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La musique classique

Avec peu – voire pas – de compositeurs reconnus internationalement, la musique classique malaise s’exporte dans le monde essentiellement grâce à sa pianiste star : Valerie Ross (née Ooi Sooi Beng). À vrai dire, pour trouver une scène vibrante de musique savante en Malaisie, il faut plutôt regarder du côté de la musique contemporaine, vers les très avant-gardistes Chong Kee Yong et Tazul Tajuddin, par exemple, bardés de prix et distinctions en Europe et au Japon. Ou bien vers le pianiste-compositeur Ng Chong Lim qui produit un travail fascinant autour de l'atonalité. C’est aussi le cas de la compositrice Saidah Rastam, mais avec une couleur plus jazz et malaisienne. Plus lyriques, Johan Othman et Ahmad Muriz Che Rose travaillent chacun à leur manière entre renouvellement de la grammaire savante contemporaine et esthétiques malaisiennes. Si cette scène de musique contemporaine est aussi fournie et vibrante, elle le doit en partie à une entité et un lieu, véritables tremplins locaux : le Malaysian Philharmonic Orchestra (MPO) et son foyer, la salle Philharmonique Petronas, au sein des Petronas Towers. Orchestre le plus prestigieux du pays, le MPO a été dirigé par des chefs de renom – Claus Peter Flor ou Gérard Salonga depuis 2018 – et travaille autour d’un répertoire de musiques de chambre et contemporaines. Avec un regard très moderne et des interprétations marquées par l’excellence, le MPO s’emploie à hisser son nom sur le haut de la scène mondiale. À noter que les États du Penang et du Selangor possèdent eux aussi des orchestres philharmoniques. Certes, ils n’ont pas le niveau du MPO, mais ils peuvent réserver de bonnes surprises. Côté opéra – sous sa forme occidentale – la capitale possède une compagnie, le Kuala Lumpur City Opera qui interprète un ou deux grands classiques du répertoire par saison.

Les musiques traditionnelles et syncrétiques

Si l’on cherche une vue d’ensemble sur la multiculturalité de la Malaisie, il suffit de se pencher sur ses musiques folkloriques. Avec une telle richesse d’influences et d’origines – un mélange de cultures islamique, hindouiste et bouddhiste, de Chine et du Portugal –, on fait plus rapidement le tour du pays que de sa tradition musicale ! Particulièrement prolixe, on regroupe communément la musique malaise en deux familles : les orchestres traditionnels et les musiques syncrétiques – c’est à dire résultant du métissage entre plusieurs cultures et styles. Le gamelan est sans conteste l’ensemble instrumental traditionnel le plus emblématique du pays. Jouant lors des cérémonies royales ou de diverses festivités, on goûte en l'écoutant aux sonorités malaisiennes par excellence telles que le saron (métallophone), le gambang (xylophone) ou les gendang (tambours iconiques). Avec ses couleurs sonores étonnantes et ses rythmiques envoûtantes, le gamelan a beaucoup inspiré les compositeurs occidentaux, Satie, Debussy ou Poulenc par chez nous, Steve Reich et Philip Glass outre-Atlantique. L’autre orchestre traditionnel malais est le nobat, un ensemble royal composé de six musiciens, jouant une musique de Cour solennelle et utilisant des instruments à vent tels que le nafiri ou le serunai. Autre composante du folklore, les musiques syncrétiques dévoilent une Malaisie plurielle. La plus connue est sans doute le Joget, musique et danse rapide aux origines portugaises, qui s’exécute en couple. Lui aussi d’origine portugaise, le keroncong est un instrument de musique (proche du ukulélé) devenu genre à part entière où l’instrument principal est parfois accompagné de gamelan. L'un des groupes les plus connus est l’Orkes Keroncong Fajar Baru Kajang, formé en 1952 et toujours très actif dans le pays ainsi qu’à la télévision publique. Mélancolique, parfois dramatique, le ghazal est présent dans toute l’Asie avec des variantes régionales. Poème d'amour d'origine perse, il se joue ici au violon et au gambus (version malaise du oud arabe). Kamariah Noor est le grand nom du genre. De l’amour, il en est aussi souvent question dans le dondang sayang, ces ballades très lentes inspirées du folklore portugais et jouées au violon et au kompang – tambourin malais omniprésent. Plus pop et proche du ghazal, on trouve l’asli et son mélange d’instruments occidentaux et orientaux. Rosiah Chik fut une des divas en ce domaine. Pour savourer sur scène les musiques traditionnelles malaises, une bonne adresse est l'Istana Budaya. Théâtre national installé dans la capitale, il est la principale scène de spectacle vivant en Malaisie. On peut y voir des représentations de l'Orchestre Symphonique National, les plus grosses productions malaisiennes ainsi que des comédies musicales en tournée internationale. Surtout, l’endroit est le siège de l'Orchestre traditionnel de Malaisie, création du ministère de la Culture visant à valoriser et préserver les musiques traditionnelles malaises. Autrement, dans l’État très conservateur du Kelantan, le centre culturel régional propose régulièrement (et gratuitement) des spectacles folkloriques de très bonne qualité. À noter que le Rainforest Music Festival à Kuching est devenu un rendez-vous très prisé des musiques traditionnelles en proposant chaque année une affiche très complète d’artistes du genre. À réserver longtemps à l’avance !

La pop et les musiques populaires

Si l’on distingue pop (au sens anglophone) et chanson populaire (la variété locale), l’un des premiers tubes populaires de Malaisie date des années 1930 avec Tudung Periok de Momo Latiff. Cela étant dit, la première vraie vedette de la chanson malaise est sans conteste P. Ramlee, le Charles Trenet local. Auteur d’un millier de chansons, il est toujours, 50 ans après sa mort, le chanteur le plus polaire (et prolifique !) du pays. Si à l’époque la musique se teinte de couleurs venues d’Amérique latine, d’Hawaï ou d’Inde, l’influence occidentale est déjà présente. Avant même la Seconde Guerre mondiale, on trouve des chansons malaises basées sur la musique anglo-américaine. Mais c’est vraiment dans les années 1960 que l’influence de l’Ouest va prendre de l’ampleur. À cette époque apparaît le terme « kugiran » désignant les groupes locaux inspirés par la « pop yeh yeh », les Beatles et plus généralement toute la musique anglophone de l’époque. La première chanson de « pop yé-yé » malaise apparaît en 1964 avec Suzanna de M. Osman et demeure toujours un incontournable aujourd’hui. Dans les années 1970, la musique malaise va devenir une industrie. Dès lors, elle va adapter les grands genres du moment au marché local (du hard rock au R&B) et faire éclore des pop stars comme Sheila Majid, Jamal Abdillah (le bad boy de la pop malaise) ou Zainal Abidin qui a synthétisé tradition asiatique et rock. Une énorme vedette.

Les musiques actuelles

Avec un marché de la musique dynamique et une diaspora malaisienne étendue, les dernières tendances occidentales sont toujours parvenues rapidement dans le pays. Et si les scènes de musiques actuelles sont plutôt vivantes, le gouvernement malais veille, contrôle et censure tout artiste ou chanson qui « transgressent le bon goût et la décence ». Ainsi, il est interdit aux radios de diffuser des chansons « offensantes pour le public », toute référence aux sujets LGBT est prohibée, le rap est souvent critiqué, le heavy metal clairement limité et les groupes étrangers doivent montrer patte blanche avant de jouer en Malaisie. Malgré ce contexte hostile, la création locale se maintient et les scènes hip-hop et rock sont particulièrement prolifiques. L’histoire du rap en Malaisie remonte à la fin des années 1980 et doit énormément au groupe Krash Kozz, très inspiré par RUN DMC. Aujourd’hui énorme – mais peu connue à l’étranger du fait de la langue – l’industrie du rap malaise est portée par des stars comme le très influent Joe Flizzow ou SonaOne. Le rock est un des genres les plus écoutés et populaires du pays depuis son introduction dans les années 1960/70. Sa scène est très fournie et bon nombre de groupes produisent des œuvres de calibre international dans tous les sous-genres – indie, psyché, garage, punk, hardcore. S’il ne fallait retenir qu’un groupe de rock malais, ça serait Hujan, des icônes du rock alternatif local à la fanbase – de tous les âges – particulièrement dévouée. Derrière la très pop-R&B Yuna – artiste malaise à la carrière internationale – se cache une scène locale particulièrement vivante. Pour la découvrir sur place, le Gaslight est un des meilleurs endroits. On y entend du folk, du jazz, du rock, dans une atmosphère un brin « beatnik ». Plus underground et européen, le Kyo est un Club labyrinthique, industriel aux touches nipponnes. L’endroit programme hip-hop, house, techno ou disco issu de la scène locale comme internationale. Quoiqu’un peu timide, la scène jazz locale comporte néanmoins quelques pépites. Formés au Berklee College of Music de Boston ou à la très prestigieuse Juilliard School of Music de New York, des musiciens tels que Lewis Pragasam (un des jazzmen les plus influents d’Asie), Michael Veerapan ou Zailan Razak ont placé la Malaisie sur la cartographie du jazz. Pour un concert, pas d’hésitations, le meilleur club de jazz de la capitale (voire du pays) est le No Black Tie. Ambiance années 1920 raffinée et programmation à la hauteur.

Le théâtre et la danse

Les danses traditionnelles sont des piliers de l’identité culturelle malaise et leurs représentations sont des spectacles très courus. Chacune d’elle raconte un aspect particulier de la culture du pays. Parmi les plus populaires, on trouve le kuda kepang d'origine javanaise aux rythmes hypnotiques et accompagné d'un ensemble de percussions. Le menora est une danse d’hommes d’origine thaïlandaise reconnaissable à ses masques. Tout aussi théâtral, le ronggeng, d’origine javanaise, voit des couples échanger des vers poétiques en dansant au son des rebabs (sorte de violon) et des gongs. Plus spirituelle, l’ulek mayang est une danse classique malaise exécutée pour apaiser ou invoquer les esprits de la mer. Naturellement, on voit aussi des danses chinoises, comme celle du Lion exécutée lors de la fête du Nouvel An ou celle du Dragon, mimant les mouvements de la créature. Si la Malaisie propose de l’opéra chinois – qui a voyagé dans toute l’Asie pour se décliner selon les cultures –, le pays comporte également de nombreuses formes théâtrales. La plus appréciée est peut-être le Wayang Kulit Kelantan, ce théâtre d'ombres joué avec des marionnettes articulées. L’autre grande forme théâtrale est le Mak Yong. Hybride de danse, opéra et comédie, les représentations (souvent envoûtantes) sont accompagnées par un orchestre de gongs, tambours et rebabs et content l'âge d'or des royaumes malais. Un peu plus proche de la vision occidentale de l’opéra on trouve le bangsawan (aussi appelé mendu), théâtre chanté traditionnel avec des chœurs, un ensemble percussif et parfois des danseurs. À noter aussi, l’excellent Kuala Lumpur Performing Arts Centre, bonne adresse pour trouver de la danse contemporaine, des ballets et du théâtre.