour beaucoup la première station en Allemagne des réfugiés ayant parcouru la route des Balkans et traversé l’Autriche. Les images des Munichois accueillant les réfugiés avec couvertures et nourriture ont fait le tour des médias et immortalisé pour la postérité le sens de l’hospitalité bavarois.