Découvrez le Mozambique : A l'écran (Cinéma / TV)

Quelques mois après son indépendance en 1975, le Mozambique se dote d’un Institut national du cinéma. L’ambition est claire : les films doivent être l’un des vecteurs privilégiés de l’utopie marxiste en marche. L’idée a peut-être en partie germé chez les dirigeants du Frelimo au gouvernement quand des documentaristes étrangers les ont suivis dans le combat qu’ils ont mené contre le pouvoir colonial portugais, comme Margaret Dickinson avec Behind the Lines filmé dans la province de Niassa, ou Robert Van Lierop avec The Struggle Continues, qui datent tous deux de 1971. La guerre civile, la sécheresse, le sida, une pauvreté endémique mirent bientôt fin à cet enthousiasme révolutionnaire, rendant pour un temps futile l’idée même de cinéma. Terre somnambule, comme l’a surnommé son célèbre écrivain, Mia Couto dans son livre éponyme, le Mozambique a vu l’industrie cinématographique renaître de ses cendres au tournant des années 2000.

Le réalisateur Miguel Gomes en 2012 © criben - Shutterstock.com .jpg

Lendemains qui (dé)chantent

À l’indépendance, les efforts de l’Institut national de cinéma (INC) se concentrent dans la confection de bandes d’actualité diffusées à travers le pays au cours de projections itinérantes. Celles-ci portent le nom de « Kuxa Kanema » et ont pour objectif d’émanciper le peuple. Le pays en produit alors un peu plus de 300, en plus de quelques documentaires. La réalisatrice portugaise Margarida Cardoso en a compilé des fragments qui ont survécu à l’incendie en 1991 du bâtiment qui abritait l’INC dans un documentaire Mozambique, journal d’une indépendance (2003), qui rend aussi compte de la venue de réalisateurs étrangers, parmi lesquels Jean-Luc Godard, Jean Rouch ou Ruy Guerra venus apporter leur savoir-faire et tourner des films dans un pays où tout restait à construire. Ce dernier, Portugais né au Mozambique avant de migrer vers le Brésil, réalise le premier long-métrage mozambicain, Mueda, mémoire et massacre (1979), qui consiste en une reconstitution d’un épisode traumatique qui a signé le début de la guerre d’indépendance, le massacre de manifestants autochtones par le pouvoir portugais dans la ville de Mueda en 1960. On rapporte que dans un pays largement illettré, des films de Tarkovski, Wajda, Einsenstein et autres cinéastes illustres sont alors diffusés le soir lors de séances publiques. Mythe ou réalité, cette politique est très vite avortée, la faute à une situation que la guerre civile achève de rendre catastrophique au tournant de la décennie. Le cinéma est un moyen d’expression coûteux et ce n’est pas un hasard si l’un des rares films de fiction tournés durant cette période est une coproduction yougoslave, Le Temps des léopards (Zdravko Velimirović, 1985), qui revient sur la guerre d’indépendance à travers un canevas classique de deux amis qui se retrouvent dans des camps opposés. Música, Moçambique ! (José Fonseca e Costa, 1981), Chante mon frère, aide-moi à chanter (José Cardoso, 1982), célébrations du patrimoine musical mozambicain, font partie des rares films de la période qui fassent résonner une note un peu plus gaie.

Le Mozambique et ses fantômes

Des compagnies de production s’élèvent sur les ruines de la guerre à partir de 1991, renouant timidement avec des désirs enfouis de cinéma, mais il faut attendre quelques années avant que le Mozambique serve de décor à de véritables longs-métrages, pour la plupart à l’initiative de cinéastes venus de l’étranger, signe que la production locale demeure très largement dépendante de capitaux étrangers. La carrière de Licínio Azevedo, compatriote de Ruy Guerra installé au Mozambique depuis 1977, connaît ses premiers balbutiements avant de prendre son essor au cours de la décennie suivante. Le Jardin d’un autre homme (Sol de Carvalho, 2006) suit les poignantes tribulations d’une jeune femme qui veut devenir médecin dans un pays miné par la corruption et le sida. Deux motifs hantent la plupart de ces films : d’une part la guerre d’indépendance, dans Le Rivage des murmures (2004) par exemple, qui adopte le point de vue d’une jeune femme portugaise venue rejoindre son mari à Maputo et fait s’entrecroiser émancipation des femmes et décolonisation, d’autre part la guerre civile qui a suivi, comme dans Comédia Infantil (Solveig Nordlund, 1998) ou l’adaptation du roman déjà évoqué de Mia Couto par la réalisatrice portugaise Teresa Prata (Terre somnambule, 2007), qui ont tous deux pour principal protagoniste un enfant. Yvonne Kane (2014) est une nouvelle enquête, cette fois au présent, sur les spectres de la colonisation et des espoirs qui lui ont succédé. Ces fantômes parcourent également Tabou (2012) de Miguel Gomes, tourné pour une part à Lisbonne et pour l’autre au Mozambique, assimilé à un paradis perdu dans le district de Gurué, rêverie romantique qui fascine ou ennuie (question d’humeur ?).

La fiction au profit du réel

Par ailleurs, dans le dernier film de Licínio Azevedo, qui alterne entre documentaire et fiction, un train à destination du Malawi sert de fil conducteur à travers un pays déchiré par la guerre civile, avec laquelle contraste l’imperturbable magnificence de ses paysages naturels (Le Train de sel et de sucre, 2016). Azevedo avait réalisé en 2005 un documentaire sur d’anciens soldats devenus démineurs, Un camp de déminage. C’est une mine qui déclenche le récit plein de réalisme magique de Mabata Ba (Sol de Carvalho, 2017), nouvelle adaptation de Mia Couto. Le tournage en 2001 de certaines des scènes africaines d’Ali, le biopic que Michael Mann consacre à Mohammed Ali, a semblé amorcer un tournant qui peine à se concrétiser. Hollywood ne vient encore tourner au Mozambique qu’au compte-gouttes. Blood Diamond (Edward Zwick, 2006), censé se dérouler en Sierra Leone, est l’occasion pour quelques passionnés du cru, comme Mickey Fonseca, de se former au contact des méthodes hollywoodiennes. Il a fallu à ce dernier dix ans pour réunir les fonds nécessaires d’un premier long-métrage 100 % mozambicain, Resgate, un thriller qui circule actuellement dans les festivals. Mosquito (João Nuno Pinto, 2020) est l’occasion de se souvenir de la campagne d’Afrique de l’Est et que le Mozambique a été comme l’une des dernières marges de la Première Guerre mondiale sur les basques d’un soldat portugais dont les rêves d’héroïsme se perdent au milieu de la jungle. Film aux frontières de l’installation artistique, de l’Argentin Eduardo Williams, balançant entre amateurisme et formalisme, El augel del humano (2017) se pose en chronique impressionniste de la jeunesse au Mozambique, en Argentine et aux Philippines, dont l’éloignement se trouve comme aboli par Internet. Les amateurs de cuisine ne manqueront pas l’épisode de No Reservation (2012) qu’a consacré le regretté Anthony Bourdain au Mozambique, qui excède comme à son habitude le simple domaine culinaire, où l’on revoit les ruines du Grand Hotel de Beira, qui sert encore aujourd’hui de refuge à des milliers de sans-abri et avait déjà donné lieu à un documentaire de Licínio Azevedo, Les Hôtes de la nuit (2008). Pour combien de temps ? Le présent semble enfin sourire au Mozambique comme le montre la résurrection du parc national de Gorongosa et de sa faune, signe d’une stabilité enfin retrouvée et relatée par quelques documentaires.

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