Le cinéma avant l’indépendance
C’est le colon britannique qui introduisit, au travers d’exploitants privés, le cinéma au Ghana dans les années 1920. À l’origine, l’accès est très limité, réservé principalement aux colons ainsi qu’aux officiels. Cependant, plusieurs initiatives itinérantes sont rapidement mises en place, afin de diffuser le cinéma dans les campagnes et auprès des populations. Un mouvement qui va encore s’accentuer au sortir de la Seconde Guerre mondiale, dans le but de diffuser de la propagande, d’éduquer et de contrôler les Ghanéens. C’est dans ce contexte que la Gold Coast Film, fondée en 1948, commence à établir une véritable industrie de production dans le pays. Les cinéastes colons mettent ainsi en place une dynamique de création en impliquant des Ghanéens, qui formeront la première génération de cinéastes après l’indépendance.
De cette période, peu de films sont visibles, et leur intérêt cinématographique est souvent discutable. Concentrons-nous plutôt sur les films ghanéens de la seconde moitié du vingtième siècle, et sur l’essor du cinéma national dans les années 1980.
D’une industrie d’État au cinéma de Ghallywood
Après l’Indépendance, le président Nkrumah instaure en 1964 la Ghana Film Industry Corporation ou GFIC. C’est au travers de cet organisme que l’ensemble de la production passe jusqu’au début des années 1980, et c’est également là que se forment des réalisateurs comme Kwaw Ansah ou Ernest Abbeyquaye. Ansah le premier se détachera du carcan de la GFIC et, après plusieurs années de travail, sort Love Brewed in the African Pot (1980). Le film, une comédie dramatique mettant en scène l’amour interdit entre deux amants d’une classe sociale différente, est un succès quasi immédiat. Il traverse les frontières ghanéennes et se diffuse dans toute l’Afrique anglophone puis dans le monde entier, après avoir raflé le prix Oumarou Ganda du meilleur premier film au FESPACO, et le Paon d’Argent au Festival International du Film de l’Inde. Malgré ce succès, il faudra près de dix ans au cinéaste pour terminer son second film, Heritage Africa (1989), qui obtiendra lui aussi un grand succès international. Depuis, Ansah poursuit sa carrière autant en réalisation qu’en production, et fait désormais partie des grands cinéastes ghanéens, membre fondateur en 2001 de la Ghana Academy of Film and Television Arts. Il a également fait partie des voix qui se sont élevées contre la vente de la majorité des parts de la GFIC au profit d’une société privée étrangère. Un drame pour l’histoire du pays, dont l’industrie locale ne s’est pas encore complètement relevée. L’élargissement du spectre des productions, ainsi que le développement de nouveaux marchés en partenariat avec le Nigéria, grand pôle du cinéma anglophone de la région, a permis de rebooster l’industrie locale dans les dernières années. En 2017, le cinéaste Peter Sedufia, formé à la NAFTI, École du cinéma et de la télévision de Accra, sort son premier long métrage Keteke. Une comédie dramatique, pas forcément représentative de ce que le cinéma de Ghallywood est principalement constitué, mais tout de même un film qui sera projeté au Hamburg Film Festival. En parallèle, les productions ghanéennes se sont aujourd’hui diversifiées, allant des petits budgets d’horreur ou de genre aux films tournés autour de la sorcellerie ou de la science-fiction, avec des niveaux de qualité très fluctuants mais qui trouvent néanmoins leur public. Une industrie parallèle en Twi s’est également développée dans la région de Kumasi, qui a rapidement gagné le sobriquet de Kumawood.
Tournages internationaux et films hollywoodiens au Ghana
Parmi les cinéastes qui ont eu l’opportunité de tourner au Ghana, les productions internationales sont assez peu nombreuses. Pour autant, il en est tout de même qui ont laissé une trace notoire dans le patrimoine cinématographique du pays, et ce dès les années 1980. En effet, c’est au Fort d’Elmina que Werner Herzog tourne, avec son acteur fétiche Klaus Kinski, le film Cobra Verde (1987). Coproduit avec le Ghana, Cobra Verde relate l’histoire peu reluisante du bandit brésilien éponyme, envoyé par le Portugal dans la région du Dahomey pour être le dernier négrier du pays. Un film qui signera la dernière collaboration entre l’acteur et le cinéaste, dont la relation était déjà très houleuse au début du tournage. De nombreux extras ghanéens seront également utilisés lors des scènes au Ghana, et le film, malgré un sujet difficile, aborde avec respect les traditions locales sans trop verser dans l’anthropologie. Quelques années plus tard, c’est au tour de Will Smith de se rendre à Accra, sous les traits de Mohammed Ali dans Ali, de Michael Mann (2001). Un événement qui rassemble des centaines de curieux sur la Place de l’Indépendance, pour la reconstitution de la visite du boxeur au président Ghanéen, en 1966. Pour l’anecdote, Will Smith avait précédemment refusé le rôle. Ce n’est qu’après avoir reçu un coup de fil du champion lui-même qu’il a finalement accepté. Selon la rumeur, Mohammed Ali n’aurait pas voulu être joué par quelqu’un d’autre que Smith.
Récemment, deux films notoires ont été tournés en partie au Ghana. Cary Joji Fukunaga, le réalisateur derrière la première saison de la série True Detective (2014), et le mémorable Mourir peut attendre (2021), s’arrête au Ghana en 2015 pour Beast of No Nation. Un récit tragique basé sur le vécu d'Agu, enfant-soldat engagé dans un conflit armé dans un pays africain jamais nommé. Récompensé de multiples fois à l’international, le film est aussi l’une des premières productions originales de la plateforme Netflix. Un exercice auquel le géant du streaming est désormais habitué. Enfin, le Ghana a accueilli en 2021-2022 le tournage de The Woman King (2022), une fresque épique racontant l’histoire des Agojie, guerrières du Dahomey, et de leur reine, incarnée par Viola Davis (La Couleur des sentiments, ou la série How to get away with murder). Réalisé par la cinéaste Gina Prince-Bythewood, le film compte aussi les talents de Lashana Lynch (Mourir peut attendre), John Boyega (Pacific Rim, Star Wars) et Sheila Atim. Un bon récit d’aventure, tout en racontant l’histoire de la région sous un nouveau regard, résolument actuel.