Le plov et autres classiques de la cuisine ouzbek
Le plat national de l'Ouzbékistan – et de la plupart de ses voisins – est le plov (aussi appelé palov ou osh selon les régions et les dialectes). C'est un plat à base de riz long grain, cuit par absorption, dont la recette la plus commune est généreusement garnie de morceaux de viande (agneau ou mouton), de bâtonnets de carottes et d'oignons. Il est généralement cuit dans un kazan (ou deghi) sur un feu ouvert. Agrémenté de pois chiches (plov noute), de raisins secs (plov baïram), de feuilles de vigne farcies (plov kovatok), de coing (plov chodibek), d'ail (plov sarimsok piezli) et ainsi de suite, les variations sont infinies.
Bien que généralement préparé à la maison pour la famille et leurs invités par la maîtresse de maison, le plov (prononcé plof) est aussi cuisiné à des occasions spécifiques par l'oshpaz (chef cuisinier de l'osh), servant parfois jusqu'à 1 000 personnes. Les occasions ne manquent pas : jours fériés, mariages ou rupture du jeûne du ramadan. On trouve également du plov tous les jours dans les cantines des bazars. De grands plats sont apportés sur la table et on mange avec la main droite, formant des boulettes de riz contre le bord du plat. L'oshi nahor est une tradition au cours de laquelle les gens se réunissent pour préparer et savourer un plov, typiquement dans le cadre d'une célébration de mariage. Rien qu'en Ouzbékistan, il existe une centaine de recettes d'osh différentes.
Autre spécialité ouzbèke très prisée, le chachlik : mot persan pour désigner le kebab et plus précisément le şiş kebap turc. Toujours cuits par les hommes, ils sont en général constitués d'une alternance de morceaux de viande et de gras. Au choix, on trouve couramment de la viande de mouton mais aussi de la viande de bœuf, d'agneau ou de poulet. Les chachliks peuvent être à base de foie de mouton ou de morceaux de gras, la partie la plus noble pour les connaisseurs mais pas toujours digeste pour les estomacs occidentaux. Cependant, si l'on vous offre du gras, considérez cela comme un honneur, et tâchez de ne pas refuser. Le gras est plus qu'un plat, c'est une religion ! La meilleure partie vient de la queue du mouton, qui chez certaines espèces peut atteindre 20 kg. Les plus aventureux tenteront l'expérience, qui se traduit par une explosion de gras sur le palais. Contrebalancez en grignotant des oignons au vinaigre sans oublier une bonne quantité d'aneth !
Le beshbarmak est un plat traditionnel des peuples nomades turcophones d'Asie centrale. Le terme peut littéralement se traduire par "cinq doigts" car on mange avec la main. La viande de cheval ou de mouton est bouillie puis émincée en fines lamelles que l'on dépose sur un lit de larges nouilles de blé. Le tout est servi avec une sauce épicée à l'oignon. On l'accompagne avec une chorba ou sho'rva, une soupe que l'on retrouve dans tout le monde musulman ou les Balkans. Si certaines versions peuvent être riches, contenant viande, légumes et pâtes, en Ouzbékistan c'est un simple bouillon clair d'agneau. Quant au dimlama, c'est un ragoût de viande (agneau, bœuf ou veau) et de légumes variés : pommes de terre, choux, aubergines, tomates, etc.
Cherchant leurs origines vers l'Est et la Chine, les lagman et les norin sont des plats à base de nouilles servis en soupe ou en plat principal. Les lagman sont une variante des nouilles lamian originaires du nord-ouest de la Chine (spécialité des Hui). Cuisinées de diverses manières - sautées ou bouillies avec un mélange de légumes et quelques bouts de viande -, elles sont relevées d'une sauce très épicée. Les norin/naryn à base de nouilles, de viande (de cheval ou de mouton) sont servis froids (kuruk norin) ou chauds avec un bouillon (khul norin). Spécialité ouïghoure, les manty se retrouvent jusqu'en Turquie sous diverses formes et tailles. Il s'agit de gros raviolis cuits à la vapeur et fourrés à la viande de mouton et aux oignons. C'est extrêmement savoureux.
Assez proche, le chuchvara est un type de ravioli à la viande servi avec une sauce tomate et des légumes. Enfin le hanum ou khanum est un rouleau de pâte contenant des légumes et de la viande que l'on fait cuire à la vapeur avant de le couper en rondelles épaisses. Sinon, pour les petites faims, le samsa est un chausson fourré à la viande et aux oignons, parfois feuilleté, frit ou cuit au four. Sans oublier le chebureki, un peu plus copieux, qui se présente sous forme d'un large chausson en demi-lune garni de viande hachée.
Pains et légumes
Le pain est un aliment sacré en Asie centrale. On en trouve de succulents sur les marchés dont le plus connu est le lepeshka. Il possède une forme circulaire facilement reconnaissable avec ses bords bien gonflés, parfois décorés de motifs, et son centre creusé. Mais chaque région a son propre levain, sa méthode de cuisson et ainsi son propre goût inimitable. Par exemple, la vallée de Ferghana est célèbre pour le pain feuilleté appelé katlama-non, dont chaque couche est enduite d'huile ou de crème aigre. Dans d'autres régions on retrouve le jizzali-non qui contient des petits morceaux de gras de mouton ou le zogora-non, à base de farine de maïs. Certaines lepeshkas sont préparées avec de l'oignon ou de la viande, cuites dans la pâte.
Traditionnellement, le pain ouzbek n'est jamais coupé au couteau. Au début du repas, il est déchiré en morceaux à la main et posé sur la table près de chaque couvert. On le sert souvent avec du beurre. Ne placez pas le pain ouzbek à l'envers, c'est considéré comme très irrespectueux.
La vallée de Ferghana est un paradis pour les amateurs de fruits, de crudités et de légumes. Concombre, tomates, carottes, radis, poivrons, aubergines et une foule d'herbes aromatiques débordent des étals des marchés en été. S'il y a une salade qui mérite le détour en Ouzbékistan c'est la salade Tashkent, composée de radis blanc râpé et de bœuf cuit effiloché, elle est garnie de mayonnaise, d'œuf dur et d'oignons frits avant de servir.
La cuisine juive ouzbek
L'histoire des juifs dans la région de Boukhara a façonné une cuisine distincte, soumise aux restrictions des lois alimentaires juives ou cashrout, comprenant notamment l'interdiction de la viande de porc, des fruits de mer et du mélange viande-laitage au cours du même repas.
Le plat juif de Boukhara le plus typique est l'oshi sabo, ce dernier est cuit à petit feu pendant la nuit et mangé chaud pour le déjeuner du shabbat. Il est fait avec de la viande, du riz, des légumes et des fruits donnant un goût aigre-doux unique. Plus qu'une recette, c'est un plat symbolique, tout comme le bakhsh ou plov vert - un plat de riz contenant du bœuf, de l'agneau ou du poulet et des herbes vertes (coriandre, persil, aneth) en abondance -, que l'on peut aussi servir pour le shabbat. Autre plat de riz, le serkaniz, un pilaf très aillé contenant également des pois-chiches et des carottes. Quant à l'oshi piyozi, c'est une recette d'oignon farci de viande hachée que l'on sert souvent avec du mohibir'yon, un plat de poisson frit à la sauce à l'ail (pour le dîner du vendredi soir) et que l'on parsème généreusement de coriandre.
Le pain est parfois frit puis trempé dans le reste de sauce à l'ail. Appelé noni toki, ce pain sans levain et croustillant se cuit au dos d'un wok, ce qui lui donne une forme de saladier. Sinon autre spécialité, idéale pour un peu de fraîcheur lors des étés ouzbeks parfois torrides, le slotah bukhori – une salade à base de tomate, concombre, oignon vert, coriandre, sel, poivre et jus de citron. Certains mettent également de la laitue et du piment.
Que boire ?
Servir le thé obéit à tout un cérémonial qu'il convient de respecter pour s'assurer les meilleurs contacts avec les Ouzbeks. Toujours prendre ou donner la théière ou les tasses de la main droite, éventuellement en posant l'autre main sur le cœur. Avant d'être bu, le thé est versé et reversé trois fois dans la théière ce qui permet de l'aérer et de le refroidir. Pour boire le thé, s'il est trop chaud, ne soufflez pas dessus mais aspirez bruyamment de l'air avec le liquide (conseil s'appliquant aussi à la soupe). Le thé vert se boit toute la journée et les maisons de thé (tchaïkhana) ont une importance culturelle significative. Le thé noir est préféré à Tachkent. Les deux sont généralement pris sans lait ni sucre. Le thé accompagne toujours un repas, mais c'est aussi une boisson d'hospitalité, automatiquement offerte à chaque convive.
Sinon autre boisson très populaire, issue du passé nomade des populations d'Asie centrale, le koumiss. Inévitable pour ceux qui s'aventureront dans la steppe ou le désert, il est autant prisé des locaux qu'il indispose les touristes. C'est une boisson à base de lait de jument ou de chamelle fermenté et légèrement alcoolisé. Le meilleur koumiss est celui du printemps, quand l'herbe est haute et verte. Après chaque traite, on verse le lait de jument dans le savaa – une grande poche en peau de mouton qui est enfumée chaque semaine – puis on doit le battre pendant au moins un quart d'heure ; plus on le bat, meilleur il devient. Les médecins considèrent que le koumiss a de hautes vertus curatives, en tout cas excellentes pour la santé, certainement plus facile à boire : l'ayran, une boisson au yaourt servie bien fraîche, très populaire en été.
Si l'islam est la religion officielle, l'Ouzbékistan est plus souple quant à la consommation de boissons alcoolisées. La vodka fit son apparition en Asie centrale sous l'occupation russe puis soviétique. Elle est toujours présente sur les tables de banquet. Elle se boit dans les mêmes tasses que le thé, ce qui fait une quantité généreuse à avaler d'un trait après le toast traditionnel. La bière est appréciée mais il existe quelques marques locales (Bravo) ou russes (Baltika et Zolotaïa Botchka) mais la plupart des brasseries sont des filiales de grands groupes européens comme la pulsar, une pilsner tchèque très commune dans le pays ; la sarbast du groupe danois Carlsberg.
Le vin de Samarkand est le plus réputé. Les vins blancs les plus connus sont le bogimaïdon et le baïgibechir (vins secs) ou le gola qandoz et le shirin (vins doux). Les vins rouges, comme l'aliatiqo, ont un goût sucré semblable à un vin cuit. L'Ouzbékistan compte 14 établissements vinicoles, le plus ancien et le plus célèbre étant le domaine viticole Khovrenko à Samarkand (est. 1927). La cave Samarkand produit une gamme de vins doux à partir de cépages locaux : Gulyakandoz, Shirin, Aleatiko et Kabernet likernoe (littéralement Cabernet licoreux en russe). Les vins ouzbeks ont reçu des prix internationaux et sont exportés vers la Russie et d'autres pays d'Asie centrale, où ils jouissent d'une grande popularité.
Mille et un... melons !
Le roi des fruits est sans conteste, le melon. Il appartient au groupe inodorus (originaire d'Anatolie et du Moyen-Orient) c'est-à-dire qu'il est à chair blanche ou vert pâle, sucré, juteux parfois craquant mais moins aromatique. Le célèbre Avicenne lui reconnaît diverses propriétés, en utilisant la peau, la pulpe ou le melon bouilli, pour nettoyer les voies urinaires, les petits calculs rénaux, la constipation, l'anémie, les maladies du foie et des reins... De nombreuses vertus ! On le consomme frais ou séché.
En Asie Centrale, l'Ouzbékistan est la plus importante zone de culture avec environ 40 000 ha et 500 000 fruits produits. Plus de 160 variétés sont répertoriées et 36 variétés sont commercialisées : Chillaki à peau fine et pulpe orange ; Koukcha vert, long et peu sucré ; Obi novvot rond et jaune à pulpe juteuse et bien sucrée ; Zhura kand vert ovale à la pulpe croquante très sucrée... Certains pèsent jusqu'à 4 kg comme le Metrovka à la pulpe claire délicate sucrée ou sont des géants, jusqu'à un mètre de longueur ! C'est le cas du Mirza Cho'l', un fruit jaune ou vert tacheté et allongé pesant jusqu'à 11 kg, très apprécié pour sa pulpe orange à l'arôme floral et aux notes épicées proches du miel.
La fête du melon, ou kovum saili, est organisée dans les bazars, où sont élus les meilleurs melons de l'année. Ceux-ci sont débarqués par centaines de kilos dans des zones bien délimitées du bazar, mais des vendeurs à la sauvette trouvent toujours des places autour du bazar pour vendre leur petite récolte. On trouve aussi à la même saison des pastèques, des citrouilles et toutes sortes de cucurbitacées. Elles peuvent être achetées à la pièce, mais de nombreux vendeurs découpent des quartiers à picorer immédiatement.
Et comme dessert...
La pâtisserie est un peu le parent pauvre de la cuisine ouzbèke néanmoins le baklava et ses variantes se retrouvent dans les bazars, ou les gâteaux de mariage (vendus à la part, des génoises agrémentées de crème au citron, à la cerise... et d'un nappage éclatant de couleur, comme au marché de Chorsu dans la zone des boulangers), ou encore des pâtes frites du type merveilles ou oreillettes. Les locaux se régalent de fruits – frais ou secs – comme les abricots (l'Ouzbékistan en est le 2e producteur mondial), les melons, les cerises, les pêches, les fraises, ainsi que le meilleur raisin du pays, de la variété kichmich, aux petits grains succulents, très sucrés et dépourvus de pépins.
Les fruits secs sont également succulents, même s'ils paraissent plus bruns que leurs homologues vendus en Europe de l'Ouest. En effet, ils ne sont pas gorgés de conservateurs, comme le dioxyde de soufre, permettant de rendre les abricots secs oranges ! On trouve un large choix d'abricots (couleur, taille), de dattes, de noix, d'amandes, de cacahuètes qui peuvent être achetées avec leurs coques ou sans. Sur les bazars, hommes et femmes s'affairent à cet exercice et stockent des montagnes de noix.
Le halva de sésame mou est l'une des rares sucreries du pays. Il est fabriqué à partir de sirop de sucre, de blancs d'œufs et de graines de sésame. Le halva de sésame solide est fabriqué à partir de sucre étiré auquel est ajouté le sésame avant d'être moulé sur un plateau et découpé. Sinon le soumalak est une pâte sucrée d'origine iranienne faite uniquement avec des graines germées d'agropyre (une céréale) : elle est confectionnée dans une grande casserole jusqu'à obtenir une crème brune délicatement sucrée. Elle est préparée spécialement pour le Nouvel An perse ou Norouz, le 21 mars, que l'on célèbre aussi en Ouzbékistan.
Sinon, vous verrez quantité de billes blanches entassées sur certains stands : les Ouzbeks raffolent du kurut, des boulettes de yaourt aigre séché.