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La musique traditionnelle

Qu’existe-t-il de plus emblématique au Mozambique que les timbila ? Cet ensemble de xylophones en bois est une tradition chopi, un peuple d’environ 800 000 individus résidant dans la province d’Inhambane (surnommée « Chopiland »). Composés de cinq à trente instruments de différentes tailles, les timbila sont joués tous ensemble pendant les événements importants de la communauté, tels que les mariages, et s’articulent autour de rythmes intenses. Véritables cérémonies, les représentations de timbila commencent par le m’zeno, un chant solennel entonné par les danseurs – habillés en guerriers – que les musiciens accompagnent en sourdine. Disparaissant peu à peu durant la guerre civile, ce type d’orchestre a été inscrit en 2005 comme patrimoine culturel immatériel de l’humanité par l’Unesco. Aujourd’hui beaucoup de villages possèdent leur ensemble de timbila et des concerts – les ngodo – sont donnés régulièrement sur scène. Toutefois, plusieurs dangers pèsent sur cette tradition : la fabrication des instruments est un savoir-faire qui s’éteint doucement et la déforestation raréfie le bois nécessaire à leur confection.

Les musiques populaires

Revenons sur une question posée précédemment. S’il existe une seule sonorité plus emblématique du Mozambique que les timbila, c’est bien le marrabenta. À vrai dire, cette musique (et danse) étant le produit culturel mozambicain qui s’exporte le mieux, elle s’est avec le temps imposée comme un pilier de l’identité nationale. Originaire du sud du Mozambique, le marrabenta prend forme dans les années 1930 et 1940, tandis que le pays est sous influence coloniale portugaise. Mélange de rythmes traditionnels africains saccadés et répétitifs, de musique folklorique portugaise et d’instrumentations occidentales, le marrabenta est une musique frénétique destinée au corps, et dont le groove fiévreux s’avère irrésistible pour le bassin et les jambes. Très urbaine, souvent sensuelle, cette musique n’est pas dénuée de contenu et aborde souvent la vie quotidienne avec humour ou mélancolie. Regarder les évolutions du genre, c’est suivre de près les mouvements de l’histoire locale. Par exemple, lorsque la guerre civile éclate, de nombreux musiciens mozambicains s’échappent vers l’Afrique du Sud. À leur retour des années plus tard, ils jouent un marrabenta enrichi de kwela et de xangana sud-africains. Autre exemple, à l’époque du Mozambique socialiste (entre 1975 et 1990), ce sont des influences cubaines que l’on sent dans le marrabenta. Puis à la fin de la guerre civile, en 1992, c’est le rock et la pop, principalement américains, qui se diffusent dans le genre. Pour entendre toutes ces évolutions, il est intéressant d’écouter des artistes de différentes générations comme Fany Pfumo, Dilon Djindji ou Wazimbo (les pionniers) et Eyuphuro, Orchestra Marrabenta Star de Moçambique ou Neyma, la « Beyoncé » de la discipline. Aujourd’hui, le marrabenta s’est imprégné d’influences mondiales, du rhythm & blues au reggae en passant par le hip-hop. Le groupe Mabulu est d’ailleurs une excellente illustration de ce que peut offrir cette nouvelle vague de marrabenta dopée au rap. La pandza, courant récent faisant remuer toute la jeunesse, est un dérivé du marrabenta.

Mais il serait dommage de cantonner la musique populaire du Mozambique à un seul genre. Pays ouvert et curieux, sa scène musicale est très hétérogène et beaucoup de groupes à succès vont chercher leurs influences partout dans le monde. C’est le cas de Kapa Dêch, groupe phare de jazz-funk des années 1990. C’est aussi le cas de Ghorwane, afropop dont Peter Gabriel était fan, José Mucavele, légende locale de la guitare, ou Chico Antonio, de l’afrorock très jazzy. Ayant joué dans tous les plus grands festivals de jazz et de musique du monde, Antonio est par essence le grand musicien du pays. Pour écouter de la musique live au Mozambique… il n’y a qu’à se laisser guider par son ouïe ! À Maputo, par exemple, la musique est partout. Autrement, le bar Gil Vicente est toujours une excellente adresse proposant une des meilleures ambiances de la ville et des groupes programmés chaque week-end. Pour le marrabenta, difficile de conseiller mieux que le Marrabenta Festival, qui se tient chaque année dans la ville de Matola et convie la crème du genre.

Le pandza, le hip-hop et l'amapiano

Mélange de marrabenta (il n’est jamais loin), dancehall, hip-hop et sonorités du voisin sud-africain, le pandza est devenu en moins d’une décennie le style le plus populaire au Mozambique, tout au moins auprès de sa jeunesse. Sa scène est déjà très riche avec d’un côté les pionniers – N’Star, Ziqo et Dj Ardiles –, de l’autre les étoiles montantes : M. Cizer Boss, Lizha James ou Mr. Kuka. Principalement chantés en portugais et en langue shangana de Maputo, les textes abordent des sujets sensiblement similaires à ceux du hip-hop. Pas de hasard d’ailleurs, la plupart des producteurs de pandza sont ou ont été des producteurs de rap. Arrivé au début des années 2000, le genre a conquis le Mozambique comme le reste du monde et ses stars – Bander Artista, Dygo Boy ou Laylizzy – collent peu ou prou aux codes américains. Un fait intéressant à noter : à l’heure où Internet a rendu les frontières plus poreuses, la relecture électronique par la jeune garde portugaise du kizomba ou du taraxxinha angolais est en train de conquérir le Mozambique. Pas mal de nouveaux producteurs en composent et on entend de plus en plus ce genre issu d’une autre ancienne colonie portugaise partout dans le pays. De même l'amapiano mêlant beat house groovy et rythmes africains venus des clubs branchés d'Afrique du Sud s'étend à toute l'Afrique, en particulier l'Afrique australe. Bien sûr, les hits de musique naija venue du Nigeria s'écoutent aussi partout (Wizkid, Burnaboy, Rema, etc.) dans les bars et les clubs.

La danse

Au même titre que la musique, la danse est omniprésente au Mozambique et fait partie intégrante du quotidien. Bonne illustration, dans les années 1960, lorsque le Frelimo était en pleine entreprise de libération du pays, il accompagnait ses meetings de chants et de danses pour les rendre plus parlants. Avant ça, durant la colonisation, tout ce qui relevait de la culture traditionnelle (rites comme cérémonies) a été interdit. Ceux qui bravaient la loi s’exposaient à la répression, parfois armée. Étant donné l’immensité́ du Mozambique, ce sont dans les régions les plus reculées du territoire que les traditions de danse et de musique ont pu perdurer. L’interdiction les poussant à la clandestinité, les danses étaient pratiquées secrètement et se basaient sur des chorégraphies moquant les travers coloniaux.

Parmi les danses réputées dans le pays, on trouve le mapico, la danse traditionnelle des Makondé. Cœur des fêtes d’initiation, ce rite voit souvent un danseur porter le masque du mapico (le lipico) et se retrouver plongé dans un état de transe au rythme des tam-tams. Aujourd’hui, le mapico est toujours pratiqué malgré quelques changements. On choisit, par exemple, les week-ends ou les jours fériés pour le célébrer. Aussi, certains tambours sont fabriqués dans des matériaux en plastique et les costumes traditionnellement composés de haillons sont remplacés par des habits neufs, des montres Casio, des baskets. C’est l’inéluctable adaptation à une société nouvelle. En revanche, le masque garde son caractère authentique et les rythmes de la musique restent traditionnels. Après l’indépendance, les autorités prennent conscience de la nécessité de moderniser les danses, tout en mettant en valeur l’immense patrimoine culturel du pays. La création en 1983 de la Compagnie nationale de chant et de danse (CNCD) par le chorégraphe Julio Matlombé s’inscrit pleinement dans cet esprit en aidant à l’émergence de la première génération d’artistes chorégraphes. Entité extrêmement importante pour la danse dans le pays, en trente ans d’existence la compagnie s’est produite sur de nombreuses scènes d’Afrique, d’Europe et d’Amérique du Nord et du Sud. C’est grâce au travail du CNCD que le Mozambique apparaît sur la cartographie de la danse contemporaine. Quelques noms indispensables à retenir : Panaibra Gabriel Canta, danseur et chorégraphe pionnier de la danse contemporaine au Mozambique, tout comme Maria Helena Pinto – à l’initiative du premier Centre de développement chorégraphique du pays à Matola – et feu Agostino Cuvilas. Pour voir de la danse contemporaine au Mozambique, on peut soit se rendre à la Casa da Cultura de Maputo où se produit régulièrement la Compagnie nationale de chant et de danse ou au festival de danse Kinani. Se tenant généralement en fin d’année, le rendez-vous est pleinement dédié à la danse contemporaine (et soutenu par l’Institut français). Pour de la danse traditionnelle, la Maison de la culture (Casa da Cultura) de Vilankulo en programme régulièrement.

Le théâtre

À l’origine pratique importée par les Portugais, le théâtre a connu un bel essor au Mozambique. S’il est dans les années 1930 l’apanage des colons (et leurs enfants), il se popularise après l’indépendance et voit des troupes mozambicaines se former (comme le Groupe scénique des forces populaires de libération du Mozambique). En 1982, le Groupe amateur de théâtre de l’Association culturelle de la Casa Velha se met en place. Fonctionnant encore aujourd’hui de manière très régulière, cette troupe est une des plus anciennes du pays et propose un théâtre axé autour du réalisme social. Mia Couto, une des rares dramaturges mozambicaines, leur prête souvent ses textes quand ils ne piochent pas dans le répertoire étranger. Si vous voulez les voir à l’œuvre, ils répètent et se produisent souvent au Théâtre Avenida de Maputo. Ce petit théâtre plein de charme a longtemps été dirigé par le romancier et dramaturge suédois Henning Mankell, qui le laissa orphelin en 2015. Aujourd’hui, la directrice des lieux, Manuela Soeiro, femme de théâtre, en tient divinement les rênes. On peut aussi assister à des représentations dans ce petit amphithéâtre en plein air qu’est la Casa Velha. L’édifice, très mignon, accueille aussi bien danse que théâtre.