Découvrez l'Ouzbékistan : Que rapporter ? (artisanat...)

Que peut-on ramener d'un voyage sur la route de la Soie ? Cette question mérite réflexion. Ce serait effectivement réducteur que de penser uniquement à la soie, alors même que les caravanes transportaient quantités d'épices, de thé, de pierres précieuses, de fourrures, qu'elles véhiculaient des idées, des religions, des connaissances, des livres, des techniques et des technologies… Au cœur de ce dense réseau commercial, l'Ouzbékistan, et sa prestigieuse capitale, la ville emblématique de Samarkand, ne pouvait qu'être l'héritier d'un artisanat aussi riche que varié. Artisanat qui a été perpétué par quelques maîtres excellant dans leur discipline, pour leurs besoins domestiques et quotidiens. Aujourd'hui, même si Samarkand a largement succombé à la mode des petits souvenirs fabriqués en Chine, le voyageur pourra découvrir cet héritage incomparable (toques en astrakan, broderie, céramiques...) notamment à Boukhara.

De la variété et de la qualité

Ce sont bien les deux axes qui définissent l'artisanat ouzbek. Du choix dans les matériaux : acier, bois, soie, coton, terre cuite, papier… Les Ouzbeks travaillent toutes les richesses produites par le pays ou transitant via le pays. Au fil des siècles, ils ont su conserver des motifs, des méthodes et techniques traditionnelles qui se transmettent, la plupart du temps, de père en fils au sein de lignées familiales ayant fait le choix de la culture et du savoir-faire, qu'il s'agisse de la tapisserie, de la coutellerie, de la broderie ou des enluminures et miniatures. Ce fut une longue lutte que de pouvoir les faire perdurer sous le régime soviétique. De nos jours, à Ferghana, à Gijduvan, à Boukhara, des artisans ayant pignon sur rue ouvrent des écoles, forment des apprentis et accueillent les touristes dans le cadre de master class, permettant ainsi de faire découvrir tous les trésors de la culture ouzbèke.

Du côté des bijoux

Les femmes du khan pouvant être répudiées à tout moment. De la même façon que les nomades, elles portaient donc leurs richesses sur elles : plusieurs robes et manteaux enfilés les uns sur les autres ainsi que leurs bijoux qui étaient censés les protéger. Les bracelets, boucles d'oreilles, diadèmes et pectoraux étaient en argent ciselé, doré à l'or fin et incrustés de pierres semi-précieuses (cornaline, turquoise, corail, perles, rubis).

Les jeunes mariées étaient couvertes de bijoux : Diadème couvrant la coiffe de soie, elle-même ornée de pendentifs, bracelets, larges boucles d'oreilles, anneaux pour le nez, collier, amulettes et pectoral. Une devinette célèbre illustre cette pratique en Asie centrale : « Quelle est la plus belle mariée ? Celle qui ne peut se déplacer seule, car elle est trop chargée de bijoux ». Aujourd'hui, l'orfèvrerie n'est plus aussi représentative de l'artisanat ouzbek. Néanmoins, on trouve quelques antiquités ou des reproductions.

Céramique

C'est sous les Timourides que l'art de la céramique a atteint son apogée. Lors de ses conquêtes, Tamerlan épargnait les meilleurs artisans et les ramenait à Samarkand où ils venaient grossir les rangs de ses bâtisseurs. La nécropole de Shah-i-Zinda est la plus éclatante illustration des compétences et des innovations de ces artisans : tuiles émaillées polychromes, motifs peints sur ou sous la glaçure, mosaïques de fines pièces de céramique glaçurée taillées au ciseau, ou encore terracotta moulée, sculptée puis émaillée. Les secrets de fabrication et de glaçure étaient transmis de père en fils, chaque région possédant ses couleurs et ses propres motifs.

La vaisselle s'inspire de ces motifs, ou des impressions de tissu (batik), pour ses décors présentant également des grenades ou des vues des monuments les plus célèbres (Régistan, Ichan Minor...). Plat à plov, théière et bols à thé sont les plus courants. Un centre patrimonial d'artisanat (Rishtan Ceramic center) regroupe les productions d'artisans de talent face à l'entrée principale du marché de Chorsu à Tashkent.

Soie ikatée

Dans les bazars d'Asie centrale, les soies ikatées sont progressivement remplacées par de pauvres imitations synthétiques importées de Chine. Au siècle dernier, les becassab et les khan-atlas de la vallée de Ferghana, de Samarkand et de Boukhara étaient parmi les marchandises les plus prisées des acheteurs russes. Après l'arrivée des bolcheviks au pouvoir, les femmes « libérées » et les artisans étaient plus utiles dans les champs de coton que devant les métiers à tisser. Cet artisanat fut donc interdit, et les techniques ancestrales furent presque perdues. Il fallut attendre les années 1950 pour que les Soviétiques relancent, de façon industrielle, la production des soieries dans la vallée de Ferghana. Aujourd'hui, il existe à nouveau des fabriques artisanales (dont celle de Yodgorlik, à Marguilan, et du tim Abdullah khan à Boukhara) qui utilisent les techniques traditionnelles et vendent leur production. Les étoffes sont tissées à la main, les fils de chaîne sont colorés suivant un motif floral stylisé obtenu par réserves de ligatures avant le tissage. Les motifs sont inspirés de symboles ancestraux, à la fois géométriques et floraux, censés protéger du mauvais œil : tulipes, poivrons, pavots, papillons, queues de paon ou encore scorpions.

Une légende raconte l'origine de ces tissus ikatés. Un jeune homme amoureux d'une jeune princesse désirait ardemment l'épouser. Or le khan avait promis que sa fille serait donnée en mariage à qui serait capable de confectionner la plus belle des robes. Jour et nuit, le jeune homme se mit à tisser. Les soieries qu'il proposait étaient plus belles les unes que les autres, mais à chaque fois le khan les refusait. Désespéré, le jeune homme se rendit sur les bords d'un grand lac et voulut se noyer. De ses doigts usés à force de tisser coulait du sang. Il se mélangea à l'eau du lac, au reflet des arbres et au bleu du ciel. Ces couleurs se mêlaient si harmonieusement qu'il décida alors de les reproduire sur son métier à tisser. Enfin, le khan émerveillé par la beauté du tissu l'autorisa à épouser sa fille !

Suzanis et Gulkurpas

La broderie est le savoir-faire des femmes. Elles passaient des années entières à broder d'immenses panneaux de tissu, travaillés en de longues bandes qu'elles assemblaient ensuite. Les points de broderie les plus courants étaient le bosma (point satin), le yurma (chaînette), l'iroki (point de croix) et le khamdouzi (point satin double). À l'origine, les suzani et les gulkurpa étaient destinés à recouvrir le lit des jeunes mariés, pièces indispensables à la dot de la jeune épouse. Par la suite, ils furent utilisés comme panneaux muraux.

Les symboles représentés variaient suivant les régions mais avaient toujours un rôle protecteur. Sur les couvre-lits des jeunes mariés, l'arbre de vie (symbole de fertilité) s'accompagnait d'un coq (annonciateur du soleil et de la fin des ténèbres) repoussant les esprits malins. Autre motif fréquent des oï-paliak : le cercle, symbole zoroastrien de l'univers, inscrit dans un rectangle. Comme pour les tissus ikatés, le bestiaire stylisé d'animaux protecteurs est largement traité : serpents, scorpions, grenouilles… Le musée du palais Sitora-i-Mokhi-Khosa, près de Boukhara, possède une importante collection de suzani et de gulkurpa dont beaucoup sont de véritables chefs-d'œuvre.

Les tapis

Généralement, les tapis portent le nom de leur lieu de fabrication ou de leur lieu de vente. C'est le cas des bukharas qui provenaient en général des tribus turkmènes mais se vendaient au bazar de Bukhara, un des plus grands centres de vente de tapis d'Asie centrale. La confection des tapis était réservée aux femmes et aux jeunes filles. Les techniques se transmettaient de mère à fille, l'enfant apprenait à tisser dès l'âge de 8 ans. On considérait qu'il fallait 25 années d'expérience pour devenir une tisserande accomplie.

La couleur rouge, symbole de la fertilité et de la prospérité, était la plus utilisée, non seulement pour sa valeur symbolique mais également parce que ce colorant naturel, extrait de la garance, poussait en quantité en Asie centrale. Le décor était composé d'un champ central avec médaillons et de bordures. Les tapis les plus anciens ne possédaient jamais plus de trois bordures mais, au XIXe siècle, il put y en avoir jusqu'à 12. Par ailleurs, la qualité des tapis baissa à cause de l'apparition des colorants à l'aniline et de la technique du serrage, obtenue désormais en tassant la trame et le velours en place des fils plus fins utilisés précédemment. Les tapis perdaient la richesse des coloris naturels et leur souplesse. Les nomades devenant sédentaires et agriculteurs, les traditions familiales se perdaient. La production ralentit et les motifs symboliques furent progressivement remplacés par des motifs purement décoratifs.

Les miniatures

Dans l'art islamique, on réserve le terme de miniature aux illustrations figurées et celui d'enluminure aux décors abstraits. Les miniatures se sont développées à partir du début du XIIIe siècle.

En Ouzbékistan, l'ère timouride (1369-1507) vit croître une importante tradition littéraire. Tamerlan transféra dans sa capitale Samarkand les meilleurs artistes de Bagdad. Ses premiers descendants appréciaient et soutenaient la peinture et la calligraphie. Sous le règne d'Ulugh Beg (1409-1449), furent commandés plusieurs manuscrits importants dont un traité astronomique d'Al-Soufi, l'Livre des étoiles fixes (vers 1437), avec des représentations de constellations. La bibliothèque fabuleuse du prince astronome fut détruite juste après sa mort et la grande majorité des ouvrages qui y étaient conservés furent brûlés.

L'avènement en 1507 de la dynastie des Chaybanides signa son renouveau. Mécène, protecteur des arts, poète capable de composer en turc et en persan, Mohammad Shaybani reconstitua une bibliothèque majeure à Samarkand. Mais c'est à Boukhara, sa capitale, qu'il réunit les meilleurs artistes et calligraphes de son temps, tous originaires de Hérat, tels que le calligraphe Mir Ali ou le peintre Sheikhzadeh, l'un des meilleurs élèves de Behzad, le grand maître de cette époque qui inspira un style de miniature persane. Aujourd'hui encore, la tradition des miniatures étant très répandue en Ouzbékistan, vous rencontrerez de talentueux artisans.

Petits conseils avant de passer à la caisse

Avant d'entreprendre une séance shopping, ayez bien en tête que les Ouzbeks sont des commerçants depuis 5 000 ans, et qu'il faudra en tenir compte au cours de votre négociation… Retenez bien ça : tout se négocie. À Boukhara, l'achat de souvenirs ou d'artisanat demeure possible mais attention aux arnaques. Nombreuses sont les boutiques revendant des « tapis de Boukhara » fabriqués en Iran (dans le meilleur des cas), en Chine ou en Inde, des bijoux de pacotille, de faux souvenirs de l'époque soviétique…

Prenez le temps, ne vous laissez pas pousser à l'achat, comparez, entrez dans différentes boutiques et vérifiez si possible la qualité et la provenance des produits. La meilleure manière d'encourager l'artisanat local n'est certainement pas de cautionner les contrefaçons ! Si votre budget est serré, les prix des tapis ou des miniatures pouvant valoir des centaines voire des milliers d'euros, sachez que bien souvent les artisans ont des apprentis qui vendent aussi leur production pour des tarifs bien plus attractifs.

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