Khmers
Peuple mythique de bâtisseurs, d’artistes et de conquérants, les Khmers sont positivement les descendants du couple légendaire dont l’union transcenda l’avenir de leur pays. L’amour entre la sublime femme-serpent, fille du Nagaraja, et l’aventureux prince Preah Thong symbolise la fusion de deux races qui allaient bientôt n’en former qu’une : les peuplades autochtones austro-asiatiques et les tribus aryennes descendues d’Inde devenaient le peuple khmer entre les IVe et IIe millénaires av. J.‑C. Selon les points de vue ethnologique et linguistique, les Khmers se rattachent aux populations Môn de Basse-Birmanie ainsi qu’à quelques peuplades de la cordillère annamitique.
Khmers Loeu
Cette dénomination englobe les Pear, groupes originaires de la côte de Coromandel dans le sud de l’Inde, qui se sont fixés dans les montagnes des Cardamomes, ainsi que les peuplades d’origine austronésienne ou môn-khmer telles que Stieng, Braou, Tam Poun, Jaraï, Phnong… habitant les provinces quasi désertes de l’est et du nord-est du Cambodge. Ces groupes ethniques, bien que regroupés dans la même famille, observent des cultures parfois très différentes les unes des autres, et très éloignées de la culture dominante khmère. Isolés et peu influencés par le gouvernement central, nombre d’entre eux vivent toujours selon des coutumes ancestrales. Ils sont cueilleurs, pêcheurs, chasseurs, ou pratiquent la culture sur brûlis. Les bombardements massifs de l’US Air Force, puis les communismes khmer et vietnamien (et maintenant les missionnaires américains et la société de consommation) ont causé beaucoup de tort à ces populations.
Cham
Les Cham (prononcer « tiam »), que l’on appelle également Khmers Islam, sont dans leur majorité des descendants de l’empire du Champa qui s’étendait autrefois le long de la côte est de l’Indochine et qui fut entièrement anéanti par les Vietnamiens au XVe siècle. Accueillis par les Khmers avec qui ils avaient été en lutte pendant des siècles (leurs combats épiques sont le principal sujet des bas-reliefs que l’on peut admirer au Bayon et à Angkor Wat), les Cham devinrent sujets du roi du Cambodge, mais conservèrent leurs coutumes et la religion musulmane, qu’ils avaient adoptée au XIVe siècle. Les immigrants malais qui sont arrivés de Sumatra au XIIe siècle sont considérés comme faisant partie intégrante de la communauté cham. Les Cham sont traditionnellement pêcheurs, éleveurs et bouchers, cette dernière profession étant interdite aux bouddhistes. Sous le régime khmer rouge, les Cham furent systématiquement persécutés, leurs mosquées rasées ou transformées en porcheries. Avec l’APRONUC (l'Autorité provisoire des Nations unies au Cambodge) s’est ouverte une ère nouvelle pour les Cham, qui ont vu arriver en masse une aide sonnante et trébuchante de la part des grands pays frères que sont la Malaisie, le Pakistan, les Émirats arabes, l’Arabie saoudite… Les régions à forte population cham, telles Kompong Chnang, Pursat, Kampot, les rives du Mékong de Phnom Penh à Kratie, voient se construire de nombreuses mosquées. L’islam des Cham est teinté d’influences bouddhistes, hindouistes et même animistes que les prédicateurs étrangers s’attachent avec succès à éradiquer. Aujourd’hui la population Cham ne dépasse pas le million d’individus, qui restent la plupart du temps rassemblés en communautés séparées du reste de la population.
Chinois
Ils furent, avec les Indiens, les premiers étrangers à connaître le Cambodge et à s’y fixer. Les migrations chinoises eurent lieu en deux vagues principales : la première intervint au début du XVIIe siècle, à la suite des troubles qui marquèrent la fin de la dynastie Ming et la conquête mandchoue ; la seconde, plus importante, au milieu du XIXe siècle, après l’échec de la révolution des Taiping. Cette migration chinoise vers le Cambodge mais aussi vers le Siam, la Malaisie, le Viêt-Nam se poursuivit jusqu’à l’avènement de la République populaire de Chine. Le Siam est l’ancien nom de la Thaïlande dont les habitants s’appelaient autrefois les Siamois. Ils changèrent le nom de leur pays en Thaï Land (littéralement « Terre des Thaïs ») pendant les années 1930 ; ils étaient alors alliés aux forces de l’Axe, et ce changement de nom constituait une revendication sur tous les territoires frontaliers où habitaient des peuples de langue thaïe, principalement le Cambodge et le Laos. Couverts par les Japonais, qui occupaient alors l’Indochine française, ils provoquèrent de très nombreux incidents de frontière, lançant de profondes incursions militaires pour tester les défenses françaises. Cette politique agressive culmina en 1941, obligeant la flotte française de Saïgon (vichyste) à couler la flotte thaïe au large de l’île de Koh Chang. Notons d’ailleurs que plus l’Axe subissait de défaites, plus les Thaïs se rapprochaient des Américains auxquels ils s’allièrent à la fin de la guerre. Les Chinois du Cambodge sont originaires des régions de Chaozhou (Trieu Chau, 80 %), Fujian, Guangdong et Hainan. Souvent arrivés dans un grand dénuement, les émigrants se sont d’abord consacrés à certaines cultures riches (bétel, kapok et poivre) avant de se tourner vers le commerce et l’industrie. Eux aussi ont beaucoup souffert sous les Khmers rouges ; les « champs de la mort » virent disparaître la moitié de leur population, mais ils ont aujourd’hui repris leur ancienne place dans la société cambodgienne. Communauté particulièrement dynamique, les Chinois ne pratiquent pas le repli ethnique, ils ont au contraire toujours recherché et pratiqué l’intégration en se mariant avec des Khmers. De nos jours encore, il est courant qu’une famille chinoise finance les études d’un jeune Khmer prometteur qui devra en retour épouser la fille de la famille. Parallèlement, les Chinois restent très attachés à leur culture et à leur langue. Les écoles chinoises sont légion et comptent parmi les meilleures du pays. L’immigration chinoise au Cambodge prend actuellement des proportions considérables, et même inquiétantes dans la mesure où la mafia est concernée. Certains n’hésitent pas à comparer les investissements massifs réalisés par le gouvernement chinois et ses affiliés comme une nouvelle forme de colonisation de facto. Voyageant au Cambodge, vous ne manquerez pas de remarquer la présence chinoise dans certaines régions, notamment aux alentours de Sihanoukville, avec par exemple l’omniprésente signalisation des commerces dans un double langage, en khmer et en mandarin.
Vietnamiens
Les Vietnamiens ont commencé à s’établir au Cambodge vers la fin du XVIIIe siècle. Le flux d’immigrants s’est ensuite accru de 1870 à 1953, sous l’égide d’un protectorat français soucieux de recruter des fonctionnaires considérés comme plus zélés et capables que les prétendument insouciants Cambodgiens. L’épiscopat catholique a, lui aussi, sa part de responsabilité dans la colonisation de certaines régions du Cambodge par les Vietnamiens. Ne rencontrant guère d’écho dans la population cambodgienne, la Mission apostolique organisa l’implantation de chrétiens annamites en leur attribuant des terres. Cette politique ne manqua pas de créer des antagonismes profonds entre les communautés, aggravés par des différences culturelles et de caractère, qui déboucha rapidement sur la haine entre Khmers et Annamites. Les Khmers, peuple homogène et vieux de plusieurs milliers d’années, appartiennent, comme leurs voisins siamois, laotien et birman, à l’Asie imprégnée de culture indienne. Occupés durant mille ans par la Chine, les Vietnamiens ne pratiquent pas le même bouddhisme et forment un peuple farouchement nationaliste, souvent méprisant, voire aux visées franchement hégémonistes par rapport à leurs voisins moins nombreux. Ce sont eux qui ont voulu et (bien) mené toutes les guerres d’Indochine, y précipitant pour leur plus grand malheur Khmers et Laotiens. Lorsqu’en décembre 1978 ils lancèrent leurs divisions contre le Kampuchéa démocratique, ils mettaient, certes, un terme à l’un des régimes les plus sanguinaires et barbares qu’ait jamais connus la planète mais, surtout, ils annexaient le petit Cambodge ; ils allaient le piller pendant dix ans et lui imposer un second stalinisme des rizières. Les Khmers, qui ne les avaient jamais portés dans leur cœur, en ont conçu une haine féroce. A l’heure actuelle, environ 750 000 Vietnamiens vivent au Cambodge. Chassés de leur pays par le totalitarisme, la surpopulation et le chômage, ils ne trouvent chez les Khmers que la peur et l’insécurité. Petits artisans, mécaniciens, prostituées… sans cesse ballottés par une situation politique très mouvante, ceux qui peuvent être appelés les « Youn » (terme khmer péjoratif désignant les Vietnamiens) du Cambodge subissent passivement les contractions d’une histoire qui n’en finit pas d’accoucher.