IIIe – IXe siècle
Premières civilisations
C’est à Oc-Eo, sur le golf de Siam, que se développe l’une des premières civilisations connues du Cambodge, le royaume du Fou-Nan. Au confluent des influences de l’Inde et de la Chine, ce royaume devient entre le IIIe et le VIIe siècle une grande puissance dominante. Au VIe siècle, le Chen-La, plus puissant de ses états vassaux, proclame son indépendance et étend son territoire jusqu’à annexer son ancien suzerain. Mais il se scinde en deux au VIIIe siècle. Le Chen-La de Terre deviendra le Laos, et le Chen-La d’Eau, ou Kambudja, correspond au Cambodge et à la Cochinchine. Envahi et administré un temps par Java, le pays est libéré par le jeune roi Jayavarman II, qui en 802 crée le royaume Khmer sur la montagne du Phnom Kulên à quelques kilomètres d’Angkor.
IXe – XIIIe siècle
Période Angkorienne
La forteresse de Phnom Kûlen est bien protégée et inexpugnable, mais sa situation la rend difficile à mettre en culture. Après une cinquantaine d’années, Javayarman II transfère sa capitale dans la plaine pour faciliter l’agriculture et fonde Hariharalaya, dans la région de Roluos, où il s’éteint en 854. Son neveu, Indravarman Ier, met en place un système d’irrigation et d’agriculture intensive révolutionnaire qui va faire la puissance d’un royaume qui s’étendra bientôt jusqu’au Vietnam, au Laos et à la Thaïlande actuels. Son fils et successeur Yaçovarman Ier crée la première capitale véritable en dur du pays, aux limites précises, Puri. Devenue Angkor, la ville reste capitale sans interruption pendant les siècles suivants, à part une courte période de 921 à 944. A la fin du Xe siècle, les constructions s’accélèrent. C’est notamment à cette époque que sont construits les temples du Mébon Oriental et de Pré Rup. Malheureusement c’est également une période de guerres fréquentes avec les Cham, les Birmans, les Siamois, et les Vietnamiens. Suryavarman II construit l’immensément célèbre Angkor Wat, défait les Cham et s’empare de leur capitale Vijaya en 1145, puis est à son tour vaincu par eux en 1149. Après sa mort en 1152, le royaume traverse des années difficiles, les Cham ravageant Angkor en 1177. La puissance et la gloire des Khmers sont restaurées par l’accession au trône, en 1181, de Jayavarman VII.
Jayavarman VII
Considéré comme le plus grand roi bâtisseur de l’histoire du Cambodge, ce roi visionnaire fait construire un grand nombre des plus beaux temples d’Angkor : Bayon, Preah Khan, Ta Phrom, ou encore les portes d’Angkor Thom. Il fut peut-être le légendaire roi lépreux évoqué par Tchéou Ta Kouan ; est-ce à cause de cette infortune qu’il fit édifier plus de cent hôpitaux à travers tout le pays ainsi que d’innombrables gîtes d’étape le long des routes dont il couvrit le Cambodge ? La stèle de Say Fong, relatant son édit sur les hôpitaux, nous apprend « qu’il souffrait des maladies de ses sujets plus que des siennes, car c’est la douleur publique qui fait la douleur des rois et non leur propre douleur ». Conquérant infatigable, non seulement il repousse les attaques des Cham mais envahit le royaume, l’annexe et en fait un territoire vassal pendant une trentaine d’années. Il guerroie sans cesse pour étendre la puissance des Khmers, et se rend maître de la vallée du Mékong au nord d’Angkor jusqu’à Vientiane, actuelle capitale du Laos, et au sud jusqu’à l’isthme de Kra. Malheureusement, c’est ce désir d’étendre son territoire qui sans doute conduira le royaume à sa perte, comme Napoléon ou Alexandre en leur temps. Pris en tenaille entre les Siamois et les Vietnamiens, le royaume d’Angkor doit sans cesse lutter pour sa survie jusqu’à l’épuisement.
XIIIe – XIXe siècles
Décadence du royaume Angkorien
Après la mort de Jayavarman VII, l’empire vit quelques éclats de grandeur, puis entame un lent déclin. Les successeurs du grand roi sont moins heureux que lui à la guerre et l’empire perd de nombreux territoires. La construction de temples cesse quasi-totalement sous les souverains suivants. Le système d’irrigation tombe à l’abandon, sans que l’on sache vraiment pourquoi le savoir-faire des ingénieurs de la cour s’est perdu, et face aux invasions la capitale tombe une première fois sous les assauts du royaume d’Ayutthaya en 1352. Les Khmers parviennent à reprendre la ville, mais sont à nouveau assaillis en 1394, 1420 puis 1431. La cour finit en 1432 par quitter Angkor, jugée indéfendable. Mais Phnom Penh, Lovek et Oudong, capitales successives, sont également dévastées par les armées étrangères. Une alliance avec les seigneurs Nguyên de Hué permet aux Khmers de se débarrasser de leurs ennemis Cham, mais celle-ci attire les convoitises des Vietnamiens qui s’emparent de nombreux territoires. Le Cambodge, qui n’est au XIXe siècle plus que l’ombre du puissant royaume qu’il a jadis été, voit dans Ang Duong les prémices d’une renaissance. Le roi réorganise le pays et tisse des liens avec la France.
1863-1953
Le Protectorat Français
C’est le fils d’Ang Duong, le roi Norodom, qui signe le 11 août 1863 avec l’amiral de la Grandière, gouverneur de Cochinchine, un traité qui place le Cambodge sous le protectorat de la France. Par deux fois, lors d’un traité en 1884 puis à nouveau en 1897, la France renforce son emprise sur le pays et le place sous son administration directe. Elle restera maîtresse du pays pendant près d’un siècle, jusqu’en 1953. Son action sur le développement est inégale : les villes sont urbanisées et certaines cultures sont développées, mais peu d’efforts semblent avoir été faits dans l’établissement de routes ou de voies de chemin de fer. En revanche, l’influence de la France semble avoir permis de redonner au Cambodge son unité territoriale au terme d’une opposition farouche à la puissance coloniale anglaise comme aux expansionnistes Siamois et Vietnamiens. Si la seconde guerre mondiale met un frein aux ambitions coloniales de la France, celle-ci reste maîtresse du Cambodge, administré par le gouvernement de Vichy. Le Cambodge connaît un premier (bref) moment d’indépendance début 1945 suite à un coup de force du Japon, mais à la capitulation de celui-ci le protectorat est réinstauré. Mais ces évènements ont mis au centre de l’échiquier politique le roi Sihanouk, qui est en position de négocier l’indépendance sur fond de guerre d’Indochine et de volonté nationaliste des voisins régionaux.
1953-1970
Le Prince Sihanouk
Après de longues négociations avec le pouvoir français sur fond de crises internationales multiples, le jeune roi Sihanouk obtient l’indépendance de son pays le 9 novembre 1953. Il trouve un pays en partie développé par l’occupant, mais dans lequel de nombreuses réformes sont nécessaires. Après avoir abdiqué pour se lancer à corps perdu dans la politique, le Prince Sihanouk fonde le Sangkum Reastr Niyum, un grand mouvement de rassemblement. Avec le soutien inconditionnel de tout un peuple, il se lance alors dans de grandes réformes qui modernisent le pays. Mais à l’enthousiasme des premières années succède une contestation grandissante alors que la situation économique se dégrade à nouveau, dans un contexte international extrêmement tendu sur fond de guerre au Vietnam et d’interventionnisme américain. Le prince est destitué le 18 novembre 1970 lors d’un voyage à l’étranger à la faveur du général Lon Nol.
1970-1979
Plongée dans la nuit
Les cinq années qui suivent posent les fondations d’une des pires tragédies de l’histoire mondiale. Aussitôt au pouvoir, Lon Nol ouvre les portes du pays aux Américains qui affluent en masse pour mater la rébellion vietnamienne réfugiée dans les provinces de l’est. Le Prince Sihanouk s’allie au Khmers rouges, et la guérilla fait rage. Le pays, gangrené par une extrême corruption, meurt de faim, et les Américains continuent de le bombarder. Epuisés, de nombreux paysans se rallient à la cause des Khmers rouges, et assiègent la capitale qui tombe le 17 avril 1975. Le régime de Pol Pot, qui se réclame d’un « maoïsme créatif », se révèlera la dictature la plus meurtrière que le monde ait connue. Massacre systématique des partisans de l’ancien régime, puis de l’élite intellectuelle, exode urbain forcé, abolition de tout système de propriété, création de camps de travail dans les campagnes aux conditions inhumaines, le régime fait près de 2 millions de morts. Après plus de 4 ans de terreur, c’est son insistance à persécuter la minorité vietnamienne qui le perdra.
De 1979 à nos jours
Vers le Cambodge moderne
C’est donc le Vietnam qui mettra fin à la folie meurtrière des sbires de Pol Pot en envahissant le pays en 1979. Mettant en déroute les Khmers rouges sans difficultés, les Vietnamiens portent au pouvoir un gouvernement fantoche et semblent bien décidés à s’installer. Mais après 10 ans d’une guérilla acharnée et de fortes pressions internationales, le pays du dragon se retire du Cambodge en 1989. En 1991, à l’instigation du prince Sihanouk et de la France, le pays passe sous administration provisoire de l’ONU, jusqu’à l’organisation d’élections libres. Si elles constituent un formidable espoir, les élection de mai 1993 sont sources de dissensions. Déçus par les résultats, certains fiefs de provinces de l’Est annoncent leur sécession du Cambodge. Pour éviter un guerre civile, un gouvernement de coalition est mis en place. Mais le système adopté, s’il assure l’équilibre entre les partis d’opposition, paralyse le pays. La corruption devient endémique, la déforestation ravage le pays, et la vie politique et sociale est toujours gangrénée par la présence khmère rouge, même si celle-ci perd peu à peu son influence. Depuis les élections de 1998, le pays est dirigée par Hun Sen, premier ministre omnipotent, et le pays peine à se sortir d’un système à double vitesse opposant une population d’une extrême pauvreté et une élite oligarque toujours plus riche.