Démographie
Au début du XIXe siècle, la population sri-lankaise dénombrait environ 2,8 millions d’individus et était principalement concentrée au sud-ouest de l’île et dans la péninsule de Jaffna. De nos jours, le pays compte 21,5 millions d’habitants, dont plus de 18 % vivant dans des zones urbaines. Une grande partie de la population est encore groupée autour de Colombo, dans le sud-ouest de l’île et dans la péninsule de Jaffna. L’espérance de vie moyenne est de 77,7 ans et l’âge moyen d’un citoyen sri-lankais est de 33,7 ans. Le taux de natalité est de 1,4 %, et la mortalité infantile est encore importante, avec 8,36 décès pour 1 000 naissances. La population active est évaluée à environ 8 millions d’individus. Plus de 5 millions de Sri-lankais ont moins de 14 ans, soit près de 25 % des habitants de l’île. Une donnée constitue un facteur d’inquiétude pour le pays : le pourcentage de personnes âgées de plus de 65 ans est de plus de 12 %, le taux le plus élevé de tous les pays d’Asie du Sud. De plus, ce taux augmente d’année en année et devrait représenter 21 % de la population totale d’ici 2030 ! Aujourd’hui le gouvernement peine à dessiner les contours d’une politique efficace pour accompagner les changements démographiques du pays.
Les différentes ethnies
Cinghalais. Les Cinghalais, également orthographié Cinghalais ou Cingalais, constituent 75 % des habitants de l’île. Selon le Mahavamsa, ils sont les descendants du prince indien Vijaya en exil et de son groupe de sept cents sujets qui sont arrivés sur l'île en provenance du Bengale, en 543 av. J.-C. Les analyses génétiques confirment que le peuple cinghalais, appelé également peuple Hela, est proche des populations du nord-est de l’Inde. De même, la langue cinghalaise est classée parmi les langues indo-aryennes tandis que le tamoul est une langue dravidienne originaire du sud de l’Inde, ce qui tend à confirmer cette théorie. La grande majorité des Cinghalais est bouddhiste, cependant il en existe un petit nombre d’obédience catholique, notamment dans la région de Negombo. Le bouddhisme Theravada est un des éléments majeurs soudant l’identité cinghalaise : cette foi commune permet de combler le fossé existant entre les différents milieux socio-culturels, ou encore d’atténuer la rivalité née au XIXe siècle entre les habitants des Basses Terres et ceux de Kandy. Une langue commune, le cinghalais, est un autre facteur d’unité de cette communauté. Les anciens écrits, comme le Mahavamsa, affirment que les Cinghalais ont pour mission de préserver et de protéger le bouddhisme. Beaucoup de Cinghalais ressentent de la fierté que leurs ancêtres aient résisté à l’expansion des royaumes indiens, ainsi qu’aux colons européens et à leur désir de les convertir au christianisme. Cette notion de peuple destiné à la protection des enseignements de Bouddha est aujourd’hui utilisée par certains politiques et moines bouddhistes progressistes cinghalais pour légitimer des prises de position radicales envers les communautés tamoules et musulmanes.
Tamouls. Un peu moins de 15,3 % des habitants sont des Tamouls, dont 11,1 % sont d’origine sri-lankaise et 4,2 % sont d’origine indienne. Les Tamouls autochtones, également appelés Ealam Tamils ou Ceylon Tamils, sont des descendants de l’ancien royaume de Jaffna. Ils sont essentiellement établis dans la péninsule nord, dans le nord-ouest et dans l’est de l’île. Les Tamouls indiens se concentrent davantage dans les régions montagneuses du centre de l’île. Ce sont les descendants des travailleurs que les Britanniques ont fait venir du Tamil Nadu, un État du sud-est de l’Inde, pour fournir de la main-d'œuvre dans les plantations de thé au début du XIXe siècle. La population tamoule du pays est principalement hindouiste, mais elle compte également des chrétiens catholiques et protestants ainsi que musulmans. Certains Tamouls hindous se sont d’ailleurs convertis à une autre religion pour échapper au système de castes. Ces différences religieuses, ajouté au fait que les hautes castes sri-lankaises tamoules de Jaffna méprisent les basses castes ouvrières indiennes des Hautes Terres, constituent un frein à l’unification de la communauté tamoule de l’île. D’ailleurs les Tamouls indiens se gardent bien de participer aux revendications indépendantistes des Tamouls sri-lankais. La guerre civile a conduit environ 800 000 Tamouls à quitter le pays pour fuir les persécutions et à immigrer à l’étranger (en Inde, aux États-Unis, au Canada, en Angleterre…). Ces discriminations à leur encontre incitent aujourd’hui bon nombre d’entre eux à revendiquer leur identité tamoule au détriment de leur nationalité sri-lankaise. Beaucoup soutiennent encore, le plus souvent en silence, l’idée de la création d’un État tamoul autonome dans le nord-est de l’île : le Tamil Ealam.
Maures. Les Maures du Sri Lanka constituent 9,3 % de la population. Ce sont les descendants des marchands arabes venus faire commerce sur l’île et des immigrants marrakars du Kerala et du Tamil Nadu. La majorité est constituée de musulmans sunnites. Leur langue est le tamoul et bon nombre d’entre eux parlent aussi cinghalais. L’appellation « Maure » n’est apparue qu’à l’arrivée des colons portugais sur l’île qui utilisèrent le terme Mouros pour les désigner, davantage pour leur foi en l’Islam que pour leur origine ethnique d’ailleurs. Ils ont été sévèrement persécutés par le LTTE durant la guerre civile, qui les a expulsés de la province du Nord et leur a confisqué leurs terres et leurs biens durant le « nettoyage ethnique » d’octobre 1990. Aujourd’hui, leur population est concentrée au centre du pays et sur la côte est, notamment dans les districts de Trincomalee et Batticaloa. Les attentats djihadistes perpétrés dans des églises catholiques et des hôtels de luxe de l’île le 21 avril 2019 ont ravivé les tensions avec les autres communautés.
Malais. Les premiers Malais se sont installés dans l’île au temps où l’Indonésie, alors une colonie néerlandaise, se livrait à des échanges commerciaux avec Ceylan. Dans le sud du pays, et plus particulièrement dans les environs de Galle, d’Hambantota et de Beruwela, subsiste une petite communauté de Malais musulmans d’environ 40 000 individus. Ils continuent de parler le malais pour préserver leur identité, mais parlent également cinghalais ou tamoul selon leur lieu de résidence. Ils sont assimilés par les autres communautés aux musulmans, et non en fonction de leur origine ethnique.
Burghers. Ce sont les descendants métis des colons portugais, néerlandais et britanniques qui ont fondé des familles avec des femmes originaires de Ceylan. Officiellement, un Burgher est une personne dont le père est né à Ceylan et qui possède au moins un ancêtre européen dans sa filiation paternelle directe, indépendamment de l’origine ethnique de la mère. Les Burghers, qui sont principalement établis à Colombo et au nord-est de l’île, constituent de nos jours une petite communauté représentant seulement 0,2 % de la population. Malgré leurs origines diverses, ils ont souvent adopté l’anglais comme langue principale. Ils occupèrent des postes importants dans les sphères politiques et financières du pays après le départ des Britanniques, notamment en raison de leur éducation et des privilèges qui leur étaient accordés. Beaucoup ont quitté l’île pour s’installer à l’étranger après l’intronisation du cinghalais comme langue officielle du pays en 1956. Leur héritage est encore présent dans la culture sri-lankaise, notamment dans la gastronomie (les lamprais d’origine néerlandaise, certains gâteux comme le bolo folhado d’origine portugaise), et l’artisanat (confection de dentelle).
Veddas. Les Veddas, ou Veddahs, sont un peuple indigène dont la présence sur l’île précèderait celle des Cinghalais et des Tamouls, et remonterait à plus de 35 000 ans. Peu de choses sont connues sur l’histoire de cette communauté. Les Wanniyala-Aetto, comme ils sont aussi appelés, ont des similitudes physiques avec les aborigènes du sud de l’Inde et possèdent un patrimoine génétique différent des autres habitants de l’île. C’est un peuple de chasseurs-cueilleurs qui vivaient en nomade dans les forêts, chassaient le gibier, ramassaient fruits, noix et baies, et cultivaient de petits lopins de terre pour se nourrir. Ils s’habillaient d’un simple morceau de tissu et vivaient en communion avec la nature. Leur religion principale est l’animisme et ils vénèrent leurs ancêtres décédés qui peuvent communiquer avec eux par l’intermédiaire d’un chaman. La déforestation massive des années 1950 a mis en danger leur habitat et leur population. En 1983, ils furent déplacés par le gouvernement dans le parc national Madura Oya et contraints de s’y sédentariser, avec l’interdiction formelle de retourner dans la forêt pour y vivre ou chasser. D’une façon similaire aux peuples indigènes d’autres continents, le sort réservé à ce peuple nomade, « parqué » pour ainsi dire dans des réserves, est assez sinistre. Éloignés de leur mode de vie naturel, ils sont exposés à la pauvreté, la dépression, l’alcoolisme…
Aujourd’hui leur population est estimée à environ 2 500 individus. Ils sont en voie d’assimilation à la société sri-lankaise et leur culture tend à disparaître. Ainsi la langue vedda est en voie d’extinction, même si certains anciens la parlent encore, notamment du côté de Dambana, qui est dans une certaine mesure la « capitale Vedda » de l’île. Les jeunes générations de Veddas vivant dans le sud-est de l’île et dans le district d’Anuradhapura parlent dorénavant le cinghalais, et celles établies sur la côte est parlent tamoul. Beaucoup d’entre eux se sont convertis au bouddhisme ou à l’hindouisme afin de faciliter leur intégration dans la société sri-lankaise. À l’instar des bouddhistes, hindous et musulmans du pays, ils vénèrent le temple sacré de Kataragama, véritable symbole du syncrétisme religieux de l’île.