L’habitat traditionnel
Les maisons sont généralement construites en bambou, montées sur des pilotis en bois. La pièce à vivre est donc systématiquement surélevée. Ces demeures sont pourvues de toits de chaume assez raides ainsi que de vérandas. Elles vont de 5 à 12 mètres de hauteur en fonction de leur ancienneté : des étages peuvent être ajoutés au fil du temps. Les plus hautes sont donc aussi les plus anciennes. Sous la maison, la famille place habituellement les bêtes ainsi que divers ustensiles, comme de larges mortiers en bois ou encore des métiers à tisser. Près de la maison se trouve traditionnellement un grenier à riz, un potager ou verger… La qualité de l’habitat est en général plus vétuste dans les zones montagneuses que dans les plaines du Sud.
Le pays compte plusieurs groupes ethniques qui ont chacun développé leur style architectural en fonction des conditions climatiques et géographiques de leur lieu de vie. Les Hmong ont des toitures reconnaissables à leurs larges tuiles en bois, que l’on retrouve aussi dans le Sud de la Chine. Les Iu Mien, construisent des maisons qui ne sont pas, pour leur part, bâties sur pilotis. Elles se distinguent par des toits descendant parfois jusqu’au sol, pour se prémunir du froid, puisqu’on les trouve en effet dans les montagnes du Nord, où les températures sont particulièrement basses durant la saison hivernale.
Les Lao Loum, «Lao du bas», sont une peuplade majoritairement lao qui regroupe les populations vivant en basse altitude, dans la vallée du Mékong ou le long de ses affluents. Les pilotis de leurs maisons leur permettent de vivre au-dessus du sol boueux pendant la saison des pluies. En fonction de la richesse des familles, les sols et les murs peuvent être faits de bambou tissé ou de planches de bois. Les toits sont en chaume, bambou, bardeaux de bois ou en tôle ondulée pour les plus récents. Dans d’anciens villages plus riches, on trouve l’utilisation de tuile d’argile, mais ce style est de moins en moins répandu depuis la fin du XXe siècle.
Les maisons du nord-est du pays ressemblent aux maisons thaï. Également dressées sur pilotis, leur toit est en pente douce, étant donné que la région est moins pluvieuse. Le chaume et la tôle ondulée sont plus fréquents dans la région d’Isaan qu’ailleurs dans le pays. Les habitations y sont construites par modules : une première cabane à laquelle viennent s’ajouter de nouvelles au fil du temps et des besoins, dans l’idée d’une architecture modulaire et précaire.
La construction des habitations se fait de manière collective : le propriétaire rassemble d’abord les matériaux nécessaires, toujours de façon locale, avant de demander à ses voisins et aux autres villageois de bâtir avec lui la structure. Une fois le gros-œuvre terminé, le propriétaire s’occupe lui-même des finitions. À la fin des travaux, il invite tous ceux qui l’ont aidé autour d’un repas festif et copieux. Cette tradition de la construction collective est disséminée parmi les ethnies du Sud-Est asiatique.
Une myriade de styles régionaux
L’architecture lao transparaît surtout à travers l’art religieux bouddhiste. Ainsi, les vat, (ou wat), temples-monastères, et les stūpa (stoupa, ou that), structures architecturales bouddhistes, sont très nombreux.
Les vat sont disséminés partout dans le pays dans une grande variété de styles architecturaux qui correspondent à trois régions distinctes : Luang Prabang, Vientiane et Xieng Khuang.
Le style de Luang Prabang se caractérise par des emboîtements de larges toitures incurvées allant presque jusqu’au sol. Le Vat Xieng Thong en est un bon exemple avec un fronton décoré de nombreux motifs et des fenêtres protégées par de magnifiques vantaux de bois sculpté. Il s’en dégage une impression d’harmonie.
Le style de Vientiane a subi l’influence thaïlandaise, avec un toit haut perché à l’arête pointue. Ces édifices de forme rectangulaire sont les plus élevés du pays. Ils sont bâtis sur un socle et certains, comme le Vat Ho Phra Keo, possèdent même une terrasse couverte entourant le bâtiment principal, rappelant l’aspect des temples de Bangkok. Les escaliers menant à l’entrée principale sont encadrés par des nāgas, sculptures en forme de serpent typiques du bouddhisme.
Le style de Xieng Khouang apparaît comme un mélange des styles précédents et se caractérise par un vaste toit en bâtière, sans décrochement, descendant jusqu’au sol, comme ceux des temples de Luang Prabang. Le sanctuaire, ou sim, est surélevé sur plusieurs niveaux, comme à Vientiane. Mais l’aspect extérieur est plus ramassé. Dans l’enceinte de ces temples, il y a aussi des that (stūpa), des dortoirs, et des bibliothèques. Malheureusement, l’héritage de cette architecture est peu visible aujourd'hui car la plupart des temples ont été détruits pendant la guerre du Vietnam. On pourra peut-être espérer voir ce style renaître dans le cadre d’une rénovation des sites religieux de la province de Xieng Khouang.
Les stūpas sont des tumulus de terre, de briques ou de pierre qui servent à commémorer la vie de Bouddha, et parfois à conserver des reliques. On les retrouve partout en Inde, dont ils sont originaires, ainsi qu’en Asie du Sud-Est. Le mot stūpa vient du sanskrit et signifie “reliquaire”. Au Laos, ils sont ainsi appelés that. Emblème national, le Pha That Luang de Vientiane est la grande Stūpa sacrée. En forme de dôme et avec une structure quadrangulaire, elle sert de modèle aux autres stūpas à travers le pays. Traditionnellement, les bouddhistes theravada brûlaient leurs morts et déposaient leurs os dans des stūpas, qui étaient placées autour des wats.
L’architecture coloniale française
Comme ailleurs en Indochine, l’architecture coloniale est encore bien présente au Laos. À l’image du Vietnam et du Cambodge, les colons français avaient la ferme intention de construire des villes en dur alors que les Lao utilisaient la maçonnerie uniquement pour les édifices religieux. De nos jours, on peut constater que l'architecture coloniale française au Laos est voie de disparition. Outre le patrimoine architectural de Luang Prabang qui a été sauvé par l’UNESCO en le classant au patrimoine mondial, les bâtiments et autres villas coloniales de Vientiane, Thakhek, Savannakhet et Paksé sont pour la plupart en piteux état. À l’heure actuelle l’architecture coloniale a connu plusieurs sorts. Tout d’abord, il faut savoir que ce patrimoine est moins concentré à travers le pays que dans la capitale royale Luang Prabang, et est donc plus éparpillé. Certains anciens bâtiments administratifs ont été restaurés et ré-occupés par le régime actuel, d’autres, devenus des villas durant la période du Royaume du Laos, ont été malheureusement détruits après être restés inoccupés pendant plusieurs décennies et donc difficiles à restaurer. L’ancien Commissariat colonial, qui fait office de Musée national depuis une quinzaine d’années, représente le bâtiment le plus imposant de la capitale et risque à son tour d’être rasé au profit d’un nouveau complexe hôtelier. Pour les plus chanceuses, autour de la grande avenue Lane Xang, plusieurs maisons coloniales ont été restaurées et servent comme sièges d’ONG ou de banques étrangères. Restent les maisons qui sont occupées par des particuliers mais très mal entretenues, à l’avenir incertain. Tantôt détruites, tantôt entièrement restaurées, il est difficile de savoir le sort que les propriétaires leur réservent, tant qu’aucune mesure de protection gouvernementale n’entre en vigueur.
Un des plus beaux exemples architecturaux de la période coloniale est le site de l’actuelle Ambassade de France, à l’angle des rues Mahoso et Samsenthai. Cet ensemble fut construit au début du XXe siècle comme siège de la Direction des Travaux publics, lorsque la décision fut prise de bâtir la ville européenne. Il accueille ensuite le Commissariat général du Plan, puis les services topographiques du Laos qui s’installent dans les villas annexes qui composent l’actuel campus diplomatique. En 1956, le gouvernement français devient propriétaire du quadrilatère. En 1999, un ravalement complet permet une restauration à l’identique des façades ainsi que de la toiture. Outre la résidence de France et son pavillon, plusieurs villas sont bâties à la même époque dans le parc de l’ambassade.
Après la révolution : architecture contemporaine et néo-traditionnelle
La guerre civile qui oppose le Royaume du Lao au Pathet lao s’étale sur près de deux décennies, et s’achèvent par un traité de cessez-le-feu signé en 1973 par les deux parties. La situation tourne à l’avantage du Pathet lao qui prend le pouvoir en 1975. L’architecture post-révolutionnaire est caractérisée par des emprunts au réalisme socialiste ainsi qu’à des formes d’architectures contemporaines inspirées des formes ancestrales, définissant le style néo-traditionnel. Ce dernier a pour exemple emblématique l’Aéroport International de Louang Prabang (1997), dont même la tour de contrôle fait figure de pagode blanche au-devant des pistes. Les proportions du bâtiment en font un temple géant, son échelle étant disproportionnée afin d’accueillir les couloirs d’embarquement. Son toit rouge stylisé aux pointes blanches lui donne une certaine élégance, tout comme ses auvents dont l’intérieur imite un tressage de bambou et derrière lesquels se trouvent les grandes verrières qui font le tour de la structure. Un curieux mélange en effet !
L’Assemblée Nationale de Vientiane (2004) est un exemple encore plus monumental d’architecture de ce type. Son imposante structure se décompose en deux faces aux styles différents : d’un côté, une façade blanche couverte d’un toit de forme traditionnelle, mais dont l’auvent est bordé de colonne massive rappelant le style néo-classique européen. Sa façade Est a des airs beaucoup plus modernistes. Biseautée et étagée sur ses extrémités, elle prend de curieuses allures de bateaux, tandis que sur sa partie centrale, en guise de frontispice, se dressent trois formes pyramidales à la pointe dorée, glissée l’une derrière l’autre et elles aussi échelonnées de la plus petite à la plus grande. Tout proche du Pha That Lang, ce bâtiment vaut assurément le détour. L’Assemblée comme l’Aéroport sont l’œuvre de l’architecte Dr Hongkad Souvannavong, aussi connu au Laos pour ses talents de musicien.
On peut ajouter aux œuvres de style néo-traditionnel le splendide Hall Culturel National, lui aussi situé à Vientiane. Inauguré en 2000, le bâtiment a été en grande partie financé par la République populaire de Chine, comme plusieurs bâtiments du pays. Sur quatre niveaux, sa façade est pourvue d’impressionnantes colonnes ornées et dorées, et sa porte d’entrée décorée de bois sculpté. Il se démarque ainsi fortement des autres bâtiments à proximité.