Un peu d’histoire
Outre les Annales malaises, plusieurs textes anciens sont aujourd'hui considérés comme des classiques de la littérature malaise, à l'image du fameux Hikayat Hang Tuah (L'Épopée de Hang Tuah), qui relate les aventures de Hang Tuah et de son amitié jusque dans la mort avec Hang Jebat, ou encore le Hikayat Abdullah, un récit de voyage par le Munshi (maître ou professeur) Abdullah bin Abdul Kadir (1796-1854). Plus proche de nous, à partir de 1957, la seule littérature reconnue comme intrinsèquement malaisienne est celle écrite en langue malaise, la langue officielle du pays. De nombreux auteurs malais, mais aussi chinois et indiens, ont privilégié cette langue pour leurs récits, et parmi les plus célèbres et ceux qui ont été traduits en français, on peut citer Shahnon Ahmad (Le Riz), Anwar Ridhwan (Les Derniers Jours d'un artiste), A. Samad Said (Salina) ou encore Keris Mas. Parmi les autres écrivains les plus connus de Malaisie, mais écrivant cette fois en langue anglaise, on retiendra Lloyd Fernando, K.S. Maniam, Shirley Lim, ou plus récemment Tash Aw (Le Tristement Célèbre Johnny Lim), Preeta Samarasan (Et c'est le soir toute la journée) et Tan Twan Eng. Une littérature en langue anglaise qui jouit aujourd'hui d'un succès grandissant hors des frontières du pays. Arrêtons-nous un instant sur Tan Twan Eng. Cet écrivain malaisien d’origine chinoise a écrit son premier roman A Gift of Rain en 2007, figurant dans la première sélection du Booker Prize (qui correspond à notre Goncourt). En 2012, il se trouve à nouveau dans les six finalistes avec The Garden of Evening Mists. L’ouvrage est adapté au cinéma en 2019. Ces deux romans sont traduits en français et disponibles chez Flammarion : Le Don de la pluie ; Le Jardin des brumes.
N’oublions pas Henri Fauconnier (1879-1973), qui a reçu en 1930 le prix Goncourt pour son roman Malaisie. L’auteur raconte sa découverte du pays en 1910 et évoque également l’univers colonial de l’entre-deux-guerres. Il est possible de trouver des éditions enrichies de documents supplémentaires comme des gravures, des photographies, des extraits de presse…
Singapour d’hier à aujourd’hui
Keris Mas est l’une des figures principales de l’île-État. Né dans un petit village de Malaisie, il a suivi ses études à Sumatra. Il rejoint le Parti nationaliste après la Seconde Guerre mondiale en tant que responsable de l’information. Mais en 1947, il arrête cette activité et devient l’un des membres fondateurs du mouvement Asas’50, l’Association linguistique et littéraire malaise fondée en 1950 à Singapour. Pendant plusieurs années, il travaille dans la presse puis devient éditeur à l’Institut de la Langue et de la Littérature. Ses ouvrages, Le Grand Commerçant de Kuala Lumpur et La Jungle de l’espoir, entre autres, sont traduits en français.
Plusieurs ouvrages de Shamini Flint ont également été traduits dans notre langue. Pensons par exemple à Meurtre en Malaisie (2009) et Conspiration à Bali (2009). Les amateurs de romans policiers seront ravis de découvrir cette écrivaine. Dans sa série de l’inspecteur Singh, le tome 3, Infamies à Singapour, nous fait découvrir la cité-État ! Elle est également l’auteur d’ouvrages pour la jeunesse.
Quant à Alfian bin Sa’at, né en 1977, il est particulièrement renommé dans son pays pour ses écrits provocants. En 1998, il écrit son premier recueil de poèmes puis obtient, un an plus tard, le Singapore Literature Prize pour Corridor, un livre de contes. Il est également l’auteur de pièces de théâtre jouées en Malaisie. Il est possible de lire en français ses Nouvelles de Singapour (2014) et ses Saynètes Malaises (2015).
Une pensée également pour le poète Alvin Pang, né en 1972 et reconnu pour ses recueils Testing the Silence (1997) et City of Rain (2003) : avis aux anglophones ! D’autres poètes singapouriens comme Toh Hsien Min né en 1975 (Lambus, 1994 ; The Enclosure of Love, 2001 ; Means to an End, 2008) ou encore Boey Kim Cheng, né en 1965 (Calling the Poems Home, 2004 ; Plum Blossom or Quong Tart at the QVB, 2005) feront la joie des amoureux des vers.
La BD de Singapour à la une
Sonny Liew est l’un des auteurs de BD les plus prolifiques de la région. Né en 1974, cet artiste vivant à Singapour connaît un très grand succès à travers le monde et a été récompensé à diverses reprises : prix de la Fondation Xeric (2002), prix de la meilleure bande dessinée de science-fiction (2009), prix littéraire de Singapour (2016) et prix Eisner du meilleur auteur, de la meilleure maquette, et de la meilleure édition américaine d’une œuvre internationale. C’est grâce à son Charlie Chan Hock Chye, une vie dessinée qu’il a remporté ces deux derniers prix. D’ailleurs, c’est la première fois qu’une bande dessinée reçoit le Prix littéraire de Singapour. Mais ce n’est pas tout ! L’ouvrage a également reçu le prix de la meilleure bande dessinée aux Pingprisen Award du Danemark et a été sélectionné dans les 20 meilleures BD pour le Festival Angoulême 2018. Charlie Chan Hock Chye, une vie dessinée raconte remarquablement l’histoire de Singapour, histoire mouvementée et quelquefois difficile à travers la vie d’un dessinateur de BD imaginaire nommé Charlie Chan Hock Chye. Bien entendu les autorités singapouriennes ne l’ont pas beaucoup appréciée, le CNA (Conseil national des arts de Singapour) avait même été jusqu’à retirer une subvention à l’éditeur. Mais le succès de la BD les a fait changer d’avis ! Les amateurs vont vraiment apprécier ce petit bijou qui mêle différents graphismes depuis les années 1950.
Du côté de Brunei
Niché sur l’île de Bornéo, Brunei est un petit paradis sur terre avec ses plages à couper le souffle, sa forêt tropicale et ses réserves naturelles. C’est ici que John Anthony Burgess Wilson, l’auteur d’Orange mécanique, se lance dans l’écriture avec la trilogie The Long Day Wanes (1956-1959). Né en 1917 à Manchester, l’écrivain s’engage dans l’armée et est envoyé en Malaisie dans les années 1950. On lui doit aussi La Puissance des ténèbres, La Folle semence et Le Royaume des mécréants. Autre figure littéraire à Brunei, Hajah Norsiah binti Haji Abdul Gapar, qui a notamment remporté en 2009 le prix des écrivains de l’Asie du Sud-Est. Né en 1952 à Seria, petite ville du district de Belait on lui doit : The Islamic Interpretation of ‘Tragic Hero’ in Shakespearean Tragedies (2001) ; In the Art of Naming : A Muslim Woman’s Journey (2006).