Découvrez l'Albanie : Beaux-Arts (Peinture / Sculpture / Street Art / Photo)

Des statues à la gloire de Skanderbeg, quelques beaux musées archéologiques et d’icônes post-byzantines, un peu de graffs sur les murs et une poignée de galeries : voilà pour les amateurs de beaux-arts. L’Albanie a eu une histoire compliquée et c’est l’un des plus pauvres pays d’Europe. Cela explique – en partie – que le patrimoine artistique soit ici aussi peu développé et préservé. Bien que située entre les deux foyers historiques de l’art européen, la Grèce et l’Italie, l’Albanie est restée longtemps enclavée et, pendant de longues phases, à l’écart des grands mouvements culturels. Quant à sa propre culture, autrefois riche et variée, elle a subi l’uniformisation imposée par deux dictatures au XXe siècle et par la domination d’un modèle aujourd’hui à la fois mafieux et libéral. Sans compter que nombre d’œuvres ont été volées par des visiteurs étrangers et par tout une partie de l’élite locale.

Huit millénaires d’œuvres anonymes

Il faut attendre le XVIe siècle pour que les premiers artistes signent véritablement leurs œuvres en Albanie. Pour autant, pendant huit millénaires, des graveurs, potiers, orfèvres sculpteurs et peintres ont travaillé ici dans l’anonymat.

Culture de Maliq. Vers 6500 avant notre ère, cette société néolithique de la région de Korça est l’une des premières à maîtriser l’agriculture dans les Balkans. Leurs artisans et artistes ont laissé des poteries que l’on peut observer au musée national d’Histoire, à Tirana.

Illyriens. De la période antique, peu de choses nous sont parvenues des Illyriens. On peut observer quelques objets (certains grecs mais ici attribués aux Illyriens) au Musée archéologique national, à Tirana. Là aussi, remarquez l’étonnante sculpture d’un dieu de la fertilité (IIIe siècle av. J.-C.) de la tribu hellénisée des Amantes provenant du petit site archéologique d’Amantia. Précisons que les plus beaux artefacts illyriens d’Albanie, notamment de superbes casques en bronze, se trouvent dans des musées et chez des collectionneurs à l’étranger.

Grecs. Ce sont eux qui ont le plus marqué l’art antique en Albanie. Et pour cause, les Grecs ont fondé Apollonie d’Illyrie et Butrint (les deux plus grands sites archéologiques du pays), mais aussi quantité de villes comme Lezha, Durrës, Vlora ou Saranda. Malgré les vols et les pillages qui perdurent, sculptures, armes et bijoux grecs sont présents dans presque chaque musée du pays, qu’ils soient les œuvres de colons venus de Syracuse, de Corfou ou de Corinthe, de tribus grecques de l’Épire ou de tribus illyriennes hellénisées. Mention spéciale à la grande collection de figurines votives d’Aphrodite, au Musée archéologique de Durrës.

Romains. Ils reprennent à la leur compte l’héritage grec. En témoignent les beaux portraits sculptés de divinités grecques et de riches citoyens gréco-romains dans les musées de Tirana, de Durrës, de Butrint ou d’Apollonie d’Illyrie.

Byzantins. Culture grecque toujours. Jusqu’au XIVe siècle, les Byzantins couvrent le pays de fresques et de mosaïques. Parmi ces dernières subsistent celle de Tirana, du joli village de Lin, sur le lac d’Ohrid, et celle, moins bien conservée, du Musée archéologique de Saranda. Pour les plus belles fresques médiévales, on conseille les églises de Mborja, près de Korça, de Labova, près de Gjirokastra, et de celle l’île de Maligrad, sur le lac Prespa.

Onfuri, plus grand peintre albanais

Si les grands peintres byzantins d’Albanie nous sont inconnus, Onufri en est l’héritier direct. C’est l’un des tout premiers à signer ses œuvres, en pleine période ottomane, au XVIe siècle : des icônes et des fresques d’église aux rouges étincelants. Influencé par les peintres crétois de culture vénitienne et byzantine, cet archiprêtre orthodoxe originaire de Neokastro (Elbasan) a laissé quelques travaux majeurs que l’on peut voir, bien entendu, au musée Onufri de Berat, mais aussi à l’église de Shelcan (près d’Elbasan), au fabuleux musée national d’Art médiéval, à Korça, à la galerie des icônes du musée national d’Histoire, à Tirana, ou au Musée byzantin de Kastoria, en Grèce. Son héritage perdure pendant deux siècles avec l’école picturale de Berat. Un second pôle prend alors le relais à Korça avec David Selenica (XVIIe-XVIIIe siècles) et les frères Konstantin et Athanas Zografi (XVIIIe siècle). Ceux-ci peignent des icônes et de superbes fresques dans les églises de Moscopole, ville aroumaine de la région de Korça qui fut un temps la plus riche du pays. Mais Onufri est toujours considéré comme le plus grand peintre albanais. D'ailleurs, le prix récompensant chaque année les meilleurs artistes du pays porte son nom.

Arts islamiques en demi-teinte

Durant cinq siècles, les Ottomans ont peu investi dans le domaine de la culture en Albanie. Leur héritage paraît ici bien faible comparé aux superbes édifices ottomans d’Istanbul. De plus, le patrimoine islamique a souffert de la folie destructrice du mouvement athéiste lancé en 1967 par le régime communiste. Toutefois, ce dernier a préservé l’une des très rares mosquées à fresques des Balkans, peinte par des artistes anonymes au début du XIXe siècle : la mosquée Et’hem Bey de Tirana. Si le style est ici « ottoman provincial » (comprendre « de seconde zone »), il témoigne surtout du mécénat de riches familles musulmanes locales à partir du XVIIIe siècle. Quant aux traditions des artisans de la période ottomane (orfèvres, bronziers, ferblantiers, tisseurs…), il n’en subsiste que quelques rares exemples souvent mal mis en valeur dans de petits musées ethnologiques poussiéreux. D’un point de vue pictural, toute la période ottomane est très peu documentée. Toutefois, au tournant du XIXe siècle, le redoutable gouverneur de l’Épire Ali Pacha s’entoure d’une véritable cour où gravitent des artistes étrangers. Parmi ses invités, les Britanniques Edward Lear, William Haygarth et Charles Robert Cockerell ainsi que le Français Louis Dupré sont les premiers à peindre les paysages, les villes et les habitants du sud de l’Albanie.

Renaissance nationale

À partir du milieu du XIXe siècle, les Albanais commencent à revendiquer leur propre identité au sein de l’Empire ottoman. C’est le mouvement de la Rilindja kombetare, la « Renaissance nationale ». Celle-ci coïncide avec 2 innovations majeures dans le domaine de l’art : le mouvement pictural du réalisme et la naissance de la photographie. C’est ainsi que la peinture profane albanaise apparaît à Shkodra avec Kolë Idromeno (1860-1939). On lui doit notamment Motra Tone (Notre sœur, 1883), « la Joconde albanaise », restaurée à Paris en 2005 et exposée à Galerie nationale des arts, à Tirana. Mais Idromeno est un touche-à-tout qui sculpte, s’inspire de la photographie, correspond avec les frères Lumière et organise l’une des premières séances de cinéma en Albanie, en 1908. C’est aussi à Shkodra que s’installe l’autre grand artiste de la Rilindja kombetare, Pietro Marubi (1834-1905). Ce peintre italien fonde en 1858 le premier studio de photographie du pays. Il saisit les portraits d’une Albanie aujourd’hui disparue : chefs de clan, guerriers des montagnes, notables ottomans… La « dynastie Marubi » perdurera jusqu’en 1940. C’est une riche collection de plus de 100 000 clichés qui sont conservés au musée national de la Photographie Marubi, à Shkodra.

Au service des dictateurs

Dictature de Zogu (1925-1940). Après l’indépendance, en 1912, l’Albanie sombre dans le chaos. Mais à partir de 1925, Ahmet Zogu réunifie le pays d’une main de fer et confisque les pouvoirs jusqu’à se faire couronner roi, en 1928, sous le nom de Zog Ier. Sous très forte influence du régime fasciste de Mussolini, Zogu fait entrer le pays dans la modernité et des architectes italiens remodèlent les grandes villes. Il a pour conseiller et ami le peintre et diplomate de Shkodra Çatin Saraçi (1903-1974), dont on retrouve quelques natures mortes au Musée historique de Vlora. Deux de ses six sœurs, Ruhije et Myzejen Zogu, chargées de l’éducation et de la culture, subventionnent des artistes. C’est ainsi qu’Odhise Paskali (1903-1985), plus grand sculpteur albanais du XXe siècle, commence ses études à Turin, en 1925, grâce à ce mécénat. De retour au pays, il réalise la monument du Combattant national (1932), à Korça, et fonde avec le peintre réaliste Abdurrahim Buza (1905-1986) la première école d’art du pays, à Tirana, en 1933. Mais c’est surtout la dictature communiste qui va tirer les fruits de ce développement artistique.

Dictature communiste (1944-1991). Tandis que les lieux de culte sont progressivement fermés, voire détruits, les artistes profanes sont réquisitionnés : à eux de donner l’exemple en représentant « l’homme nouveau » et les nouveaux symboles du pays. Déjà mis en avant par Zogu, la figure tutélaire de Skanderbeg devient omniprésente. En 1959, Janaq Paço (1914-1991) sculpte la première statue monumentale du héros, à Kruja. Mais c’est à Odhise Paskali que l’on confie la réalisation de la célèbre statue de Skanderbeg (1968), à Tirana. Paskali est prolixe : il réalise aussi bien des portraits de partisans, du dictateur Enver Hoxha et du peintre Onufri que le grand monument de l’Indépendance (1972), à Vlora. Avec lui collaborent plusieurs artistes secondaires, dont Kristaq Rama (1932-1998). Père du Premier ministre Edi Rama, il sait se faire bien voir des autorités et conçoit la statue de Mère Albanie (1971) au cimetière des Martyrs de la Nation, à Tirana. On retrouve aussi certains des tableaux des Rama père et fils à la galerie nationale des Arts, à Tirana. Ce lieu est captivant. Il retrace plus d’un siècle de création en Albanie. Il illustre surtout les changements constants imposés aux artistes par le régime communiste au gré des ruptures idéologiques avec la Yougoslavie, l’URSS, puis la Chine. Quelques œuvres singulières se détachent. La grande toile Vojo Kushi (1969), montrant un partisan attaquant un char à la grenade, étonne par son parti pris quasi surréaliste. Elle est signée de Sali Shijaku (1933-2022). Ce fut l’un des rares artistes à avoir gardé une distance avec le régime, et c’est aujourd'hui l’un des rares peintres albanais de la période communiste à être encore respecté.

Aujourd’hui : l’exode des artistes

La scène contemporaine albanaise offre un paysage contrasté. Si elle bénéficie d’une bonne réputation sur le marché de l’art, ce n’est pas en Albanie qu’on la trouve. Alors que le pays est dirigé par l’ancien artiste Edi Rama, le secteur des arts souffre d’un manque d’investissements, de structures d’exposition et de lieux de création. Si bien qu’absolument tous les grands créateurs actuels vivent et travaillent à l’étranger. Le très réputé plasticien et vidéaste Anri Sala (né en 1980 à Tirana) a pris la nationalité française (expos fréquentes à Paris) et réside à Berlin. La capitale allemande accueille aussi la romancière et plasticienne francophone Ornela Vorpsi (née en 1968 à Tirana) et la peintre et plasticienne Majla Zeneli (née en 1980 à Tirana). Certains ont choisi de s’exiler en Amérique du Nord comme les peintres Mikel Temo Greko (né à Korça en 1964), installé à Vancouver ; Lui Shtini (né à Kavaja en 1978), établi à New York ; et la peintre et plasticienne Anila Rubiku (née en 1970 à Durrës), qui vit entre le Canada, l’Italie et l’Albanie. Mais c’est surtout Milan et l’Italie qui abritent la plus importante colonie d’artistes albanais : la peintre Iva Lulashi (née en 1988 à Tirana), le sculpteur, photographe et vidéaste Adrian Paci (né en 1969 à Shkodra), le peintre et plasticien Artan Shalsi (né à Berat en 1970), résidant à Parme, et le sculpteur et designer Helidon Xhixha (né à Durrës en 1970), qui partage sa vie entre Milan et Dubaï. Ce dernier est l’un des rares artistes actuels dont on peut voir une œuvre à Tirana : l’étincelante sculpture en acier inoxydable Big Bang (2021) qui trône devant le stade national. Par ailleurs, quelques expositions temporaires sont organisées à Tirana, à la galerie nationale des Arts et dans 4 petites galeries privées : FAB (facebook.com/100063511122522), Kalo (facebook.com/galeriakalo), E. Rira (galeriarira.com) et Zeta (qendrazeta.com).

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