Splendeurs hindou-bouddhiques

Les plus anciens édifices religieux du pays ont été retrouvés sur l'île de Java. Les sites de Batujaya et Cibuaya illustrent ce que furent les premiers temples qui avaient alors la forme de structures enfouies sous des tumuli, tertres artificiels considérés comme les ancêtres des stupas, monuments reliquaires du bouddhisme. Certains sont surmontés de ce que l'on appelle un lingam, petit édicule de forme phallique, symbole de la déesse Shiva. En Indonésie, et plus spécifiquement sur les îles de Java et Sumatra, on emploie le terme de candi pour évoquer les temples hindou-bouddhiques érigés durant la période dite classique indonésienne et qui s'étend du Ve au XVe siècle. Le Candi Sewu sur Java en est un exemple fascinant. Également connu sous le nom de « lieu des 1 000 temples », le site abrite des centaines de petits temples disposés selon un schéma en mandala, s'inspirant de la cosmologie édictée par le Bouddhisme Mahayana. Des couples de dvarapala, statues aux traits humains ou démoniaques et toujours armées, défendent les 4 entrées du site, tandis que des temples appelés perwara y jouent le rôle de postes d'avant-garde. Les temples du Plateau de Dieng, eux, sont une reproduction en pierre des grands temples en bois des premiers siècles de notre ère et dont il ne subsiste malheureusement aucune trace. Ces temples sont l'expression d'une riche culture de la pierre, comme en témoignent les bas-reliefs et sculptures donnant vie et rythme à des structures d'apparence plutôt massives et monolithiques. Placés sur des plateformes à gradins accessibles par de grands escaliers, ces temples revêtent des formes souvent pyramidales. On retrouve des structures similaires dans le complexe du Temple Muarajambi à Sumatra, mais cette fois-ci les édifices ne sont plus en pierre mais en brique. Permettant de nouvelles innovations structurelles, la brique offre également de très beaux effets chromatiques avec ses teintes de rouge. Le site était lui-même protégé par un étonnant réseau de canaux entièrement construit par l'homme. Édifié en hauteur pour se prémunir des inondations, le complexe des Temples de Muara Takus est, lui aussi, protégé par un ingénieux système de fossés et canaux.

L'architecture religieuse va prendre un nouveau tournant sous l'impulsion de la Dynastie Sailendra à qui l'on doit le célèbre Temple de Borobudur sur l'île de Java. La monumentalité des structures de pierre n'empêche aucunement l'harmonie, l'ensemble étant une expression concrète de la cosmologie bouddhiste. La division en 3 parties (base / terrasses / stupas) symbolise, en effet, les 3 sphères à traverser pour atteindre le Nirvana. On admire les terrasses superposées de plan carré supportant elles-mêmes des plateformes circulaires entourant le stupa monumental en forme de cloche. Murs et balustrades des différentes structures sont ornés de nombreux bas-reliefs et sculptures informant sur la vie de Bouddha. Autre site incontournable de Java : le site des temples de Prambanan qui peut s'enorgueillir d'être le plus grand ensemble shivaïte du pays. On y retrouve les grandes caractéristiques de l'architecture religieuse de l'époque : enceintes concentriques créant des plateformes sur lesquelles se dressent des temples à degrés ornés de sculptures et bas-reliefs illustrant les épopées des 3 grandes divinités (Shiva, Vishnu et Brahma). Partout des statues géantes protègent les lieux sacrés. Quelques siècles plus tard, à partir du XIVe siècle pour être exact, la grande Dynastie des Majapahit déploie d'authentiques splendeurs dont les briques sont maintenues par un étonnant mortier de sève de vigne et de sucre de palme. On retrouve la composition traditionnelle faite d'un soubassement à plusieurs niveaux supportant des plateformes auxquelles on accède par des escaliers à balustrades, elles-mêmes surmontées de superstructures le plus souvent pyramidales. Mais les Majapahit y ajoutent un sens aigu des proportions et des lignes géométriques assurant une pleine harmonie renforcée par la disposition des cours en enfilade qui offrent de superbes jeux de perspective. À la fin de leur règne, les Majapahit ont multiplié les structures toujours plus hautes et monumentales symbolisant le Mont Meru, la montagne sacrée. Le Candi Sukuh, avec ses hautes terrasses superposées, en est le parfait exemple.

Étonnants temples balinais

Les temples les plus importants de Bali sont les Kahyangan Jagad ou temples directionnels marquant les points cardinaux et assurant une protection totale de l'île. À ces temples d'État s'ajoutent de grands temples de montagnes, de lacs ou bien encore des temples agricoles. Aucun détail de leur conception n'est laissé au hasard. Tout repose sur la philosophie du Tri Hita Karana, visant à une relation harmonieuse entre les mondes céleste, humain et souterrain, ainsi que sur un ordre de pureté qui se traduit par des axes directionnels précis : de l'amont pur et divin, symbolisé par la montagne sacrée, à l'aval, négatif et impur, symbolisé par la mer. Ces pura sont des enceintes sacrées organisées autour de 3 cours aux niveaux ascendants de sainteté. On pénètre dans la cour extérieure, jaba pura, par un candi bentar, porche monumental en pierre à la silhouette fendue symbolisant la montagne sacrée divisée entre les forces positives et négatives. La cour médiane, jabah tengah où s'élèvent différents pavillons utilitaires (bale) et sanctuaires secondaires, est reliée à la cour intérieure ou jeroan, lieu le plus sacré du temple abritant les autels dédiés aux grandes divinités, par un kori agung, porche monumental de pierre finement ciselée, agrémenté d'un escalier et d'une porte à deux battants. Le meru symbolise, lui, tout à la fois la montagne sacrée des hindous et la divinité vénérée dans le pura. Il se caractérise par des toits de chaume à étages, au nombre toujours impair pouvant aller de 3 à 11. Les plus élaborés possèdent des toits en feuilles de palmier sucrier noir, matériau très coûteux. Une tour de guet, ou kulkul, disposée à un angle du mur d'enceinte, protège l'ensemble. L'ornementation est un autre élément phare de ces temples, dont le foisonnement décoratif a parfois été qualifié de baroque. Partout s'affichent de somptueuses et étonnantes sculptures. Figures célestes ou démoniaques, entrelacs floraux, bas-reliefs retraçant les grandes épopées divines, et incrustations de porcelaine de Chine… le décor des pura est d'une incroyable richesse. Parmi les plus étonnants, notons : le grand complexe religieux Pura Penataran Agung à Besakih, le Pura Maospahit à Denpasar, le Pura Luhur Uluwatu, ou bien encore le Pura Puncak Pulisan, le plus haut de Bali !

Architecture islamique

Les îles de Java et Sumatra abritent parmi les plus beaux exemples d'une architecture islamique qui connut une fascinante évolution. Les premières mosquées du XVe siècle n'ont rien à voir avec celles que l'on connaît aujourd'hui. Ici pas de dômes et de minarets, mais une très belle architecture de bois aux toits à plusieurs niveaux et aux extrémités recourbées, étonnant mélange d'influences hindou-bouddhistes et chinoises. La Grande Mosquée de Demak, à Java, en est le plus parfait exemple. Voyez son toit à degrés surmonté d'un petit édicule triangulaire au pignon sculpté et ses galeries à colonnes. Autre surprenant exemple de ce mélange des genres : la Mosquée Menara Kudus, à Kudus sur l'île de Java, qui reflète le magnifique travail de la brique sous la dynastie Majapahit et qui impressionne par son toit pyramidal à 3 niveaux et surtout sa tour de guet, structure qui semble avoir appartenu à un temple javanais préexistant. Sur l'île de Sumatra, de superbes mosquées de terre ont également vu le jour. À Lombok, le Masjid Kuno Bayan Beleq est le plus ancien lieu de culte Wetu-Telu de l'île. Le syncrétisme opéré par ce culte entre hindouisme, islam et animisme, se lit dans son architecture. Posée sur un soubassement de gros galets, sa structure de bambou, parfaitement carrée, supporte un élégant toit de chaume. Puis, l'islam prenant toujours plus d'importance, les codes stylistiques ont évolué pour se rapprocher des influences indo-islamiques et mauresques avec l'ajout de dômes, de minarets, d'élégants jeux d'arcatures et d'un décor fait d'entrelacs, et de motifs floraux et calligraphiques. Ces mosquées sont souvent flanquées de colonnades créant des galeries couvertes mais aérées. À l'intérieur, le mihrab (niche de prière indiquant la direction de La Mecque) et le minbar (chaire surélevée) font l'objet de toutes les attentions décoratives. Les mosquées contemporaines reprennent ces codes tout en les ancrant dans la modernité, en privilégiant notamment le béton aux matériaux naturels. La Mosquée Istiqlal de Jakarta est sans doute la plus célèbre des mosquées récentes avec ses 12 colonnes massives supportant un dôme monumental.

Art d'habiter

Pays aux multiples visages, l'Indonésie possède une architecture vernaculaire à la richesse infinie. Chaque île, chaque peuple a développé un art d'habiter unique témoignant d'une volonté de s'intégrer avec harmonie dans son environnement. Les origines de cet habitat traditionnel remontent aux premiers peuples austronésiens qui s'établirent, dès le Néolithique, dans de longues structures sur pilotis aux toits en pentes raides. D'une manière générale, l'habitat traditionnel fait la part belle aux matériaux naturels (bois, bambou, chaume, fibre végétale) et se compose d'une ossature en bois dur sur laquelle on vient placer des nattes de palmes tressées, des planches ou autres, l'ensemble étant maintenu par un ingénieux système de tenons et mortaises et de chevilles de bois. Rassemblées, ces maisons forment des villages appelés kampong. On ne peut évidemment pas vous résumer toutes les variétés d'habitat traditionnel en Indonésie, mais on peut vous mettre l'eau à la bouche en évoquant les formes les plus fascinantes ! Les Dayak sont célèbres pour leurs longhouses, grandes demeures sur pilotis dont les plus longues peuvent atteindre 110 m. On les reconnaît à leurs superbes poteaux sculptés, lambrequins ciselés tels de la dentelle et panneaux muraux en plaques d'écorce couverts de beaux motifs peints. Sur l'île de Sumatra, impossible de ne pas remarquer les maisons Minangkabau, également appelées Rumah Gadang. Placées sur des fondations surélevées, on y accède par d'élégants escaliers-porches. Les volets colorés des fenêtres répondent aux motifs floraux et géométriques peints sur les murs. Mais ce sont bien leurs toits qui attirent tous les regards avec leurs formes incurvées qui se terminent par des flèches élancées rappelant des cornes de buffle. Maison-pyramide aux toits à 2 pans formant 2 pignons opposés aux faîtes flanqués de cornes de buffle, maisons en bois aux galeries doubles protégées du regard par de fines colonnes sculptées, maisons Batak ornées de peintures faites de pigments naturels (le rouge de la brique, le blanc de la craie, le noir du charbon) destinées à éloigner les mauvais esprits, ou bien encore étonnantes maisons de l'île de Nias aux structures complexes de pilotis verticaux et obliques assurant une excellente résistance aux séismes, l'île de Sumatra ne manque pas de richesses ! En Sulawesi, vous découvrirez de grandes maisons sur pilotis accessibles par de beaux escaliers menant à des galeries aux balustrades richement sculptées et dont on admire les étonnants toits composés d'une partie à 4 pans surmontée d'une structure plus petite à 2 pans aux pignons opposés peints et sculptés. Pays des Toraja, la Sulawesi abrite également des tongkonan, grands complexes de maisons auxquels s'ajoutent des greniers (alang), des sites de sépultures (liang) et des terrains cérémoniels avec menhirs (rante). Construites sur des terrasses surélevées, ces maisons sont réalisées en bambou et se distinguent par leurs toitures en selle de cheval ou cornes de buffle, couvertes de plaques de pierre. Dans l'archipel des Moluques, vous pourrez découvrir de petites huttes circulaires couvertes de chaume baptisées honai, tandis que sur l'île de Florès se dévoilent d'étonnantes maisons coniques.Dans les îles, à Java notamment, il n'est pas rare de découvrir des kelong, sorte de plateformes offshore construites par les pêcheurs. Ancrées au fond de la mer par des poteaux de bois, ces maisons flottantes se caractérisent par des structures de planches et de troncs maintenues par du rotin. Des passerelles en bois les relient à la terre, mais certaines peuvent être entièrement flottantes ! À Lombok, les villages s'organisent autour d'enclos domestiques ceints d'un mur abritant le beruga, pavillon ouvert, le bale tani, pavillon familial, et le lumbung, grenier à riz sur pilotis. De plan le plus souvent rectangulaire, ces bâtiments possèdent une ossature en bambou, un toit de chaume ou de roseau et des murs en treillis de bambou ou de nervures de feuilles de palmier remplis par un mélange de pisé ou de boue compactée. Les Balinais, eux, s'en remettent aux conseils des Undagi, prêtres-architectes, qui conçoivent les maisons selon des mesures précises assurant l'harmonie entre la demeure et son occupant. Pour ce faire, l'Undagi établit une mesure-étalon à partir des proportions mêmes du propriétaire ! Les villages balinais s'organisent, à l'image des grands temples, selon l'axe kaja/kelod et se divisent en trois parties, symbolisées par trois petits temples. Le Pura Dalem, temple des morts, se situe du côté impur, à côté du cimetière. Au centre se trouve le Pura Desah ou temple communal dédié aux divinités protectrices du village ; tandis que le Pura Puseh, où sont vénérés les ancêtres fondateurs, se situe en amont. La vie du village s'organise également autour d'espaces communaux phares : le wantilan, grand préau communal que l'on reconnaît à ses toits en pagode à plusieurs étages reposant sur de nombreux piliers ; le bale agung, grand pavillon sacré de réunion, hérité de la tradition javanaise des pavillons bâtis sur des amas de pierre ; le bale banjar, pavillon rectangulaire ; et le pasar ou marché qui possède lui aussi son pura. L'espace résidentiel du village se divise en enclos domestiques séparés les uns des autres par des murs d'argile ou de brique. Portail de pierre ou d'argile avec une couverture de chaume simple ou en feuilles d'alang-alang tressées, ou portail en briques ouvragées, pierres finement sculptées et toits de tuiles… les entrées des enclos illustrent le niveau de vie des propriétaires. Mais le matériau phare reste évidemment le bambou. On l'emploie pour les poteaux, poutres et chevrons, les cloisons amovibles ou bien encore les toits en bardeaux. La tradition veut qu'il soit toujours découpé verticalement et disposé dans le sens de la coupe afin de ne pas rompre le flux de la vie. Parmi les plus beaux villages traditionnels de Bali, ne manquez pas Tenganan et Penglipuran.

Palais et jardins royaux

Les différentes îles d'Indonésie portent aujourd'hui encore la marque des grands sultanats et royaumes qui y régnèrent. L'île de Java abrite de nombreux kratons ou palais sacrés apparus avec les premiers sultanats. Entouré d'une enceinte en brique rouge incrustée de céramique, le Kraton Kesepuhan de Cirebon est l'un des plus anciens. Autre étonnant complexe palatial : Trowulan, ancienne capitale des Majapahit. Des canaux creusés par l'homme y dessinent un plan évoquant un échiquier. Les zones y sont clairement définies et partout se déploie une belle architecture de brique, dont le plus important témoin est le palais royal, au cœur de la cité. Mais le plus étonnant témoin de cette architecture du pouvoir à Java est bien sûr le complexe palatial de Yogyakarta. Le kraton (palais) est au cœur d'un ensemble dont la disposition et l'orientation sont une manifestation physique du cycle de la vie. Sur un axe Nord/Sud long de 6 km se déploient de nombreux édifices, à commencer par les pendopos, pavillons d'apparat et de réception coiffés d'un toit supporté par 4 piliers. Avec son sol en marbre, ses colonnes en teck sculpté et son toit richement décoré, le Pavillon Doré est l'un des plus célèbres. De grandes cours avec en leur centre des banians sacrés confèrent à l'ensemble une heureuse harmonie. Dans l'archipel des Moluques, les palais appelés istanas s'inspirent très largement de l'architecture vernaculaire. À Bali, les palais sont appelés puris. Végétation luxuriante et eau purificatrice y sont omniprésentes. Bon nombre de ces palais possèdent d'ailleurs un pavillon flottant, bale kambang, trônant fièrement au cœur d'un vaste bassin d'agrément. Le Taman Gili-Puri Semarapura porte ainsi la marque du riche royaume de Klungkung. Cet immense palais, baptisé « le jardin de l'île », était alors le centre symbolique du royaume et son organisation originelle était inspirée des mandalas, système établissant des correspondances de lettres, formes et couleurs avec les points cardinaux et les grandes divinités vénérées.

Influences étrangères

L'arrivée des premiers Européens marque le passage d'une architecture de bois à une architecture de brique et de maçonnerie. Batavia (future Jakarta) se voit alors ceinte de fortifications par les colons hollandais qui érigent également de nombreux forts dans l'archipel des Moluques, notamment sur l'île de Ternate. Protégées par de hauts murs d'enceinte, ces petites forteresses, appelées Benteng, déploient des plateformes de pierre pour les canons, des structures bastionnées, et des bâtiments à plusieurs étages aux murs généralement blanchis à la chaux. Dès leur installation en Indonésie, les Hollandais rencontrent des problèmes de taille. Malgré la création de canaux et de systèmes d'irrigation pour mieux gérer les terrains marécageux, l'édification de maisons alignées en rangées symétriques aux murs de maçonnerie pleins, les conditions de vie restent précaires et l'humidité et la proximité favorisent le développement de nombreuses maladies. Pour venir à bout de ce fléau, les Hollandais doivent trouver de nouvelles solutions. Pour Batavia, ils s'inspirent d'un modèle très en vogue aux Pays-Bas : le concept de cité idéale développée par Simon Stevins, qui préconise un urbanisme tout entier centré sur les espaces publics. Ils poursuivent également leurs travaux d'irrigation à grands renforts de canaux, écluses et fossés. En matière résidentielle, les Hollandais s'inspirent de l'architecture vernaculaire en privilégiant les hauts toits avec des avancées en saillie protégeant galeries et vérandas profondes auxquelles on accède par de élégants portiques. Les styles néo sont alors très à la mode. Le cœur historique de Semarang conserve d'étonnants exemples de néogothique et néobaroque, tandis que Jakarta se fait plus classique avec ses nombreux édifices à colonnades et clochetons. Avec ses plafonds et fenêtres à l'impressionnante hauteur et ses grandes cours, l'Hôtel de Ville impressionne. Puis progressivement, les Hollandais vont délaisser les courants historicisants pour se tourner vers les lignes épurées et géométriques de l'Art Déco, ici adapté aux contraintes du climat tropical. C'est Bandung, sur l'île de Java, qui va se faire le laboratoire de ce modernisme. Surnommée « le Paris de l'Est », la ville a attiré de grands architectes hollandais qui ont laissé libre cours à des formes de modernité variées. Charles Prosper Wolff Shoemaker a développé un style indo-européen avec beaucoup d'éléments décoratifs, peintures et sculptures en tête, comme le montre l'église Bethel. Disciple de Le Corbusier, Albert Aalbers, lui, a privilégié des lignes d'une grande sobriété, créant de superbes contrastes visuels entre la verticalité des grands bâtiments et les élégantes courbes de leurs balcons. L'hôtel Savoy Homann est sans doute sa réalisation la plus célèbre. Béton, acier, ferronneries en ruban, typographie géométrique et pureté du blanc comptent parmi les autres attributs de cet état Art Déco javanais. À Bali, les villages de Belimbingsari et Palasari, ont tous deux été fondés dans les années 1930. Construits selon des plans orthogonaux, ils ont été pensés pour accueillir des communautés protestantes et catholiques dont temples et églises sont d'étonnants exemples de syncrétisme entre éléments classiques ou gothiques et ornements en pierre volcanique et toitures à degrés rappelant les puras. Les toitures sont également ce qui distingue les temples chinois qui ont emprunté leurs extrémités recourbées et leurs tuiles rouges vernissées aux pagodes traditionnelles.Une influence chinoise qui se devine également dans les célèbres shophouses, ces maisons-boutiques aux façades étroites mais aux structures qui s'étendent tout en longueur autour de plusieurs cours intérieures. On les reconnaît aux arcades qui protègent souvent leur rez-de-chaussée, ainsi qu'à leur soutènement de brique, leurs balcons et leurs très beaux éléments décoratifs, tuiles vernissées et sculptures sur bois en tête. Jakarta en conserve de nombreux exemples.

Depuis l'Indépendance

Sous l'impulsion de Soekarno, le pays se tourne vers un modernisme aux accents résolument nationaux. Le Monument National de Jakarta, surnommé Monas, avec sa base en pyramide inversée et sa flamme surplombant la ville de ses 137 m, est un parfait exemple de ce modernisme de béton. Tout comme l'Hôtel Indonesia ou la grande mosquée Istiqlal dont nous avons parlé précédemment. Pour se démarquer totalement de l'influence coloniale, le pays se tourne vers les États-Unis et développe un style baptisé jengki, inspiré de la tradition yankee. Ce style est particulièrement employé dans les villes périphériques autour de Jakarta, comme à Kebayoran Baru. Façades asymétriques, silhouettes anguleuses, formes géométriques complexes et couleurs vives caractérisent ce style unique qui traduit la soif de renouveau du pays. Mais à partir des années 1970, le gouvernement manifeste la volonté de retrouver une architecture plus en lien avec l'histoire et les traditions locales. On voit alors apparaître une sorte de néo-vernaculaire qui réinterprète de façon moderne les grands principes de l'architecture traditionnelle. Les édifices gouvernementaux de Padang, les toits en cornes de buffle de l'Université de Gadjah Mada ou bien encore les terminaux de l'aéroport Soekarno-Hatta pensés comme une succession de pavillons autour d'un jardin tropical en sont de parfaits exemples. Aujourd'hui, Jakarta connaît une croissance urbaine sans précédent et voit se multiplier d'immenses gratte-ciel de verre et d'acier. Parmi les plus célèbres, notons : la Gama Tower qui, avec ses 308 m, est le plus haut bâtiment du pays ; la tour Wisma 46 surnommée le stylo-plume pour son élégante courbure faîtière ; le Regatta Jakarta composé de 7 bâtiments aux formes évoquant tout à la fois des voiles et les toits en cornes de buffle de l'architecture traditionnelle ; ou bien encore la JB Tower avec ses blocs végétalisés. Cette urbanisation à tout crin se devine aussi dans d'autres îles de l'archipel, même si de plus en plus d'architectes retournent aux fondamentaux et imaginent une architecture plus durable. À Lombok, des maisons « A Frame » construites en bois de fer rappelant des cabanes se développent comme autant d'alternatives pour mieux résister aux séismes, et côtoient des éco-villages aux structures en dômes de sacs de terre enduits de chaux et couverts de panneaux solaires. Etonnant ! Et partout, le bambou reprend ses droits, démontrant des propriétés architectoniques qu'aucun matériau moderne ne peut égaler. Bali en est le laboratoire. Elora Hardy y réalise de somptueuses demeures légères et poétiques, tandis que la BambooU(niversity) attire les architectes et ingénieurs du monde entier. Parmi les plus beaux projets récents, ne manquez pas The Arch de la Green School, superbe structure composée d'arches de bambou de 14 m de haut et de 19 m de portée, s'entrecroisant dans un élégant jeu de force et de tressage. La nature a toujours raison !