Une crise écologique
L'Ouzbékistan fait partie des pays les plus exposés aux catastrophes environnementales. Soixante-dix années de présence soviétique et près d'un siècle de monoculture du coton ont laissé des traces indélébiles sur les paysages. Pendant les années qui ont suivi l'indépendance, l'économie était bien trop sinistrée pour que le gouvernement et la population ne se soucient de questions environnementales. Avec la croissance, l'heure était à la reconstruction massive du bâti. Résultat : on a construit, de tout, partout, souvent en dépit du bon sens et sans chercher à préserver la nature et les panoramas. La situation aurait donc plutôt tendance à s'aggraver.
Les émissions liées aux énergies fossiles ont aussi un impact sur le changement climatique. Ainsi en Ouzbékistan, le climat se réchauffe deux fois plus vite que la moyenne mondiale. En un siècle, la température de Tashkent a ainsi augmenté de 2 °C. En cause : les émissions de gaz à effet de serre, émanant notamment du secteur de l'énergie, les infrastructures liées aux transports, l'élevage, la situation héritée de la dégradation de la mer d'Aral, mais aussi l'industrie et le brûlage des déchets. Le pays s'est engagé, dans le cadre des accords de Paris, à une réduction de ses émissions.
Le désastre de la mer d'Aral
L'assèchement de la mer d'Aral cristallise les excès du modèle agricole et plus largement des programmes d'exploitation intensive des ressources naturelles mis en place pendant l'ère soviétique. La culture du coton et du blé dans les steppes désertiques s'est ainsi accompagnée du détournement des eaux de l'Amou-Daria et de Syr-Daria. Or ces deux fleuves alimentaient la mer d'Aral, 4e mer intérieure du monde. En l'absence de renouvellement des eaux, la mer a perdu 75 % de sa surface et 90 % de son volume depuis 1960.
Les conséquences directes de cette situation sont :
-le déclin de la biodiversité (faune et flore marines), la disparition de la pêche locale mais aussi la diminution des terres arables. Le climat, lui-même impacté, avec moins de pluie, des tempêtes de sel et de sable, a engendré des phénomènes de désertification, d'érosion et de salinisation du sol.
-refroidissement de certaines régions. Jusqu'au début des années 1960, la mer d'Aral, l'une des plus grandes mers fermées au monde, créait en permanence une bulle d'évaporation gonflée d'air chaud et protectrice des vents froids venus du nord, de Sibérie. Avec la disparition de la mer d'Aral, cette protection a disparu. Ils ont d'abord été ressentis dans le Karakalpakstan et dans le Khorezm, désormais il n'est pas rare de voir la température chuter en plein hiver à Tashkent, en-deçà de -30 °C.
- autre effet dramatique de la disparition de la mer, l'ensablement qui frappe une grande partie du pays, sans que le gouvernement ou les populations ne puissent lutter efficacement contre la progression du désert. Ainsi, en traversant le désert du Kyzyl Kum de Bukhara à Khiva, il est fréquent de voir les dunes de sable empiéter sur le bitume; quelques barrières plantées sur des dizaines de kilomètres tentent de limiter les dégâts. À Tourtkoul, en Karakalpakie, devant chaque maison, on peut voir un tas de sable mélangé à du sel à l'entrée. C'est celui que balayent régulièrement les habitants. Cette désertification accélérée a bien évidemment des retombées climatiques importantes, en augmentant l'albédo et en modifiant la composition du sol, les rendant impropres aux cultures.
Crise de l'eau
Les pesticides et le sel ont aussi imprégné les rivières et les eaux souterraines et contribuent à une contamination de l'ensemble de la chaîne alimentaire. La période post-soviétique a aggravé la situation par l'augmentation de l'utilisation des produits phytosanitaires (20 à 25 kg par hectare contre 3 kg pendant l'ère soviétique). L'industrie du pays contribue également à la pollution des milieux aquatiques avec le déversement de phénols et autres substances toxiques. Le manque de stations de traitement des eaux accentue les conséquences environnementales et sanitaires.
Selon les calculs des scientifiques, les ressources en eau du bassin du fleuve Syr-Daria devraient diminuer de 5 % d'ici 2050, et, plus graves encore, de 15 % pour le bassin de l'Amu-Daria. Conséquence économique, cette pénurie d'eau douce en Asie centrale pourrait entraîner une baisse de 11 % du PIB de la région d'ici 25 ans.
Qualité de l'air
En milieu rural, les tempêtes de sel et de sable, et l'épandage de pesticides et de défoliants sur les champs de coton dégradent la qualité de l'air sur de nombreux kilomètres et même au-delà des frontières du pays. Le désert d'Aralkoum constitue un foyer de tempêtes de sel et de poussières toxiques. Les zones urbaines ne sont pas épargnées et souffrent de la pollution industrielle, en particulier Tashkent. En 2023, la valeur annuelle des émissions de particules était de 41,20 μg/m³, ce qui place l'Ouzbékistan à la 9e place mondiale, derrière le Népal et Bahreïn. Ce classement très élevé indique l'énorme problème du pays avec ses niveaux de pollution atmosphérique.
L'utilisation de nombreux véhicules privés anciens avec des moteurs polluants, l'extraction des métaux précieux et des réserves de gaz naturel, les industries, comme la métallurgie, et plus largement la combustion d'énergie fossile, du charbon, génèrent une pollution atmosphérique dont le niveau dépasse souvent les valeurs-seuils préconisées par l'Organisation mondiale de la santé. La plupart des installations ne possèdent pas de dispositifs de filtration ou ceux-ci sont déficients. Un autre phénomène qui caractérise les milieux urbains et notamment la capitale, est la pollution liée aux émissions des véhicules motorisés.
Le tournant environnemental
La politique de l'Ouzbékistan change et amorce une série de réformes pour faire de l'économie verte non seulement l'un des vecteurs de croissance du pays mais surtout limiter l'impact environnemental et climatique de son développement. En 2022, deux accords opérationnels ont été signés avec la France à l'occasion du voyage du Président de la République, Emmanuel Macron. En 2018, un grand festival de musique électronique s'était tenu à côté de Moynak, un ancien village de pêcheurs disparu, sur les anciens rivages de la mer d'Aral. L'un des objectifs était de sensibiliser les jeunes générations à l'environnement. Précisément, l'éducation représentant un enjeu pour le pays, le comité national de l'écologie entend déployer des programmes environnementaux dans les écoles et les universités.
Autre facteur, la croissance économique qui entraîne des besoins énergétiques plus importants. Le gouvernement souhaite "accroître la part des énergies renouvelables à 25 % du mix électrique d'ici 2030. Des investissements sont réalisés dans les secteurs de l'énergie solaire, de l'éolien et de l'hydroélectricité. Le pays doit aussi apprendre à être plus économe en eau, qu'il utilise abondamment pour l'agriculture irriguée, mais qui devient insuffisante pour faire face à la demande." (Source AFD - Agence Française de Développement)